En tant qu’agricultrice et nouvelle députée européenne, je défends une vision claire et audacieuse : une agriculture fière, ambitieuse et innovante.
Certains secteurs se portent bien et font rayonner nos savoir-faire dans le monde. La France demeure la première puissance agricole d’Europe et dispose encore d’une balance commerciale agro-alimentaire positive avec un excédent commercial de 10.2 Milliards d’Euros. Celui-ci reste tiré vers le haut par certaines productions comme les vins, les spiritueux ou les semences mais ne cesse de reculer. Or, nous jouons avec le feu, certaines filières sont au bord du gouffre et les importations ne cessent d’augmenter. Par exemple, 71 % de la consommation française de fruits est importée. Enfin, un mur générationnel se dresse face à la population agricole : en 2026, 50 % des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite.
En plus de cela, chaque jour, nos agriculteurs se battent contre des vents contraires : coûts de production élevés, concurrence internationale déloyale, défiance sociétale, normes environnementales absurdes. Les agriculteurs se heurtent à un système juridico-administratif de plus en plus hostile, suite aux recours systématiques et répétés des ONG. Ils font face à des discours décroissants de ces mêmes ONG, relayés par certains médias qui soutiennent que produire moins, manger moins de viande ou de produits laitiers seraient les solutions à tous les maux de notre société. Nous devons rompre avec ces anathèmes catastrophistes et définitivement renouer avec la noblesse de produire.
Produire mieux ! Oui ! Produire plus ! Évidemment ! Nous regorgeons d’un savoir-faire exceptionnel et d’une volonté qui ont fait de la France et de l’Europe des champions mondiaux depuis plusieurs siècles. Nous devons définitivement enterrer l’idéologie mortifère et décroissante de la stratégie Farm to Fork, et rétablir la dignité de l’acte de produire pour reconquérir notre souveraineté alimentaire.
Mettre à disposition des agriculteurs les outils économiques et techniques
Premièrement, nous devons mettre à la disposition de nos agriculteurs des outils économiques forts : une Politique agricole commune ambitieuse, dotée d’un budget conséquent, qui tient compte de l’inflation réelle. Mère de toutes les politiques européennes, cette vieille politique n’a pourtant jamais été aussi moderne. Sa future réforme doit renouer avec son ambition première : garantir l’approvisionnement alimentaire et le revenu agricole. Les mesures de simplification des règles sur la conditionnalité de la PAC adoptées en 2024 doivent être le point de départ de cette réforme. La réserve de crise agricole doit trouver un budget suffisant pour répondre aux difficultés, notamment climatiques, qui frapperont de plus en plus violemment les agriculteurs.
Redonner des outils économiques aux agriculteurs signifie également leur garantir un revenu digne. Ils sont nombreux à vouloir se passer des aides au revenu, mais ne le peuvent pas en raison d’une chaîne de valeur qui ne répercute pas suffisamment les coûts de production. Les multiples lois EGALIM ne suffisent pas pour permettre aux agriculteurs de dégager. Il faut assouplir encore les règles européennes en matière de concurrence notamment pour que les agriculteurs puissent mieux se regrouper afin de gérer l’offre, à travers les organisations de producteurs par exemple, et ainsi mieux valoriser leur production.
Nous devons cesser de diaboliser les outils les plus modernes et renouer avec l’innovation. Les grandes puissances agricoles ont depuis longtemps autorisé l’accès aux nouvelles techniques génomiques de sélection variétale. En Europe, la situation est bloquée. Pourtant, ces techniques sont des opportunités pour obtenir des cultures plus résilientes, plus productives, moins gourmandes en eau et en intrant.
L’accès à l’eau, en particulier dans des régions de plus en plus touchées par la sécheresse, doit être financé et facilité. Sinon, nous pouvons faire une croix sur l’agriculture dans de très nombreux territoires en France et en Europe. C’est une approche multi-usage que je porte, au profit de tous et de toutes les activités. Mais, une fois qu’un projet est décidé, après de multiples comités de validation, les atteintes aux biens et aux personnes doivent être sanctionnées avec la plus grande sévérité.
Les solutions de biocontrôle et les drones doivent bénéficier d’autorisations accélérées afin d’être mobilisés plus rapidement sur le terrain. Enfin, interdire des molécules qui ne peuvent être substituées par d’autres est une hérésie : détruire une production se fait d’un trait de plume. Rebâtir une filière, des liens forts dans les territoires, prend des années.
Simplifier toujours simplifier
Comment se fait-il qu’un agriculteur ne puisse pas faire ses déclarations par ses propres moyens ? Nous en sommes venus à une situation ahurissante où les règles à respecter sont devenues si complexes que les agriculteurs vivent avec la boule au ventre de cocher la mauvaise case. Une étude du Parlement européen a démontré que l’excès de bureaucratie pourrait représenter jusqu’à 150 Milliards d’Euros par an soit 1,5 % du PIB de l’UE : voilà le coût concret de notre paperasse.
Protéger nos agriculteurs des affres de nos propres normes est primordial au même titre que la protection que nous leur devons face aux puissances agricoles étrangères.
Protection contre la concurrence déloyale
L’accord entre l’UE et le Mercosur fait peser un réel danger sur notre agriculture car elles seront les premières victimes d’une concurrence déloyale et destructrice. Le sucre, le maïs, la viande bovine et bien d’autres secteurs en paieront le prix fort. Il s’agit d’une véritable brèche, d’un poison lent qui s’infiltre dans des secteurs déjà fragilisés. Les agriculteurs ne sont pas contre le développement des échanges économiques mais ils veulent, surtout et avant tout, plus de justice et d’équilibre. Je suis pleinement mobilisée au Parlement européen pour que cet accord ne soit pas ratifié.
Refuser la production, c’est accepter que d’autres pays, moins exigeants en matière de normes sociales et environnementales, prennent notre place sur les marchés. C’est sacrifier nos agriculteurs, nos terroirs et, in fine, notre capacité à nourrir nos populations. Et ce modèle ne fera qu’aggraver l’empreinte carbone de notre alimentation, avec des productions dont le coût environnemental est parfois trois fois plus élevé que celui de l’Europe. Toutes ces mesures doivent s’accompagner d’une remise à plat morale : en finir avec l’agribashing et réconcilier les citoyens avec leur agriculture.
Stop à l’agribashing : faisons la lumière sur le financement des ONG
D’abord, en renouvelant la confiance envers ceux qui nous nourrissent. L’agribashing, la défiance permanente à l’égard des agriculteurs est insupportable et pèse sur leur moral. Cela passe notamment en faisant toute la lumière sur le financement des ONG dont on sait finalement très peu aujourd’hui. Elles sont parfois financées par des fonds qui défendent la viande de laboratoire ou des concurrents étrangers, qui n’attendent qu’une baisse de régime de notre agriculture. Demander la transparence dans leur compte est aujourd’hui essentiel pour protéger notre souveraineté.
Conclusion
L’Europe et la France sont des terres d’innovation sans pareilles. Nos agriculteurs ont du courage, de l’ingéniosité et une résilience exceptionnelle. Nous devons leur donner les moyens d’agir pour renouer avec le sens de la production. C’est un métier qui mérite reconnaissance et respect. Offrons les outils économiques et techniques de l’exercer, assurons une plus grande protection des affres du commerce, finissons-en avec les normes kafkaïennes et rétablissons ce lien de confiance entre les agriculteurs et ceux qu’ils nourrissent. Il y a ici de nombreux ingrédients pour retrouver la noblesse de produire avec un grand « P ». Produire pour notre souveraineté, notre capacité à maîtriser notre destin. ■