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La France championne des dépenses publiques

Par François Ecalle, Président de FIPECO*

Selon les statistiques provisoires publiées par l’Insee le 26 mars, les dépenses publiques se sont élevées à 1 292 Md€, soit 56,5 % du PIB, en 2017.

En 2016, elles représentaient 56,6 % du PIB, ce qui plaçait la France au premier rang de l’OCDE, la deuxième place étant tenue par la Finlande (56,0 % du PIB). Les dépenses publiques des autres pays en 2017 n’étaient pas encore publiées par les institutions internationales lorsque cet article a été rédigé, mais il est très probable que la France soit de nouveau sur le podium, et même sur sa première marche.

Vingt ans plus tôt, avec des dépenses publiques représentant 54,3 % du PIB en 1996, la France était loin derrière le trio scandinave : la Suède (61,5 % du PIB), la Finlande (61,1 %) et le Danemark (58,0 %). Elle est montée sur le podium à la fin des années 1990 et sur la première marche en 2005. Depuis lors, elle n’a été que temporairement dépassée par la Finlande ou le Danemark.

En 2016, elle se situait ainsi loin de la moyenne de la zone euro (47,6 % du PIB), de l’Union européenne (46,3 %) et de l’OCDE (40,4 %). L’écart de 12,3 points de PIB avec l’Allemagne, où les dépenses publiques représentaient 44,3 % du PIB, correspond à 270 Md€.

Les dépenses publiques de la France sont trop élevées car, pour les financer, elles obligent à fixer le taux des prélèvements obligatoires à un niveau qui grève la compétitivité de ses entreprises et l’attractivité de son territoire ou à recourir à des emprunts qui entraînent la dette publique vers des zones risquées. Le Gouvernement a donc raison de vouloir les réduire.

Eurostat ventile les dépenses publiques par « fonctions », c’est-à-dire par grandes politiques publiques telles que l’enseignement, le logement etc. La comparaison des dépenses consacrées à ces fonctions en France et dans l’Union européenne permet d’identifier celles qui se distinguent par leur coût et de dégager des pistes d’économies, voire de mettre en évidence des postes où les moyens sont insuffisants.

Les dépenses liées à la retraite et à la dépendance sont celles pour lesquelles l’écart entre la France (15,0 % du PIB en 2016) et l’Union européenne (11,5 %) est le plus important. Il résulte pour partie du caractère obligatoire et monopolistique des régimes complémentaires, qui sont classés parmi les administrations publiques en raison de ces caractéristiques. Dans les autres pays, ces régimes complémentaires sont souvent facultatifs, au niveau de la branche ou de l’entreprise, et concurrentiels et sont donc classés hors des administrations publiques.

Cet écart tient également à un âge précoce d’ouverture des droits à la retraite et d’atteinte du taux plein ainsi qu’à des pensions plus élevées en France. Elles permettent à la population de plus de 65 ans d’avoir le plus haut niveau de vie, en pourcentage de celui de l’ensemble de la population, parmi les pays suivis par le Conseil d’orientation des retraites.

La deuxième fonction pour lequel l’écart entre les dépenses en France (5,6 % du PIB) et dans l’Union européenne (4,0 % du PIB) est le plus important s’intitule « affaires économiques ». Il s’agit d’un poste assez hétéroclite où figurent aussi bien les dépenses publiques en faveur des transports que les aides à l’agriculture ou au développement des énergies renouvelables. On y trouve également en France le crédit d’impôt pour la recherche et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

En effet, les crédits d’impôts sont enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale. Le remplacement du CICE par un allègement de cotisations sociales patronales en 2019 entraînera ainsi mécaniquement une baisse des dépenses publiques de presqu’un point de PIB pour Eurostat, mais l’objectif du Gouvernement pour 2018-2022 est une réduction de 3 points de PIB des dépenses publiques hors crédits d’impôts.

Les dépenses publiques de santé représentent 10,9 % du PIB en France contre 9,8 % dans l’Union européenne. La France est au troisième rang, derrière les Pays-Bas et le Danemark, alors que les études et rapports pointant les inefficacités de son système de santé sont nombreux. La France se distingue également par l’importance des assurances maladie complémentaires, obligatoires pour les salariés mais néanmoins classées hors des administrations publiques par les comptables nationaux, si bien que la part des dépenses de santé financée par les ménages (7 %) est la plus faible de l’Union européenne (15 % en moyenne).

Les dépenses publiques consacrées au logement et aux équipements collectifs vont quasiment du simple au double entre l’Union européenne (1,1 % du PIB) et la France (2,1 %). L’écart est de 0,5 point pour les aides personnelles au logement et les économies annoncées par le Gouvernement l’automne dernier, de l’ordre de 0,1 point de PIB, sont loin de suffire à le combler. Pourtant, la situation du logement ne semble pas meilleure en France que dans les autres pays et il y a un fort consensus entre les économistes pour considérer que les aides personnelles ont surtout des effets inflationnistes sur les loyers et que les aides à la pierre sont mal ciblées.

Il apparaît un écart de 0,7 point de PIB entre les dépenses de la France et de l’Union européenne dans trois domaines : la politique familiale, l’enseignement et la politique de l’emploi. S’agissant de l’enseignement, les données plus fines mettent généralement en évidence le coût des collèges et lycées pour expliquer cet écart. S’agissant de la politique de l’emploi, elles pointent le coût de l’indemnisation du chômage et, plus secondairement, des dispositifs d’aide à la création d’emplois dans le secteur non marchand.

Les dépenses militaires de la France (pensions comprises) sont supérieures de 0,5 point de PIB à celle de la zone euro, ce qui tient à ses responsabilités particulières en ce domaine (présence permanente au Conseil de sécurité, dissuasion nucléaire, opérations extérieures…). La France ne respecte pas la cible fixée par l’OTAN à ses membres (2,0 % du PIB) mais devrait bientôt l’atteindre. Les autres pays européens devront accroître beaucoup plus leurs dépenses pour respecter cet engagement.

L’écart entre les dépenses publiques de la France et de l’Union européenne est de l’ordre de 0,2 point de PIB pour les fonctions suivantes : loisirs, culture et cultes ; protection de l’environnement ; exclusion sociale.

La charge d’intérêt de la dette pèse à peu près le même poids (2,1 % du PIB) en France et dans l’Union européenne.

La fonction « services généraux » de la nomenclature d’Eurostat comprend notamment le service de la dette et un ensemble de dépenses correspondant à ce qui pourrait être considéré comme les « frais généraux » des administrations (dépenses des administrations centrales, du Parlement, des services fiscaux, des ambassades…). Ceux-ci s’élèvent à 4,0 % du PIB en France contre 3,8 % dans l’Union européenne, soit un écart limité à 0,2 point de PIB. S’il ne doit pas être négligé, il faut relativiser le gisement d’économies formé par ces « frais généraux de la maison France » qui est souvent l’objet de fantasmes.

Il existe enfin une fonction pour laquelle les dépenses de la France sont inférieures à celles de l’Union européenne (de 0,1 point de PIB) : la fonction « ordre et sécurité publics » qui regroupe les dépenses affectées à la police, la gendarmerie, la justice et l’administration pénitentiaire.

La loi de programmation des finances publiques prévoit de ramener les dépenses publiques à 51,6 % du PIB en 2022 (crédits d’impôts inclus). Nous serons donc encore loin de la moyenne européenne, d’autant plus que ce ratio diminuera probablement aussi dans les autres pays. En effet, la croissance du PIB devrait être soutenue en Europe et plus forte que celle des dépenses publiques dans les prochaines années. Pour atteindre cet objectif, la France doit pourtant faire un effort de maîtrise de ses dépenses qu’elle n’a jamais fait dans le passé. 


* www.fipeco.fr


François Ecalle est Conseiller maître à la Cour des comptes en disponibilité