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Une proposition de loi tirée par les cheveux

Estimant que les discriminations liées au style et à la texture capillaires « sont largement ignorées en France » à la différence des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, le député de la Guadeloupe (Liot), Olivier Serva a déposé avec une trentaine de collègues, une proposition de loi visant à faire reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire dans le milieu professionnel, à l’école ou dans la rue.

L’idée d’un tel texte lui est venue à la suite de la condamnation pour discrimination d’Air France qui avait licencié (puis réintégré) un steward qui portait des tresses nouées en chignon, ce qui n’était pas autorisé par le règlement pour les hommes mais accepté pour les femmes. Le député avait alors mené une plus large enquête au cours de laquelle il avait pu se rendre compte qu’aux Etats-Unis, une étude de 2023 de Dove et de LinkedIn montrait que deux tiers des femmes d’ascendance africaine doivent changer leur coupe de cheveux pour postuler à un emploi. En Grande-Bretagne, une étude réalisée en 2009 montrait qu’une femme blonde sur trois se colorait les cheveux en brun afin d’augmenter ses chances professionnelles et d’« avoir l’air plus intelligente » en milieu professionnel. Si des réponses législatives ont été en partie apportées à cette question dans ces pays, en France, « les personnes victimes de discriminations liées à la texture de leurs cheveux, leur couleur ou leur style capillaire se trouvent dépourvues de cadre juridique précis » explique le député de Guadeloupe. Une situation à laquelle il entend remédier car au-delà des questions liées à l’accès à l’emploi peuvent aussi se poser des questions d’estime de soi et de santé publique (utilisation de produits chimiques) qui ne peuvent être prises à la légère.

A travers un article unique, le texte présenté permet de compléter les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations en intégrant dans le champ de la répression pénale des discriminations, « toute discrimination ou distinction fondée sur la texture, la couleur, la longueur ou le style capillaire d’un individu ». Conscient que sa proposition de loi ne suffira pas à mettre fin aux discriminations liées aux cheveux, Olivier Serva estime pourtant que « c’est un premier pas pour sensibiliser chacun et chacune, en disant : acceptons l’originalité puisque ça fait partie de la richesse de la France et des Français ». « La non-discrimination capillaire est une valeur fondamentale qui promeut l’idée que chacun devrait être libre d’exprimer sa personnalité à travers ses cheveux sans craindre de préjugés ou de discriminations. Reconnaître et respecter la diversité des styles capillaires contribue à créer une société inclusive où la singularité de chacun est célébrée plutôt que jugée. En embrassant la beauté naturelle de toutes les textures et formes de cheveux, nous édifions un monde où la véritable individualité est libre de s’épanouir, sans être entravée par des stéréotypes dépassés » écrit le député sur son compte Instagram. Après avoir organisé un colloque sur le sujet en novembre dernier, Olivier Serva espérait voir sa proposition de loi inscrite à l’ordre du jour en décembre. 

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