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Les liens supposés entre islamisme et mouvements politiques dénoncés par la commission d’enquête

La commission parlementaire sur les liens entre islamisme et partis politiques présidée par Xavier Breton (Ain, DR) avec pour rapporteur Matthieu Bloch (Doubs, UDR) vient de rendre son rapport. Il décrit l’entrisme islamique en France et les liens entre certains responsables politiques locaux et nationaux et les mouvances islamistes. Ce rapport s’inscrit dans la droite ligne de l’état des lieux publié par le ministère de l’Intérieur en mars dernier sur l’influence des Frères musulmans en France.

Lorsque l’on aborde ce type de sujet, il importe d’être prudent. Le président de la commission d’enquête, Xavier Breton (Ain, DR) l’a bien compris en rappelant qu’une commission d’enquête « n’est pas une cage de MMA, autour de laquelle des spectateurs assoiffés de confrontations violentes viendraient se repaître de K.O. Elle n’est pas non plus un chapiteau de cirque sous lequel des pirouettes et des numéros d’illusionniste viendraient amuser une galerie de spectateurs conquis d’avance ». Il a encore insisté pour dire qu’il ne faut évidemment pas confondre Islam et Islamisme. Pour autant, « personne ne conteste qu’il y a dans notre pays une menace islamiste qui a évolué dans le temps en passant du terrorisme à cette notion d’entrisme » ajoute-t-il. Reste que ce rapport « établit parfaitement les liens qui peuvent exister entre des responsables politiques et des mouvements islamistes, soit au niveau local, soit au niveau national » affirme sans détour Xavier Breton. Le rapporteur Matthieu Bloch (Doubs, UDR) après avoir regretté les obstacles qui ont émaillé le lancement de la commission n’hésite pas à déclarer à son tour que « l’islamisme politique est une menace, pas un fantasme, pas une extrapolation, c’est une menace réelle, documentée et visible ». « Combattre une idéologie hostile à la République, ce n’est pas s’en prendre à des millions de musulmans paisibles et loyaux, ce n’est pas restreindre la liberté religieuse protégée par notre constitution. C’est au contraire défendre ce qui nous permet de vivre ensemble » poursuit-il. « L’islamisme politique est une menace sérieuse pour nos institutions. Il faut réagir dès maintenant » explique-t-il encore en présentant les 32 propositions de son rapport épais de 650 pages, fruit d’une trentaine d’auditions.

Après avoir défini ce qu’est l’islamisme politique présenté comme « la diffusion d’une idéologie qui met en péril les principes de la République » en cherchant à imposer sa conception de la religion et de la société, le rapport s’est donc intéressé aux liens entre mouvements islamistes et responsables politiques. Et à partir du moment où ces mouvements islamiques portent un projet par nature politique, il est clair qu’ils « vont s’intéresser de près aux élus nationaux et locaux, lesquels sont en première ligne face à cette menace complexe à appréhender » indique, inquiet, le rapporteur. Une inquiétude d’autant plus grande que les élections municipales approchent à grands pas et pour lesquelles, « un risque réel d’entrisme » a été identifié.

« Le plus souvent, ces liens tiennent à une méconnaissance des finalités poursuivies par ces individus ou collectifs. Dans d’autres cas, il peut s’agir de stratégies électorales classiques, sans perception claire de l’idéologie propagée par leurs interlocuteurs. Cet entrisme, dissimulé et insidieux, peut concerner tous les mouvements politiques » décrit le rapport. Tous les mouvements politiques sont visés même si le rapport cible plus particulièrement les liens entre mouvance islamique et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Le rapport parle même de « convergences et proximités affichées ». Reconnaissant toutefois que ces liens « ne sont ni financiers, ni organisationnels » comme l’ont confirmé les services de renseignement, ils sont cependant bien « conjoncturels, électoralistes et opportunistes » pointe Matthieu Bloch qui estime que c’est « justement cela qui les rend dangereux ». Si la stratégie électorale de LFI de « draguer » l’électorat musulman « n’est pas condamnable en elle-même (...). Toutefois, cette stratégie a conduit certains élus à prendre des positions inquiétantes, sinon dangereuses, témoignant d’une forme de complaisance, voire de soutien actif à des individus proches d’organisations et de réseaux propageant l’idéologie islamiste ou même soutenant l’action terroriste » insiste le rapporteur. « Certains élus LFI, comme l’eurodéputée Rima Hassan et le député Thomas Portes qui sont plus particulièrement dans le viseur du rapporteur, semblent avoir intensifié significativement cette stratégie en instrumentalisant la cause palestinienne et en la plaçant au cœur de leur discours politique » dit-il encore.

Face a cet entrisme, la commission d’enquête prône déjà « une vigilance renforcée » dans le cadre des municipales et exige plus généralement « davantage de fermeté » contre le séparatisme et l’entrisme. Si les pouvoirs publics peinent encore à répondre pleinement à la menace de l’islamisme politique, « cela tient notamment à la méconnaissance ou à une sous-utilisation des outils juridiques, et aux difficultés à caractériser concrètement le séparatisme et l’entrisme islamistes. Les recommandations de la commission dessinent une stratégie globale visant à renforcer notre capacité à identifier, à entraver et à sanctionner les comportements séparatistes ou entristes » explique Matthieu Bloch. Pour mieux connaître la menace islamiste sur notre territoire, il plaide notamment pour le renforcement des capacités d’action des services de renseignement. Il veut aussi soutenir la recherche sur ce sujet et veut former les décideurs publics. Il est demandé un renforcement des interactions entre les services de renseignement et la Parlement en instaurant notamment un débat annuel sur l’état des menaces pesant sur notre pays.

Afin de lutter efficacement contre ces ingérences, il importe aussi, aux yeux de la commission, d’engager une réflexion sur la caractérisation juridique des actes constitutifs de séparatisme et d’entrisme islamistes. Le rapporteur veut encore un renforcement des dispositifs de gel des avoirs en élargissant ses motifs « pour le rendre applicables aux individus faisant l’apologie du terrorisme ou appelant à la discrimination ou à la haine ». La commission recommande fermement un renforcement des subventions versées aux associations. L’attention est aussi portée à certains publics « pris pour cible » par ces mouvements, en particulier sur les réseaux sociaux, « à commencer par la jeunesse ». Il est fortement suggéré par le rapport un « renforcement » de la formation des encadrants au contact des jeunes et un contrôle des structures pouvant les accueillir. « La régulation des plateformes en ligne et des réseaux sociaux doit désormais constituer une priorité face au développement des machines de prédication virtuelle » note le rapporteur.

« Enfin, et de manière prioritaire et urgente explique Matthieu Bloch, il est indispensable que les partis politiques eux-mêmes se dotent de mécanismes internes de prévention et de vigilance face aux stratégies d’entrisme ». Il est ainsi demandé aux partis le renforcement des procédures de sélection et de contrôle des candidats et d’encadrer « plus strictement » les investitures locales et nationales. « Cette exigence de vigilance constitue une condition essentielle pour préserver la confiance dans nos instituions démocratiques et empêcher que des acteurs hostiles aux principes républicains ne trouvent, au sein des organisations politiques, des relais ou des opportunités d’influence » croit le député.

Dans sa contribution au rapport les élus de la France insoumise ont, sans surprise, dénoncé une commission d’enquête « partiale et partielle », « illégitime ». LFI juge même au final que les auditions ont démontré « l’absence de preuves de connivences entre des mouvements politiques injustement ciblés et des organisations terroristes ou islamistes ».

Matthieu Bloch travaille déjà sur une dizaine de propositions de loi. 

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