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Elections municipales : “Les tentatives d’ingérence peuvent se manifester sous différentes formes”

Entretien avec Christian Charpy, Président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Dans la perspective des prochaines élections municipales prévues les 15 et 22 mars 2026, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) vient de publier le Guide à l’usage des candidats aux élections et de leur mandataire – Édition 2025-2026*. Au-delà des règles de financement et de bonnes pratiques à respecter par le candidat et son mandataire, pour la première fois dans ce guide, la commission met en garde contre de « possibles ingérences étrangères » dans le processus démocratique. La commission met également en garde les candidats contre les narcotrafiquants.

Pour la première fois, la commission des comptes de campagne met en garde les candidats aux municipales contre de « possibles ingérences étrangères » ? De quoi parle-t-on ?

Selon la définition donnée par le code monétaire et financier, un acte d’ingérence étrangère est un « agissement commis directement ou indirectement à la demande ou pour le compte d’une puissance étrangère et ayant pour objet ou pour effet, par tout moyen, y compris par la communication d’informations fausses ou inexactes, de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, au fonctionnement ou à l’intégrité de ses infrastructures essentielles ou au fonctionnement régulier de ses institutions démocratiques ».

Le contexte géopolitique, comme le montrent les exemples récents dans certains pays comme la Roumanie, doit nous conduire à nous prémunir contre toute tentative d’ingérence étrangère dans le processus électoral. Le cadre juridique français offre des garanties importantes : plafonnement et encadrement des dons d’une personne physique à un candidat ou à un parti ; interdiction des concours et des aides des Etats étrangers ; interdiction des prêts d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger, hors des établissements de crédit ayant leur siège dans un Etat membre de l’Union européenne. Il faut non seulement que les candidats connaissent ces règles mais qu’ils soient conscients qu’ils peuvent, à leur insu, faire l’objet de tentatives d’ingérences.

Comment cela peut-il se matérialiser ? Et comment y parer ?

Les tentatives d’ingérence peuvent se manifester sous différentes formes. Elles peuvent consister à dissimuler l’origine étrangère de fonds prêtés ou donnés à un candidat, ou d’avantages offerts comme une prestation apparemment gratuite ou bénévole. Ces tentatives peuvent prendre la forme d’approches directes ou indirectes, émanant de personnes physiques ou de structures promouvant des intérêts étrangers. Il peut s’agir d’associations, de groupes d’amitié, de clubs de réflexions, voire de médias. C’est la raison pour laquelle la Commission recommande aux candidats et à leurs équipes de campagne d’être particulièrement vigilants vis-à-vis de toute proposition d’aide, de soutien matériel ou financier dont la provenance ou les intentions pourraient susciter un doute et de ne jamais accepter de concours émanant de personnes ou structures liées, même indirectement, à des intérêts étrangers. Face à une situation suspecte, les candidats ou les partis ne doivent pas hésiter à faire un signalement aux autorités compétentes (forces de sécurité intérieure, procureur de la République).

L’ingérence peut aussi être d’un tout autre ordre. La commission pointe les narcotrafiquants. Expliquez-nous cela ?

Le trafic de stupéfiants a pris une place grandissante en France, comme le montre le rapport 2025 de l’office anti-stupéfiants (OFAST). Il ne se limite plus aux banlieues des grandes villes mais concerne désormais l’ensemble du territoire national, y compris des petites villes jusque-là épargnées par ce fléau. La capacité de corruption des narcotrafiquants est absolument sans limites, comme l’ont montré des faits divers récents mettant en cause des agents publics. Le risque que les narcotrafiquants essaient de s’ingérer dans le processus électoral lors des prochaines municipales ne doit pas être sous-estimé. Avoir un maire plus tolérant car soucieux de tranquillité dans les quartiers peut constituer un avantage pour ces réseaux qui cherchent à faire progresser leur commerce illégal. C’est la raison pour laquelle nous appelons les candidats à faire preuve d’une particulière vigilance en vue des élections municipales 2026. 


*Disponible en téléchargement sur www.cnccfp.fr

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