Selon vous, l’éducation est-elle une fonction régalienne ? Quelle doit être la juste place de l’Etat ?
Ma position est nette : l’éducation n’est pas une fonction régalienne. Une fonction régalienne est une fonction dont l’Etat doit ontologiquement posséder un exercice exclusif car sa privation attenterait à sa souveraineté. Il en est ainsi de l’armée, de la justice ou de la sécurité intérieure, dont personne n’imagine d’ailleurs la privatisation. Aujourd’hui, une confusion est entretenue entre mission importante et fonction régalienne. L’instruction publique est une mission importante mais non une fonction régalienne. Si tel était le cas, cette fonction devrait être exclusivement exercée par l’Etat. Or, l’exercice de la mission éducative par des organismes privés n’attente en rien à la souveraineté de l’Etat. Cette confusion entre l’importance d’une mission sociale et les fonctions régaliennes de l’Etat mène la France à souffrir d’une permanente tentation monopolistique dans le domaine de l’éducation, jetant un soupçon continuel – savamment entretenu par la gauche et l’extrême-gauche – sur l’enseignement privé. Nous ne répéterons donc jamais assez que l’Etat n’a aucune légitimité à réclamer un monopole éducatif.
Comment peut-on expliquer cette logique monopolistique qui imprègne la société française ?
Cette logique est le dévoiement d’un acquis historique incontestable. L’Ecole de la République (mais aussi celle de Guizot sous Louis-Philippe ou celle de Duruy sous Napoléon III) a joué un rôle essentiel dans l’acquisition par les Français d’une culture nationale commune (qu’elle n’a pas tant forgé que transmis, notamment par l’apprentissage commun d’une langue, d’une histoire et d’une géographie). Dès lors, beaucoup de Français craignent que cette culture nationale, qui traverse une grave et profonde crise, ne se détériore davantage encore si le monopole scolaire de l’Etat est remis en cause. Or, l’enseignement privé transmet également cette culture nationale commune, conséquence en réalité de la qualité d’apprentissage d’un socle culturel commun. L’Etat a la légitimité de définir ce socle, mais les modalités d’application (et donc d’apprentissage) n’ont pas à lui appartenir exclusivement. Au-delà de cette peur de dissolution nationale (voire sociale), il y a évidemment la paresse qui consiste à tout attendre de l’Etat, comme s’il détenait par nature toutes les solutions.
Comment donner un nouveau souffle à notre modèle éducatif ?
La liberté. Faire l’expérience réelle de la liberté. Liberté au profit de l’enseignement privé évidemment, et en commençant d’ailleurs par une révolution lexicale qui transforme le « sous contrat » en « enseignement associé » et le « hors contrat » en « enseignement libre » afin d’en finir avec l’image négative véhiculée par l’idée de « hors contrat ». Mais liberté au profit de l’enseignement public également, en développant considérablement la liberté des chefs d’établissement, qui doivent devenir les vrais patrons de leurs maisons. Et, surtout, liberté au profit des familles, premiers éducateurs, et seuls détenteurs d’un monopole d’éducation indissociable de leur responsabilisation. ■