Malheureusement, leur disparition s’accélère. En témoigne la chute dramatique de leur linéaire, puisque la France perdait 10 500 km de haies par an entre 2006 et 2014 et cela s’aggrave avec une perte de 23 600 km par an depuis 2017. Pourtant, dans nos campagnes, la haie n’est pas qu’un élément de paysage : c’est une alliée précieuse pour nos sols, nos cultures et notre environnement.
Face à ce constat alarmant, notre responsabilité collective est d’agir. C’est le sens de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête des haies, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques du Sénat. Ce texte s’inscrit dans la continuité du Pacte en faveur de la haie mis en place par le Gouvernement en 2023. Cette initiative de mon collègue Daniel Salmon vise à mettre en place des mesures incitatives pour une gestion durable des haies et à replacer ces éléments structurants au cœur de nos territoires. Sa proposition a été amendée en commission en lien avec Monsieur Laurent Duplomb, illustrant ainsi un travail transpartisan.
Dans cette perspective, nous avons souhaité à travers cette proposition de loi mettre en place une stratégie nationale ambitieuse en faveur de la haie à horizon 2030 et 2050. Avec l’article 1er du texte, nous fixons comme objectifs un gain net du linéaire de haies de 50 000 km par an d’ici 2030 et une gestion durable de 100 000 km de haies en 2030 et de 450 000 km à horizon 2050. Cette stratégie s’accompagnera de la poursuite du déploiement de l’observatoire de la haie, un réseau entre l’INRAE, l’OFB et les services des ministères chargés d’en assurer le suivi et de garantir l’efficacité des actions menées.
Nous avons ensuite voulu nous appuyer sur les initiatives et le travail de qualité du Réseau Haies (ex Afac-Agroforesteries) et son label Haie, qui était la seule certification avancée en ce domaine à ce jour. Une démarche évidemment entièrement facultative. L’article 2 prévoyait d’en faire un label public unique pour la gestion durable des haies, sur le modèle, par exemple, du label agriculture biologique. En commission des affaires économiques, nous avons souhaité une architecture plus ouverte, en prévoyant plutôt la possibilité pour les ministères compétents de reconnaître plusieurs labels, pour autant qu’ils respectent les critères de gestion durable fixés dans la loi, traduits dans un cahier des charges national. Il nous a semblé important en effet de favoriser la saine émulation entre plusieurs démarches et de faire confiance aux initiatives de terrain. Nous avons également précisé que ces labels devaient prendre en compte les spécificités climatiques de nos territoires, un point auquel je tenais tout particulièrement. L’objectif est clair : favoriser une gestion pragmatique et ancrée dans les réalités locales, sans alourdir les contraintes administratives.
L’article 3 fixe une trajectoire d’augmentation des approvisionnements des chaufferies collectives en bois bocager, issu de haies gérées et distribuées durablement. Cette mesure permet de donner de la visibilité à tous, et notamment aux agriculteurs, sur la valorisation économique des haies tout en promouvant les circuits courts et les énergies renouvelables. Notre philosophie est d’intéresser les gestionnaires de haies d’un point de vue économique afin que leur préservation d’un point de vue écologique soit rendue possible.
Enfin, une incitation financière figurait à l’article 4 du texte pour créer une réelle impulsion et changer de regard sur la haie : loin d’être uniquement une contrainte, la haie est d’abord et surtout une opportunité économique, au premier chef pour nos agriculteurs. Nous avons donc voté pour la création d’un crédit d’impôt forfaitaire de 4 500 euros par an et par personne pour les dépenses engagées pour la gestion durable des haies. Cette mesure vise à encourager les agriculteurs à implanter et à gérer durablement leurs haies, en leur offrant un soutien financier direct. Ce dispositif a été adopté dans le projet de loi de finances pour 2025 lors de son examen au Sénat et cosigné par des membres de tous les groupes du Sénat. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je précise que ce crédit d’impôt n’est pas automatique mais correspond à 60 % des frais engagés pour celles et ceux qui souhaitent s’engager.
Mais la reconquête des haies s’inscrit dans une dynamique plus globale de transition agroécologique. Les haies sont des infrastructures naturelles qui protègent nos cultures du vent, réduisent les inondations et abritent des auxiliaires précieux pour lutter contre les ravageurs. Elles rendent des services essentiels, souvent à moindre coût comparé aux solutions moins naturelles. C’est notre devoir de les préserver.
En tant que rapporteur de cette proposition de loi, je tiens à saluer l’engagement des acteurs du monde agricole et des collectivités territoriales. Leur expertise et leur implication sont essentielles pour atteindre les objectifs fixés et assurer le succès de cette initiative législative.
En conclusion, la préservation et la reconquête des haies constituent un enjeu majeur pour l’avenir de notre agriculture et de notre environnement et cette proposition de loi vient offrir un cadre ambitieux et adapté pour soutenir les initiatives en faveur d’une gestion durable des haies, au bénéfice de l’ensemble de la société. Le temps est venu de nous mobiliser collectivement pour assurer la mise en œuvre effective de ces mesures et garantir la pérennité de nos paysages bocagers. Parce que l’agriculture de demain ne se fera pas sans la haie mais bien avec elle. ■
*Rapporteur de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et la reconquête de la haie.