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La tête dans les étoiles et les pieds dans son environnement : l’IPHC cherche à répondre aux grandes questions de notre société

A l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg, sur 24 000 mètres carrés dédiés à la recherche, le quotidien est fait d’infiniment petit et d’infiniment grand. L’IPHC est un exemple de réussite de la pluridisciplinarité en physique subatomique, chimie, écologie, physiologie et éthologie. Son excellence et sa capacité à innover sont possibles grâce à l’étendue des champs de disciplines travaillés, au travail en commun et à la performance de son socle technologique. Et en effet, pour l’activité de recherche une personne sur deux y est ingénieur ou technicien, ce qui lui donne une véritable force de frappe technique et de belles perspectives en R&D. Les sites d’études allant de l’Antarctique à la station spatiale internationale en passant par le CERN sont très diversifiés. Retour avec Sandrine Courtin, directrice, sur un modèle original, extrêmement productif et prometteur pour la recherche scientifique.

Après 17 ans d’existence, quelles nouvelles opportunités de recherche majeures ont été ouvertes grâce à la pluridisciplinarité ?

Nous avons réalisé d’immenses avancées en matière de traitement et de stockage des données. Par exemple sur les données fournies par les expériences du CERN ou le suivi des animaux à très long terme puisque nous avons accès aujourd’hui à notre propre plateforme de stockage et traitement des données : SCIGNE.

Également en imagerie avec des nouveaux procédés de chimie analytique comme la conversion ascendante. Les domaines d’application sont vastes, allant des cellules photovoltaïques aux encres anti-contrefaçon en passant par l’imagerie médicale et donc le diagnostic. Nous avons aussi des études qui nous ont permis de mieux caractériser la maladie chronique de Lyme. Pour les aspects concernant la protéomique, notre institut peut s’appuyer sur une équipe à l’expertise très reconnue et un ensemble de spectromètres parmi les plus performants au monde. Pendant la crise COVID nous avons obtenu des résultats importants sur l’occurrence du SARS Covid 19 chez des patients hommes jeunes.

En ce qui concerne l’infiniment petit, fortement engagés dans les expériences du CERN, nous avons participé aux travaux de découverte du boson de Higgs et à toutes les opportunités de recherches qui en ont découlé, comme l’étude des interactions de cette nouvelle particule avec les autres. Nos équipes techniques et scientifiques sont en pole position pour construire les expériences auprès des accélérateurs du futur en Physique des Particules.

Notre institut a aussi permis l’émergence d’une nouvelle thématique à Strasbourg autour de l’astrophysique nucléaire. Nous avons des spécialistes de la naissance des éléments chimiques dans les étoiles, comme le carbone, nécessaire pour la naissance de la vie dans l’univers.

Soucieux des énergies du futur, nous travaillons aussi sur la production d’hydrogène bio-sourcé à partir de résidus brassicoles. Une innovation très locale !

Quelles innovations technologiques et instrumentation ont permis de déployer vos recherches ?

De nombreuses avancées technologiques ont pu voir le jour dans la spectrométrie. Par exemple, en protéomique, auparavant dans une cohorte nous n’analysions que les principales protéines désormais nous pouvons presque toutes les analyser. Pour la partie physique nucléaire et physique des particules, nous avons avancé en matière de détection du rayonnement dans les dix dernières années en ce qui concerne la détection à partir de matériaux scintillants ou de semi-conducteurs comme le silicium. Pour ces derniers, nous avons pu mettre en place une plateforme technique reconnue mondialement et qui utilise la technologie silicium CMOS pour équiper les expériences de Physique du futur. Peut-être irons-nous vers des détecteurs quantiques…dans un temps plus éloigné encore ! Ces développements technologies autour des matériaux silicium sont soutenus par l’état, la région Grand-Est et le CNRS à travers le Contrat Plan Etat Région.

Nos technologies de miniaturisation des systèmes électroniques de plus en plus élaborées nous permettent aujourd’hui de mieux analyser les comportements des animaux. Nos suivis, par exemple, des populations des manchots en Antarctique nous permettent de surveiller des indicateurs de leur santé : température, alimentation, mais aussi de leur comportement par exemple quand ils plongent. Cela nous permet de comprendre comment ils s’adaptent à un environnement changeant de leur environnement… !

Enfin en ce qui concerne plutôt la chimie nous avons fait d’immenses progrès dans l’extraction des métaux dans les différents milieux. Nous avons mis au point des techniques innovantes pour extraire les métaux des batteries, métaux lourds et lithium. Nous avons dans ce sens de fructueuses collaborations industrielles.

Le département d’écologie, physiologie et éthologie a l’objectif d’évaluer les capacités de survie des espèces dans un monde en rapide changement. Quelles mesures en matière d’aménagement du territoire et quelles politiques pour préserver l’environnement préconisez-vous aujourd’hui ?

Les mesures d’aménagement du territoire doivent être adaptées au contexte local. La recherche doit prendre une part prépondérante dans la définition de ces mesures et elle doit être interdisciplinaire, afin de considérer tous les enjeux, qu’ils soient environnementaux, économiques et sociétaux. Les thématiques de recherche du DEPE visent à identifier les causes de déclin de la biodiversité et de proposer des mesures de remédiation adaptées et durables. Un exemple est le déclin du hamster d’Europe dans les plaines céréalières d’Europe qui est lié à des carences alimentaires dans les grandes monocultures. Des essais de pratiques culturales innovantes sont actuellement menées en collaboration entre notre laboratoire et les agriculteurs pour pallier ces carences et conserver le hamster d’Europe et toute la biodiversité agricole à travers lui, mais aussi répondre aux enjeux économiques, techniques et climatiques de l’agriculture.

Quel est votre rôle durant le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim ?

Nous avons la capacité d’apporter une expertise scientifique et technique sur la totalité du processus de démantèlement des centrales nucléaires : nucléaire, chimie et environnement.

Pour nous cette centrale est un site d’études et nos développements peuvent naturellement s’appliquer à d’autres sites. Une formation sur ce thème est associée à l’IPHC et même une chaire professeur junior sur l’assainissement et le démantèlement. Nous avons des services dosimétrie et radioprotection qui peuvent s’emparer du sujet. Enfin, nous hébergeons une start-up issue de nos recherches, SMARTIUM, qui peut mesurer la radioactivité environnementale à l’aide de systèmes embarqués, comme des drones par exemple.

Comment collaborez-vous avec l’industrie ?

Notre collaboration avec l’industrie est très forte ainsi que nos actions de valorisation. Le Laboratoire Commun CNRS IPHC-AERIAL nous permet de travailler avec ce centre de recherche technologique sur trois axes : dosimétrie et applications industrielles des techniques d’irradiation ; radiolyse de biomolécules radiobiologie et radiothérapie ; sciences des aliments et de l’environnement et développement de méthodes analytiques spécifiques pour authentifier la qualité des aliments comme des épices ou du poivre. Nous partageons des thèses.

Nous conduisons également de nombreux travaux de thèse via des conventions industrielles de formation par la recherche.

Quelles sont vos perspectives pour le futur proche ou plus lointain ?

En 2026 nous fêterons nos 20 ans ! Nous travaillons à renforcer la pluridisciplinarité. Dans un futur proche nos développements pour la physique subatomique préparent les nouvelles phases du CERN, les activités d’astrophysique nucléaire et l’émergence de la vie dans l’Univers, le lien avec l’industrie dans notre écosystème local ainsi que notre place en Europe dans le cadre des nouvelles feuilles de route de stratégie européenne. Les 5 nouveaux Contrats Plans Etat Région auxquels nous participons s’installent ainsi que nos projets dans le cadre des Plans d’Equipements Prioritaires de Recherche du CNRS (France 2030) pour nos activités qui concernent la Chimie, l’écologie, l’environnement, les énergies nouvelles. 

https://iphc.cnrs.fr/

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