Print this page

Avis de gros temps pour le patrimoine religieux

Les sénateurs Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias de la Commission des Affaires culturelles ont publié leur rapport sur l’état du patrimoine religieux en France. Ils font plusieurs propositions pour assurer sa préservation et sa mise en valeur.

Devant une vingtaine de journalistes, le président de la Commission des Affaires culturelles, Laurent Laffon (UC, Val-de-Marne), a débuté par le constat que « de nombreux villages vivent avec l’église au centre du village, c’est un élément structurant, qui rappelle son histoire. Mais aujourd’hui, elles nécessitent une attention renforcée ». Co-rapporteur de la mission parlementaire, aux côtés de d’Anne Ventalon, sénatrice de l’Ardèche, apparentée LR, et Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, il a dirigé un rapport pendant six mois sur « L’Etat du patrimoine religieux », publié début juillet. Ses propos font écho à ceux de Stéphane Bern, auditionné par les sénateurs au cours de leur enquête, qui n’a pas caché son inquiétude à propos de l’entretien des édifices religieux en France : « j’ai été choqué par le nombre de petites églises de nos campagnes qui se trouvent dans un état de déréliction avancé s’est-il alarmé. Dans les petites communes, les maires se font réélire en s’engageant, non pas à sauver l’église, mais à construire un stade » a-t-il poursuivi, désolé. L’animateur phare de l’émission Secrets d’histoire insiste pourtant sur l’importance de sa préservation : « j’estime qu’il y va du respect de l’histoire et de nos racines ». À travers leur étude, les trois élus souhaitent effectivement éveiller le public sur l’état des édifices religieux en France – essentiellement les églises – et susciter un regain d’intérêt général.

Des édifices mal entretenus

Le travail à accomplir pour recenser les édifices religieux menacés est conséquent soulignent les rapporteurs, « faute d’inventaire complet », le dernier inventaire détaillé datant de 1985. Sur les plus 40 000 édifices affectés au culte, 15 000 sont protégés au titre de monument historique, du fait qu’ils « représentent une valeur architecturale ou historique digne d’intérêt ». D’après l’Observatoire du patrimoine religieux, 2 500 à 5 000 édifices sont menacés d’être abandonnés, vendus ou détruits d’ici 2030 et 500 seraient aujourd’hui fermés, sans aucune célébration du culte. « Ces chiffres sont inquiétants, sans être alarmants » précise toutefois Anne Ventalon. Or, « les édifices protégés sont en meilleur état que ceux qui ne le sont pas » souligne Pierre Ouzoulias. Reste que « les auditions réalisées auprès des maires de communes grandes et petites, nous ont permis de constater l’état correcte des églises, mais aussi l’absence d’un entretien régulier, qui à long terme provoquent des coûts de rénovation très importants ».. Si les édifices religieux sont « plus dégradés en milieu rural qu’en milieu urbain », l’essentiel des édifices menacés sont ceux des XIXème et XXème siècles constatent les auteurs, alors qu’ils représentent entre 30 % et 40 % des édifices religieux en France. Une situation due au faible intérêt qu’ils suscitent, à cause de leur architecture jugée peu intéressante – néo-gothique ou néo-roman – ou encore à la « médiocrité » des matériaux de construction utilisés – béton, ciment, fer –, qui se dégradent plus vite et nécessitent une rénovation parfois très coûteuse.

Garantir l’ouverture des édifices

La principale menace à la dégradation des lieux culte est avant tout leur faible fréquentation, due à « la sécularisation croissante de la société, conjuguée à la désertification de certaines zones géographiques ». Mais aussi la désertification rurale et les contraintes budgétaires lourdes pour une commune. Une des solutions selon les sénateurs serait de trouver d’abord différents moyens pour permettre leur ouverture plus régulière et ainsi éviter qu’ils ne tombent dans l’oubli avant de tomber dans un état d’abandon. « Avec la Conférence des évêques de France (CEF), nous avons mené une réflexion sur les moyens de socialiser ces lieux de culte » affirme Pierre Ouzoulias. Rappelons que la CEF est affectataire de la quasi-totalité des lieux de culte en France – ceux construits avant la loi de 1905 –, avec un total de 40 307 églises ou chapelles. Plusieurs initiatives avec un « usage partagé des édifices cultuels » sont proposées pour les maintenir ouverts autant que possible : concerts, expositions, visites guidées, spectacles, ou encore accueil des plus démunis. Une diversification des activités qui permettrait de faire revivre ces édifices et de les rendre plus attractifs. « Valoriser les églises, c’est valoriser les communes » insiste le sénateur des Hauts-de-Seine, mettant l’accent sur le rôle des édifices religieux pour favoriser la cohésion et la rencontre dans les villages, mais aussi pour leur vie économique. « C’est un excellent moyen pour sensibiliser les personnes et ainsi les aider à s’attacher à leur édifice » conclut-t-il enthousiaste, en rappelant que Notre-Dame – qui bénéficie de plus de 840 millions d’euros de dons collectés, ne peut pas être le seul symbole de ce patrimoine, qui est beaucoup plus vaste. « Le potentiel économique et touristique du patrimoine religieux reste encore insuffisamment exploité » insistent en chœur les deux élus.

Aider les maires à préserver leur église sur le long terme est le point majeur sur lequel les rapporteurs insistent. Ils constatent en effet « un déficit d’ingénierie des petites communes qui apparaît comme le principal frein à la réalisation des projets ». Avec la décentralisation du financement et de la gestion du patrimoine vers les régions et les départements, les services de l’Etat ne sont désormais plus en mesure d’assurer une quelconque assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO) pour les monuments non-classés. Mais souvent, les départements n’ont pas non-plus cette compétence. Le rapport estime pourtant qu’ils « apparaissent, a priori, comme l’échelon le plus pertinent pour organiser de telles mutations ». Il propose par conséquent qu’un dispositif de soutien à la conservation préventive des édifices historiques, déjà mis en place dans le département des Yvelines, soit étendu à tous les départements. Cette proposition s’articule avec la préconisation de « recourir aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) pour évaluer l’état du patrimoine religieux et identifier les solutions possibles pour chaque édifice ». Sept départements en sont à l’heure actuelle encore dépourvus et leur mise en place apparaît pour les rapporteurs comme une priorité. « Une meilleure connaissance par les départements de l’état des édifices permettrait de mieux assurer leur entretien » a poursuivi Pierre Ouzoulias, par ailleurs conservateur du patrimoine. « Souvent, les maires prétextent un manque de moyens financiers pour ne pas entreprendre de travaux de rénovation, ce n’est pourtant pas le problème central, il est d’abord administratif » a-t-il insisté.

Accompagner les acteurs locaux

Mais l’entretien des édifices dépend aussi de la préoccupation qu’y accordent les élus de régionaux, ce qui varie d’une région à l’autre. « En Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, il existe une véritable politique de concertation entre les acteurs locaux et les élus. Cela facilite considérablement la prise de conscience sur l’état des édifices » s’est félicitée Anne Ventalon.

Mais aujourd’hui la priorité pour les rapporteurs est bien celle du recensement des édifices cultuels : « Il faut lancer une opération nationale d’inventaire du patrimoine religieux et une cartographie précise sur l’ensemble du territoire, à l’horizon 2030. Sinon, les églises non protégées disparaîtront progressivement, dans l’indifférence générale »

Eglises abandonnées
Entre 2012 et 2020 Francis Meslet a photographié en France et à travers l’Europe plusieurs centaines de lieux de culte oubliés. Ces endroits ont fait place au silence au fil du temps. On n’y entend plus guère que le bruissement du vent s’engouffrant par un vitrail brisé ou le rythme régulier d’une goutte d’eau qui perle au plafond d’une nef dévastée. Ces silences appellent parfois de rares visiteurs. Francis Meslet parcourt le monde à ses heures perdues, à la recherche de lieux en déshérence, sanctuaires sur lesquels le temps s’est arrêté après que l’homme en ait refermé les portes. Il en ramène des images saisissantes, capsules temporelles témoignant d’un univers parallèle propice à l’évasion de l’esprit et à l’interrogation… Avec le plus grand respect pour les fidèles qui les ont fréquentés jadis, il nous propose une immersion dans ces lieux que la foi a déserté, à la recherche d’une lueur divine.
Eglises abandonnées a obtenu une médaille d’or au Prix de la Photographie de Paris (PX3) dans les catégories Beau-Livre d’art et Livres, la Mention d’Honneur à l’International Photography Awards et une médaille d’argent au Tokyo International Foto Awards (TIFA) dans la catégorie Beau-Livre.
224 pages - Aux éditions Jonglez

790 K2_VIEWS