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Farines animales : le grand retour

Interdites au sein de l’Union européenne depuis la crise de la vache folle, les farines animales devraient être à nouveau autorisées mais sous un autre nom et sous une autre forme.

Dans les années 90, la crise de la vache folle frappait l’Union européenne*. Les experts avaient alors pointé du doigt les farines animales. A l’époque, ces farines étaient fabriquées à partir de morceaux de carcasses de bêtes mortes avant l’abattoir ou malades et euthanasiées, d’os, de poils ou de cerveaux, de moelle épinière... que des sous-produits animaux impropres à la consommation humaine. Le scandale avait été énorme et les farines animales bannies des exploitations en 2001.

Mais les temps changent. La Commission européenne devrait autoriser à nouveau les farines animales, sous certaines conditions et avec une nouvelle « recette ».

Depuis dix ans déjà, le retour des farines animales était souhaité par beaucoup d’éleveurs pour des raisons économiques et techniques. Les farines animales ont, en effet, la particularité d’être particulièrement riches en protéines de qualité, en vitamines et en minéraux et d’avoir un coût moindre par rapport à d’autres aliments du même ordre. Or, pour remplacer ces farines animales, on n’a trouvé que la protéine végétale, et plus particulièrement le soja brésilien OGM importé en grande quantité par cargos entiers. Soja qui a un coût élevé, qui est moins efficace et qui est déforestant. Autre alimentation possible, les farines de poissons issus de la pêche minotière mais qui n’est pas sans impact sur le stock de petits poissons avec un risque élevé de surexploitation. La hausse des prix du soja ont sans doute fini par faire basculer l’Europe en faveur d’une réintroduction des farines animales. Mais à certaines conditions seulement. « La situation épidémiologique s’est considérablement améliorée dans l’UE, insiste également Bruxelles. Aucun cas d’ESB classique n’a été constaté depuis 2016 », et 24 États membres présentent le statut « risque d’ESB négligeable. » Après avoir posé la question de cette réintroduction aux 24 Etats membres, deux se sont abstenus, l’Irlande et la France. Le ministère de l’Agriculture français réservé sur le sujet avait alors demandé à l’Anses de se prononcer. L’Agence a donné son feu vert à condition que ces farines ne soient issues que d’animaux sains et tracés ne fassent pas l’objet d’autoconsommation. Pour limiter les risques d’échanges, ces farines animales ne pourront pas être utilisées dans les fermes qui élèvent à la fois des porcs et des poulets, ainsi que celles qui comptent des bovins, précise l’Anses.

Le 18 août dernier, le Journal officiel de l’Union européenne annonçait donc qu’il serait possible de nourrir certains animaux avec des protéines animales. Avec plusieurs évolutions. La première concerne le nom. Les farines animales connotées et associées à la crise de la vache folle s’appelleront désormais « PAT » pour « protéines animales transformées ». Ces protéines seront ensuite fabriquées à partir d’animaux sains destinés à l’alimentation humaine. Cette autorisation ne concerne que les volailles et les porcs. L’interdiction reste valable pour les ruminants herbivores, bovins, mais aussi chèvres et moutons. Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (ESB / maladie de la vache folle, tremblante du mouton, maladie de Creutzfeldt-Jakob) ne touchant que certaines espèces : bovins, caprins, félins, cervidés et humains et épargnant les procs et les volailles (normalement). Le texte européen interdit également le « cannibalisme » : les PAT de cochons ne pourront être donnés à des cochons, et des PAT de volailles à des volailles.

« Il conviendra d’appliquer des exigences strictes lors de la collecte, du transport et de la transformation de ces produits et de procéder régulièrement à des échantillonnages et à des analyses, afin d’éviter tout risque » a tenu à préciser la Commission européenne consciente sans doute des risques de fraudes ou de mauvaises utilisations.

Pour autant, les farines animales n’ont pas disparu et certaines incertitudes persistent comme celles liées à l’application des traités internationaux. L’Accord CETA liant l’Europe et le Canada donne accès à la viande bovine canadienne, viande qui peut être nourrie avec des PAT animales provenant de ruminants et qui peuvent contenir de « la gélatine, du sang, des produits sanguins, du gras fondu purifié et le cas échéant d’autres produits ayant subi un traitement approprié »… 

*La maladie de la vache folle ou encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est une maladie dégénérative du cerveau des bovins. Elle est apparue au Royaume-Uni en 1986. Près de 200 000 bovins et plus de 200 personnes en ont été victimes en Europe. Le passage du bovin à l’homme se fait par ingestion de viande. Il n’existe aucun traitement et seule la prévention est efficace. Le strict contrôle des élevages et l’euthanasie des troupeaux contaminés a mis fin à l’épidémie. En France 25 cas (et décès) ont été constatés, le dernier décès survenant en 2009. © Recherche animale

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