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Légaliser le cannabis, c’est faire de la France un narco-État

Par François Jolivet, Député de l’Indre

Légaliser ou non le cannabis, le débat mérite d’être ouvert. Il est d’ailleurs un vieux serpent de mer et s’invite régulièrement en période électorale.

J’ai appréhendé ma réflexion sans dogme. J’ai lu les arguments, d’où qu’ils viennent. Le postulat : il n’y aurait qu’à légaliser un interdit pour obtenir la paix. Et finalement, aurions-nous la paix ?

La vente de cannabis alimente aujourd’hui le chiffre d’affaires des réseaux de criminalité organisée, où se mélangent trafic humain et terrorisme. Les sommes financières en jeu sont faramineuses. Ces trafics verrouillent certains territoires, pourrissent la vie des habitants et dévoient une partie de la jeunesse. L’autorité de l’État est défiée au quotidien par les dealers qui utilisent tous les moyens pour protéger leur business. Armés, ils se livrent à une guerre des cartels pour garder ou conquérir leur marché.

Face à ce constat, la proposition de légaliser le cannabis dans notre pays émerge. Elle serait la réponse à tous les maux : la consommation de cannabis diminuerait, les trafics disparaitraient et la France se porterait mieux. Si seulement c’était vrai.

Bien que l’objectif affiché soit louable, il est utopiste. Outre l’impact hasardeux sur le trafic, les effets sur la santé publique seraient désastreux.

L’Institut national de prévention et d’éducation à la santé notait, dans une publication de 2005, les conséquences des principes actifs du cannabis sur les consommateurs : altération de la perception, de l’attention et de la mémoire immédiate, troubles relationnels, scolaires ou professionnels, risques de dépendance, aggravations de troubles mentaux, dégâts pulmonaires… Et ces risques sont décuplés chez les jeunes cerveaux en développement.

Une étude néo-zélandaise a également permis de comparer l’évolution sur vingt-cinq ans du quotient intellectuel d’un millier de personnes, consommateurs ou non de cannabis. Sur la période, l’écart allait jusqu’à six points de QI entre des consommateurs réguliers de long terme et des non-usagers.

Aussi, et selon une étude de 2017 (Cannabis, alcohol and fatal road accidents), les risques de provoquer un accident fatal sous l’emprise du cannabis sont multipliés par 1,65. Le 24 avril 2021, à Aulnay-sous-Bois, une famille a été décimée par un chauffard sous l’emprise de ce poison. Oui, le cannabis détruit la santé des consommateurs et arrache la vie des autres.

La légalisation du cannabis serait donc une mesure de désintérêt public.

La démocratisation de son usage entrainera mécaniquement son explosion, sans en diminuer tous les risques associés. Nous serions alors confrontés à un danger de santé publique, conjugué à un danger de sécurité publique. La seule manière de diminuer la demande serait une augmentation substantielle du prix, à l’image des politiques de lutte contre le tabagisme. Mais le marché légal n’assécherait aucunement les filières criminelles, qui continueraient à prospérer avec des produits moins chers, plus forts en THC (cannabinoïde agissant sur le psychisme en modifiant le rythme cérébral), et accessibles aux mineurs.

Notre pays, déjà miné par des problèmes de délinquance, ne doit pas devenir un narco-État.

L’exemple du Canada est révélateur. Alors que le marché du cannabis a été légalisé en 2018, 42 % des Canadiens continuent à acheter illégalement du cannabis selon une étude du gouvernement. Depuis cette légalisation, et les nouvelles sanctions pénales prévues contre le marché noir, les trafiquants se diversifient pour inonder les rues d’autres drogues. C’est également le cas en Espagne, où la consommation de cocaïne et d’héroïne a progressé chez les moins de 15 ans. Oui, la nature a horreur du vide.

Les Pays-Bas, en tolérant la vente de cannabis, ont laissé prospérer des narcotrafiquants qui irriguent l’Europe de leurs réseaux. Selon l’état des lieux dressé par Europol, le pays est gangrené par les clans criminels et leurs luttes intestines. 20 % des meurtres commis ces dernières années sont le fait des rivalités entre gangs. Cette politique est donc dramatique, puisqu’elle laisse croître une économie souterraine florissante.

Qui souhaite appliquer ce modèle en France ?

La légalisation ne court-circuiterait qu’en partie la clientèle des réseaux des trafiquants et faciliterait même leurs activités. Elle serait un renoncement de l’État face aux trafiquants, et une défaite de l’autorité qui acterait son incapacité à faire appliquer la loi.

La légalisation du cannabis serait également une négation des efforts déployés par les forces de l’ordre. L’année 2020 été marquée par d’importantes saisies : 96 tonnes de cannabis, 13 tonnes de cocaïne, 1 tonne d’héroïne et 1,2 million de comprimés d’ecstasy. 450 points de deal ont été démantelés. Ces chiffres démontrent l’intensification de la pression sur les filières. Poursuivons dans cette voie. Ne reculons plus d’un millimètre sur l’ordre républicain, et sur la santé des Français. Chaque renoncement est tout autant un droit au désordre accordé aux délinquants.

Continuons à doter les policiers et les gendarmes d’effectifs et d’équipements à la hauteur de cette ambition. Affirmons la nécessité d’une institution judiciaire suffisamment volontariste, efficace et dissuasive. Mais derrière, il faut aussi du courage politique. Les forces de l’ordre, en première ligne, doivent pouvoir travailler sur des bases solides et compter sur un pouvoir qui ne se résigne pas.

La légalisation est une chimère mortifère. Je ne parle pas du cannabis thérapeutique qui peut soulager, je parle du cannabis de loisir qui peut tuer. Le rôle de l’État est de protéger ses concitoyens, et non de légaliser un produit qui les met en danger.

Pour ces raisons, je suis opposé à la création du service public du cannabis en France. 

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