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Les trains de nuit en France et en Europe

Par Jean Sivardière, Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT)

Le train de nuit est un excellent complément de l’offre ferroviaire de jour (trains Intercités et TGV) : arrivée matinale à destination en centre-ville, économie d’une nuit d’hôtel, gain de temps lors de déplacements de courte durée (activités professionnelles, visites familiales, tourisme de week-end). Il peut constituer une alternative à l’avion et aux autres modes de transport routier moins respectueux de l’environnement. Il peut desservir des localités intermédiaires entre métropoles, alors que l’avion fait seulement du point à point.

La FNAUT a diffusé récemment un questionnaire aux usagers, actuels ou potentiels, des trains de nuit afin de bien connaître leurs besoins, 3492 d’entre eux ont répondu. Les voyageurs demandent :

• une offre diversifiée (sièges inclinables, couchettes, voitures-lits) ;

• un départ tardif (après 21h), et une arrivée matinale (7h-8h) afin de disposer d’une journée complète à destination ;

• un jumelage entre train de nuit et service auto-train ;

• enfin une tarification modérée. :

A l’évidence, le train de nuit n’a pas été « ringardisé » par le TGV, la demande du public reste forte : le train de nuit est pratique (selon 84 % des répondants) ; l’avion contribue trop au réchauffement climatique (51 %) ; le train de nuit évite de prendre la route sur de longues distances (35 %).

En France, l’Etat vient de relancer le train de nuit Paris-Nice supprimé en 2016, mais le modèle économique du train de nuit est encore flou : service public ou activité commerciale ? Quatre opérateurs historiques européens (Allemagne, Suisse, Autriche et France) ont par ailleurs passé un accord de partenariat visant à développer un réseau international de trains de nuit pour concurrencer l’avion. Les chemins de fer autrichiens exploitent déjà, avec un succès remarquable, un réseau de 18 relations nocturnes desservant l’Autriche, l’Allemagne, le Bénélux, l’Europe centrale et l’Italie : 12 000 vols ont été évités en 2019. Des initiatives ont été prises également en Suède.

Compte-tenu des horaires attendus par les voyageurs, il est souhaitable que les trains de nuit utilisent les lignes à grande vitesse (LGV), en particulier pour les relations internationales (Paris-Rome), ce qui ferait passer du train de nuit traditionnel au train de nuit du futur, de la même manière qu’on est passé, dans les années 1970, du train Corail au TGV.

Le gouvernement investit actuellement tous les créneaux des activités ferroviaires : trains de nuit, petites lignes, lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan, TGV, transport du fret. Il répond ainsi aux souhaits de la FNAUT pour qui les voyageurs et les chargeurs ont des besoins très diversifiés. Mais pourra-t-il mener tous ces chantiers de front malgré les difficulés financières ? Les Régions investissent sur les petites lignes.

Par la loi Climat et Résilience, le gouvernement vient d’interdire les vols aériens dès que, sur le même itinéraire, le temps de parcours en TGV est inférieur à 2h30 : seules sont concernées les liaisons Paris-Lyon, Paris-Bordeaux, Paris-Nantes, Paris-Rennes et Lyon-Marseille, sauf en cas de correspondance avec un vol international.

Au-delà de 2h30, ce qui est décidé, voire de 4h, ce qui est proposé par la conférence citoyenne et plusieurs ONG, l’interdiction est une fausse bonne idée. Sur ces liaisons radiales, le TGV est performant et le trafic aérien se contracte naturellement. Une interdiction de l’avion limitera la liberté du consommateur, celle du professionnel qui veut faire un aller-retour dans la journée, ou celle du particulier confronté à une situation d’urgence. Par ailleurs le monopole de la SNCF sera renforcé, elle pourrait faire évoluer la fréquence des trains et les tarifs en fonction de ses propres intérêts. En cas d’incident technique grave ou de grève, la mobilité internationale serait complètement bloquée.

Pour limiter le trafic aérien à courte distance, il est plus efficace de taxer le billet d’avion de telle sorte que le train soit toujours nettement moins cher que l’avion (l’Autriche l’a déjà fait) et de desservir enfin Toulouse et Nice par des lignes à grande vitesse. Car le TGV reste l’outil le plus efficace pour reporter le trafic aérien intérieur sur le rail. 

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