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Refondation des urgences : “Réforme structurelle ne rime pas avec absence de dialogue”

Par Thomas Mesnier, Député de la Charente, Membre de la Commission des Affaires sociales

Il est urgent d’agir, urgent de changer les choses, c’est une nécessité. Lorsque je me suis engagé en politique en avril 2016, au lendemain du lancement du mouvement En Marche ! par Emmanuel Macron, ma volonté était de participer à transformer notre pays. Mon exercice au sein du service d’urgence du centre hospitalier d’Angoulême m’a montré une réalité qui ne devenait supportable ni pour les patients, ni pour les soignants.

Cette urgence, nous continuons de la vivre depuis le début du quinquennat pour rénover un modèle de santé abandonné depuis trente ans face aux défis du XXIème siècle. Augmentation des pluri-pathologies, diminution du temps médical et développement du numérique sont autant d’évolutions qu’il est temps de prendre en compte pour offrir des soins accessibles et adaptés à chacun.

C’est le choix qui a été fait en faisant de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé la première pierre du plan « Ma Santé 2022 ». Elle institue un nouveau paradigme dans notre modèle de santé. La réforme des études en santé avec la suppression du numerus clausus et des épreuves classantes nationales permet désormais aux étudiants de s’y engager sans subir la peur de l’échec. L’avancée dans la gradation des soins avec la création des hôpitaux de proximité et la réforme des groupements hospitaliers de territoire permet à chaque patient d’être pris en charge au bon endroit, au bon moment. La coopération entre les acteurs de santé grâce au développement des communautés professionnelles territoriales de santé offre la possibilité aux soignants de coopérer en autonomie sur les territoires. L’utilisation du numérique donne aux usagers la possibilité d’être acteurs de leur santé et aux professionnels de santé des outils au service de la qualité et de l’accès aux soins. Ce sont autant d’atouts mis en place pour assurer la bonne prise en charge des Français.

Réforme structurelle ne rime pas avec absence de dialogue. C’est par la concertation à toutes les étapes du processus que les forces vives de la Nation ont été consultées. A chaque décision, à chaque mesure, ont été mises en place des concertations avec les patients, les représentants des professionnels de santé, les Ordres, les syndicats, les associations, les élus. Les 41 auditions que j’ai menées en tant que rapporteur général ont permis de nouveau de rassembler l’ensemble des acteurs pour écouter et échanger sur les différentes mesures du projet de loi. Je suis fier d’avoir voté un texte qui apportera la qualité et la sécurité des soins pour tous les Français.

Les efforts sont engagés, les attentes restent vives. La crise sociale que nous avons connue pendant plus de six mois chaque samedi nous rappelle dans quelle précarité une partie de nos concitoyens se trouve. Le Grand Débat National nous a montré à quel point les Français sont attachés à la santé. Les réunions publiques que j’ai pu tenir dans ma circonscription l’ont confirmé. La peur de la perte d’un modèle et la peur de l’avenir sont légitimes, nous devons y répondre. Elles s’expriment aujourd’hui chez le personnel soignant des urgences. 21 millions d’entrées dans les services d’urgence étaient comptabilisées en 2018, avec une progression constante depuis vingt ans. J’ai rencontré régulièrement les professionnels de santé, j’entends leur colère face à la désorganisation structurelle et l’augmentation des agressions qu’ils subissent. La capacité à soigner, à dialoguer avec le patient dans des conditions d’accueil décentes relève de la mission de service public que chacune des personnes du monde de la santé s’est engagée à remplir. Voir son hôpital se dégrader, les patients passer la nuit sur des brancards dans le couloir de l’hôpital, la file d’attente s’allonger sans cesse sont autant de marqueurs que nous devons faire disparaître pour redonner du sens à l’engagement de chacun au service de la santé.

C’est dans ce cadre que le Premier ministre et la ministre des Solidarités et de la Santé m’ont confié une mission sur la refondation des urgences. La situation est complexe et appelle à une réforme globale de l’amont à l’aval. Pendant trop d’années nous avons accepté de mettre sous perfusion financière les services d’urgence sans oser pointer la maladie systémique qui les touche. Mes déplacements dans différents territoires depuis le début de la mission m’ont permis de constater les disparités. Faisons appel à l’intelligence collective pour trouver et généraliser des initiatives qui fonctionnent. Il y a aujourd’hui des services qui fonctionnent, d’autres non. Le plan « Ma Santé 2022 » pose les fondamentaux de ce renouveau. Il faut maintenant accélérer pour rendre les changements effectifs, faire travailler la ville et l’hôpital dans un objectif commun de reconquête des territoires.

Dès juin, Agnès Buzyn a annoncé des mesures pour les personnels des urgences. 70 millions d’euros ont été consacrés aux urgences pour à la fois permettre au personnel soignant de toucher 100 e d’indemnité mensuelle forfaitaire de risque et soulager les services au cours de l’été 2019 par le versement de crédits exceptionnels. En septembre, et sur proposition de la mission que je mène, douze mesures ont été annoncées et structurent désormais le cadre de ce que sera la refondation des urgences.

C’est d’abord la mise en place d’un service universel pour répondre à toute heure à la demande de soins des Français. Le service d’accès aux soins (SAS) permettra aux usagers d’être orientés vers le service de santé adapté, au plus près de chez eux et éviter un afflux massif et continu d’arrivées aux urgences.

Faire travailler ensemble la ville et l’hôpital permettra de développer en cabinet, en maison et centre de santé une alternative complète et attractive. C’est le sens de la loi « Ma Santé 2022 », c’est le sens du pacte de refondation des urgences. L’objectif est à la fois de renforcer l’offre de consultations médicales sans rendez-vous et d’élargir les outils à la disposition de la médecine de ville et des professionnels non médicaux. Ceci passera par la mise en place de parcours dédiés pour les personnes âgées et l’intégration de la vidéo à distance dans tous les SAMU. Cette volonté de coopération se retrouve à l’aval des urgences où la sortie des patients des services d’urgences doit être facilitée. La fluidification des sorties se fera grâce à l’engagement de tous les acteurs du territoire en faveur de l’accueil des hospitalisations non programmées.

C’est par un travail d’équipe cohérent et durable que les professionnels de santé retrouveront des conditions de travail en adéquation avec les missions qui leur sont confiées. Le personnel des urgences doit également être protégé efficacement tant des agressions que de l’intérim médical organisé.

Nous travaillons avec les différents acteurs concernés pour trouver les ajustements nécessaires à un changement profond de l’organisation des services d’urgence et l’enjeu est majeur. Protégeons notre modèle de santé, faisons-le évoluer. Préservons son excellence en le rendant plus efficace. Gardons-le au service des Français et de la santé de tous. 

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