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L’écologie est-elle en train de devenir le nouveau marqueur du paysage politique français ?

Par Philippe Charlez, Expert en Questions Energétiques, Institut Sapiens

L’affrontement gauche/droite s’est aujourd’hui déplacé vers une réplique frontale entre libéraux mondialistes europhiles et souverainistes identitaires europhobes. Pourtant parallèlement à cette nouvelle bipolarisation, la percée écologiste aux européennes n’est pas un épiphénomène.

Depuis un an, suite au mouvement « Youth for climate » amorcé par la jeune suédoise Greta Thunberg, l’écologie et son corollaire qu’est la transition énergétique se sont largement invités dans le débat public.

Considérés depuis toujours comme des thématiques secondaires, sont-elles en train de devenir un marqueur durable du paysage politique français ? Peuvent-elles sous une forme nouvelle relancer le débat gauche droite ? Quels risques et quelles opportunités pour la majorité présidentielle ? Les partis politiques traditionnels aujourd’hui atomisés pourraient-ils en profiter pour renaître de leurs cendres ?

Une idéologie totalitaire en pleine progression

L’écologie politique s’est toujours positionnée à la gauche de la gauche. Pour les écologistes, la nature ne représente que la partie immergée de l’iceberg. Partisans de la décroissance économique, ils ont développé une forme nouvelle de lutte des classes dont le but ultime est de remplacer la société de croissance par une dictature verte imposant, au nom du climat, une restriction massive de libertés.

Ainsi, en filigrane d’une soi-disant justice climatique la jeune suédoise délivre un discours de lutte des classes sans ambiguïté. Selon ses propres mots (1), « la biosphère est sacrifiée pour permettre à quelques riches de vivre dans le luxe » et comme « les solutions sont introuvables à l’intérieur du système, il faut changer de système ».

Des propos qu’EELV a traduit dans son programme (2) : « il faut faire de l’écologie une norme juridique supérieure, subordonner les critères économiques aux critères environnementaux, créer un tribunal international de justice climatique afin de poursuivre les États et les multinationales qui ne diminuent pas leur empreinte carbone ».

Comme toute idéologie totalitaire l’écologie politique repose sur une pensée unique sans état intermédiaire : si l’on n’est pas décroissantiste on ne peut être écologiste. Ainsi, David Cormand déclarait dernièrement (3) « l’écologie est n’est pas compatible avec l’offre politique de la droite, du Rassemblement National, des Républicains jusqu’à la République en Marche. L’écologie s’est affirmée comme une pensée politique alternative aux libéraux et aux fachos. ». La vision binaire néomarxiste se lit en filigrane de sa déclaration : il traite de la même façon les libéraux et les fachos, le RN, LR et LREM qui ont pourtant des visions économiques et sociétales aux antipodes.

Politiques, journalistes, chefs d’entreprise et même grands scientifiques se convertissent les uns après les autres à la religion Thunbergienne et rendent à la jeune suédoise des honneurs inégalés : plateaux télévisés, discours à la COP 24, au Parlement Européen, aux Nations Unies et au Palais Bourbon où la passionaria a fait la leçon à l’ensemble de la représentation française. Proposée pour le prix Nobel de la Paix par plusieurs parlementaires scandinaves, elle n’a finalement pas reçu la prestigieuse récompense attribuée à l’Ethiopien Abiy Ahmed.

Business oblige ! Les banques et les industriels « sérieux » se doivent de repeindre leur façade en vert. Le mot pétrole étant devenu tabou, la compagnie Norvégienne Statoil s’est rebaptisée Equinord. Chez Engie, plus aucune référence au gaz qui représente pourtant 90 % de son chiffre d’affaire. Le hall d’entrée du siège de feu « Gaz de France » est tapissé de références aux éoliennes, au biogaz et à l’hydrogène.

La transition énergétique doit reposer sur trois piliers

Depuis les Trente Glorieuses, la France a connu trois années de récession conjoncturelle synonymes de faillites, d’inflation, de chômage, d’accroissement de dette et de baisse du pouvoir d’achat. Toutefois, dans les trois cas, la reprise qui s’ensuivit permit de maintenir notre niveau de développement.

Bien au contraire, la décroissance structurelle voulue par les écologistes briserait à court terme le tissu économique et détériorerait à moyen terme les indicateurs élémentaires de développement. Pauvreté, corruption, inflation, chômage, baisse de l’espérance de vie et augmentation de la mortalité infantile autant de facteurs tangibles qui ne semblent pas inquiéter outre mesure les collapsologues décroissantistes.

Comme le développement durable, la transition énergétique s’appuie sur trois piliers : le climat, la sécurité énergétique et la compétitivité des entreprises largement conditionnée par les prix de l’énergie. Pour faire simple, l’énergie ne doit pas seulement être propre, elle doit aussi être abordable et disponible. Une transition énergétique raisonnable doit s’équilibrer autour de ces trois piliers sous peine de mettre en péril les fragiles équilibres socio-économiques. Et bien évidemment, l’écologie politique hypertrophie le pilier climat aux dépends des deux autres.

Positionnent des formations politiques face à cette nouvelle donne

La lutte des classes traditionnelle ne faisant plus rêver, le PS et LFI ont convergé vers les propositions d’EELV. Sans succès : les électeurs ont préféré « l’original à la copie ». Depuis vingt ans, les Ecolos étaient la variable d’ajustement du PS. Va-t-on assister à une inversion des rôles avec un candidat écologiste représentant l’ensemble de la gauche ? Le score de Yannick Jadot aux européennes conjugué aux contreperformances de LFI et du PS lui donne toute légitimité pour revendiquer ce rôle et imposer l’écologie politique comme la nouvelle gauche.

Depuis le début de son mandat, le président Macron avait choisi de faire de la croissance économique la pierre angulaire de son mandat. Mais, traumatisé par le mouvement des gilets jaunes, suggestionné par les questions du grand débat et surtout surpris par le vote vert aux européennes, il s’est lui aussi converti à la religion Thunbergienne. Un changement de cap bien visible dans « En Marche Pour l’Europe » (4) mais aussi dans la composition de la liste Renaissance où le responsable d’une puissante ONG figurait en seconde position. Altermondialiste marqué à gauche, Pascal Canfin a pris la tête de la commission environnement du Parlement européen. La macronie est donc représentée à ce poste clé par…un ancien écologiste pur et dur.

Une stratégie confirmée lors du discours de politique générale du premier ministre le 12 juin 2019. Décidé à « verdir » l’acte II du quinquennat, Edouard Philippe s’est cru obligé de justifier « qu’il n’était pas décroissantiste ». On retrouve une nouvelle fois cette ligne dans le comité d’organisation de la convention citoyenne sur le climat essentiellement composé de personnalités de gauche au passé écologiste et syndicaliste. Pas l’ombre d’une personnalité de droite, d’un industriel, d’un scientifique (hormis le climatologue J. Jouzel) ni d’un expert énergéticien (5). Le meilleur moyen de former les 150 citoyens représentant une « mini France » à la pensée unique du marxisme écologique.

La position est de plus en plus périlleuse pour le parti présidentiel. Il n’attirera pas vers lui le « jeunisme vert » convaincu qu’Emmanuel Macron est un « mondialiste perverti par la société de croissance » mais risque de faire fuir à grand pas son électorat de centre droit acquis à son positionnement économique. Indirectement cette orientation nouvelle pourrait ouvrir un nouvel espace politique à la Droite Républicaine.

Fortement défaite lors de la présidentielle et des législatives 2017, la Droite Républicaine a été atomisée aux dernières européennes. En panne complète d’espace politique, pourrait-elle ressusciter en prenant des positions pragmatiques et raisonnables en termes de transition énergétique ? Une offre originale qui demandera à son nouveau président Christian Jacob beaucoup de courage et de pédagogie pour se démarquer d’une pensée unique qui s’ancre chaque jour un peu plus dans l’imaginaire collectif. Et ce, en évitant de tomber dans le piège du climato-scepticisme que ses adversaires politiques ne manqueront pas de lui tendre.

Tout en adhérant aux objectifs climatiques, cette stratégie devra assumer que la croissance économique est seule capable d’assurer le développement social mais aussi le financement de la transition énergétique. Un projet qui pour être crédible devra s’affirmer pro-européen. L’Europe représente en effet le seul espace naturel au sein duquel peut s’inscrire une transition énergétique pragmatique et équilibrée. 


1. https://www.youtube.com/watch ?v=VFkQSGyeCWg


2. https://www.lesechos.fr/elections/europeennes/europeennes-jadot-tente-de-relancer-la-campagne-des-ecologistes-1003462


3. David Corman Le Figaro 8 et 9 Juin 2019 « Nous devons accueillir le succès avec humilité »


4. https://eu-renaissance.org/fr/Programme %20Renaissance %20 %C3 %89lections %20europ %C3 %A9ennes.pdf


5. https://www.contrepoints.org/2019/10/10/355465-convention-citoyenne-sur-le-climat-une-diversite-dapparat