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Une inadéquation croissante entre l’offre de logement et la demande

Par Benoist Apparu, Maire de Châlons-en-Champagne, Ancien Secrétaire d’Etat au logement, Président du Directoire d’in’li

La politique du logement a durablement ignoré plusieurs phénomènes : la démographie, les mutations familiales et les changements de mode de vie. Le résultat est une inadéquation croissante entre l’offre de logement et la demande sur un territoire. Les territoires qui progressent sur le plan démographique produisent trop peu de logements, pas toujours de la bonne taille, avec pour conséquence une envolée des prix. A l’inverse, dans des territoires qui connaissent des pertes de population, il y a des logements vides et le parc ancien se dégrade.

Les conséquences de la situation actuelle du logement sont socialement dramatiques, en termes de pouvoir d’achat mais aussi dans certains cas en termes d’exclusion. Les écarts de loyer varient d’un facteur 1 à 3 et les écarts de prix de 1 à 5 sur le territoire français. Un parent célibataire ou un jeune actif sans enfant qui gagne 2 000 euros par mois appartient à la classe moyenne et peut accéder à la propriété dans le Cantal ou la Marne. À revenu identique, en première couronne parisienne, cette même personne aura du mal à boucler les fins de mois.

Nos politiques publiques : allocations logements, règles de l’accession sociale à la propriété, de la location-accession - notamment la possibilité pour les locataires HLM d’accéder à la propriété -, investissement locatif, logement social, sont actuellement uniformes sur tout le territoire. Lorsqu’il y a des zonages, ils ne sont pas assez efficaces. Or, les besoins sont très différents ! Il faut donc tenir compte de la diversité des territoires dans les financements (Pinel, PTZ, prêt de la Caisse des dépôts, APL, …) et les réglementations (article 55 de la loi SRU, PLH, ….) en concentrant sur le neuf en zone tendue et sur l’ancien en zone détendue.

Développer l’offre en zone tendue

Le déficit d’offre de logements est localisé géographiquement dans les grandes agglomérations les plus dynamiques, justement là où il y a des ressorts de marché conséquents. Dans ces territoires il convient de développer toutes les offres : social et accession bien sûr mais aussi du logement intermédiaire qui est moins connu et moins présent mais pourtant tout aussi essentiel pour loger les classes moyennes et les jeunes actifs qui sont trop « riches » pour accéder au social et pas assez pour se loger dans le privé.

Mais pour construire du social, de l’intermédiaire ou de l’accession encore faut-il augmenter l’offre de foncier disponible. La principale difficulté vient de la capacité à rendre le foncier disponible pour la construction de logements.

La question foncière relève avant tout d’une décision et d’une action politique mal menée depuis des décennies. La surface du territoire métropolitain est de 54 900 000 hectares. Ce n’est donc pas le foncier qui manque ni une surconsommation d’espace pour l’urbanisation, mais sa libération, qui n’est ni suffisante ni assez rapide. Il faut concrétiser une capacité de mobilisation de foncier pour les besoins jugés prioritaires. Une mobilisation pertinente et efficace du foncier est possible et elle passe par plusieurs mesures : encourager les maires bâtisseurs (adapter le système de financement des collectivités locales en faveur des maires bâtisseurs, accompagner les maires qui s’inscrivent dans des démarches d’urbanisme de projet c’est-à-dire des procédures dans lesquelles le projet prime). Trois mesures concrètes permettront de construire avec des prix maîtrisés : La constitution de réserves foncières par les EPF pour le compte des communes et intercommunalités, dans des secteurs stratégiques, ceux qui sont ou seront le mieux connectés, aux nœuds des infrastructures ; une fiscalité des PVI qui décourage la rétention foncière et un prix de vente régulé de ces terrains, qui sera déterminé en fonction du programme du projet urbain. Le projet de construction doit déterminer le prix de cession du terrain et non l’inverse. Il conviendrait également de faciliter le changement d’affectation des bâtiments.

Reconquérir l’ancien en zone détendue

La France ne peut se résumer à ce trop simple schéma binaire zone tendue ou détendue, mais pour simplifier la démonstration, si le neuf est indispensable en zone tendue, il est à limiter en zone détendue. C’est avant tout l’ancien, en centre-ville notamment, qu’il faut reconquérir alors même que la facilité opérationnelle et les modèles économiques pousseraient plutôt vers le neuf. 

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