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Erotisme et diplomatie, du Grand siècle à Charles de Gaulle

Par Nicolas Mietton

La France a toujours voulu mener une politique étrangère de grand style et tous les moyens pour y parvenir ont été bons, même les plus scabreux. A côté de la « grande histoire » diplomatique, enseignée dans les manuels de relations internationales, cohabite donc une « petite histoire », souvent décriée mais bien réelle…

A elle seule, en effet, la diplomatie est un cocktail détonnant, qui mêle les plus puissants aphrodisiaques : le pouvoir, l’argent et le sexe. Le pouvoir, puisque les Affaires étrangères se confondent avec la Politique, au sens le plus noble du terme. Par définition, elles sont le « domaine réservé » du chef de l’Etat. L’argent, ensuite : conduire une politique étrangère ambitieuse a un coût : maintien d’un réseau mondial d’ambassades et de consulats, « achat » -pour employer un mot poli- de puissances étrangères…

Le sexe, enfin : connaître les coupables penchants d’un allié ou d’un adversaire permet de s’assurer de lui. De le mener par le bout du nez, en le menant par un autre bout de son anatomie. L’intérêt supérieur de la France a fréquemment commandé aux diplomates de payer de leur personne, les valises diplomatiques se transformant en vanity cases dans le secret des boudoirs… Certains, comme le chevalier d’Eon, s’y sont brûlé les doigts, mais d’autres ont réussi, comme Vergennes.

Retracer cette histoire d’un genre particulier nécessitait une cohérence chronologique et géographique. On s’en est donc tenu à l’Europe (exit l’ambassade au Siam de l’abbé de Choisy travesti en femme) où le récit commence sous Louis le Grand, pour s’achever avec le « règne » du « Grand Charles », ultime moment où Paris croit pouvoir agir seul sur la scène internationale.

Les soubresauts érotico-diplomatiques n’ont pas manqué durant ces trois cents ans. L’Ancien Régime, sous lequel liens dynastiques et relations internationales se confondaient, s’autorisait des privautés impensables de nos jours. Sur ordre de Louis XV, la Pompadour et l’abbé de Bernis négocièrent le célèbre « renversement des alliances » en faveur de l’Autriche. Concevrait-on aujourd’hui Julie Gayet et Mgr Barbarin discuter secrètement les termes d’un traité sensationnel avec Poutine ?

Cependant, la République n’a pas été en reste : escapades coquines de têtes couronnées amies de la France dissimulées derrière la formule de « visite au Président du Sénat » sous la IIIème République ; « oreiller du ministre » sous la IVème (c’est-à-dire le budget consacré par le Quai aux amours de son ministre)… pour aboutir aux mésaventures à Moscou de l’ambassadeur Maurice Dejean, en pleine république gaullienne.

Est-ce à dire que le Quai d’Orsay n’a pas défrayé la chronique depuis lors ? Certes non : Cet ouvrage aurait pu être sous-titré « De Christine de Suède à Christine Deviers-Joncour » !… Preuve qu’érotisme et diplomatie font toujours bon ménage ! 

 

* Vient de publier : Une histoire érotique de la diplomatie, de Louis XIV aux gaullistes éditions Payot, 300 pages, 20€

 

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