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“Quel est le seul État susceptible de maintenir le Royaume-Uni arrimé à l’Europe de la sécurité et de la défense ? La France !”

Par Ladislas Poniatowski, Sénateur (LR, Eure), Membre de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées

S’il est un domaine à préserver des effets du Brexit, c’est évidemment celui de la défense et de la sécurité. Chacun en convient, une Europe effritée serait un dangereux non-sens stratégique dans le monde actuel.

Face au terrorisme, aux nouvelles formes de conflictualité, face au retour des États-puissance et à l’émergence des « pays-continents », dans un contexte de remise en cause de l’ordre multilatéral et d’effacement stratégique de notre allié américain, l’Europe devra rester unie et autonome, pour pouvoir ne compter si nécessaire, à l’avenir, que sur ses propres forces.

La France et le Royaume-Uni ont un rôle particulier à jouer dans ce contexte. Leurs intérêts convergent puisque, selon la formule consacrée, il n’existe pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’un seraient menacés sans que les intérêts vitaux de l’autre ne le soient aussi. Theresa May l’a rappelé, lors du sommet franco-britannique de Sandhurst, sous la forme d’une évidence géographique et géopolitique : « Le Royaume-Uni se prépare à quitter l’Union européenne, mais le Royaume-Uni ne quitte pas l’Europe ».

La France et le Royaume-Uni partagent, de surcroît, une culture stratégique commune, en tant que pays détenteurs de l’arme nucléaire, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, dotés d’un modèle complet d’armée, capables de mener des opérations de haute intensité et de se projeter en dehors de leurs frontières. Leur relation est à ce titre unique et irremplaçable en Europe. C’est une ligne de force essentielle pour notre continent.

Avec les accords de défense de Lancaster House, en 2010, la France et le Royaume-Uni ont choisi d’aller de l’avant en dynamisant leur relation bilatérale dans les domaines opérationnel, capacitaire, industriel et nucléaire, sans attendre les timides progrès d’une Europe de la défense hésitante. Celle-ci connaît aujourd’hui des avancées importantes sous l’impulsion franco-allemande mais elle demeure handicapée par l’hétérogénéité des analyses, des ambitions et des moyens de ses partenaires. Il revient au Royaume-Uni et à la France de continuer à jouer un rôle moteur : à ce titre, il faut se réjouir que la déclaration de Sandhurst manifeste la volonté d’étendre le champ de la coopération entre les deux pays, au-delà de la défense stricto sensu.

Toutefois, si nous coopérons étroitement avec le Royaume-Uni, si nos deux pays sont des partenaires proches, notamment au sein de la coalition qui a combattu Daech en Irak et en Syrie, il nous faut maintenant aller plus loin en termes de réalisations concrètes conjointes, capacitaires et opérationnelles.

Le sommet de Sandhurst restera de ce point de vue une occasion manquée, faute d’avoir été décisif sur des sujets essentiels.

Qu’en sera-t-il, par exemple de la force expéditionnaire commune interarmées (CJEF), décidée en 2010, qui doit atteindre les 10 000 hommes à l’horizon 2020 ? Celle-ci est concurrencée par l’existence d’autres structures conjointes, sans que les priorités stratégiques du Royaume-Uni n’apparaissent clairement.

Qu’en sera-t-il, par ailleurs, du programme de système de combat aérien du futur (FCAS), programme structurant, véritablement essentiel pour la défense future de l’Europe ? L’histoire du drone de renseignement est celle de l’incapacité de l’Europe à se doter d’une solution souveraine. Cette histoire ne doit pas se répéter dans le domaine du drone de combat. Si nous n’avançons pas très rapidement, nous risquons un décrochage technologique et industriel, par rapport à des puissances qui consacrent des moyens considérables au développement de leur outil de défense.

Dans l’après-Brexit, le Royaume-Uni devra trouver un équilibre entre son tropisme atlantique et sa géographie européenne ; quant à la France, elle devra veiller à préserver un équilibre dans ses relations avec ses deux grands voisins. Quel est le seul État susceptible de maintenir le Royaume-Uni arrimé à l’Europe de la sécurité et de la défense ? La France ! 

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