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Norme Halal AFNOR : entre controverse et convoitise

Par Mai Lam Nguyen-Conan, Directrice Associée, Viavoice Diversity*

Dès que le mot « halal » est prononcé, immanquablement, la polémique enfle. À la polysémie des mots viennent s’immiscer les intérêts contradictoires des parties prenantes, mêlant délibérément considérations économiques, politiques et religieuses.

La « norme halal Afnor » est le dernier exemple de la dramatisation que suscite ce sujet. Pour rappel, au lancement de la norme au mois de septembre dernier, le CFCM et d’autres instances religieuses musulmanes ont dénoncé en légitimité la création de cette norme et accusé le gouvernement et l’institut d’ingérence dans les affaires religieuses.

Une norme qui n’en est pas une

Les mots ont leur importance, à commencer par celui de « norme » ; en l’occurrence, la controverse porte sur le caractère normatif d’une norme… qui n’en est pas une. Son titre exact est « Guide des bonnes pratiques de fabrication de denrées alimentaires transformées halal basée sur les principes du HACCP ».

Selon Olivier Gibert de l’Afnor, les normes publiées par l’Afnor sont par principe d’application volontaire. Mais le mot norme est malheureusement aussi utilisé pour désigner une loi, un décret : ce sont alors des normes législatives. Le document sur le halal, bien d’application volontaire, est nommé « norme XP V06-001 ».

Mais ce n’est pas une « norme halal », ni une certification et encore moins un label.

Traduit en langage simplifié, l’appellation donnerait « guide de bonnes pratiques de sécurité et d’hygiène pour préparer et faciliter, éventuellement et à une étape ultérieure, la certification halal par un organisme indépendant de la transformation des denrées alimentaires ».

C’est donc un guide, un cadre de référence, un manuel, qui ne touche pas à l’abattage, et intervient dans le processus aval, à savoir la transformation des denrées.

Le terme important à retenir est HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point – Analyse des dangers et maîtrise des points critiques) dont l’Afnor indique que c’est une méthodologie de référence pour assurer la sécurité sanitaire des aliments.

Il indique précisément à l’industriel les risques, les procédures nécessaires pour éviter par exemple la contamination croisée, l’usage de dérivés de l’éthanol, et ainsi respecter le caractère halal des produits (à ce niveau, il ne s’agit pas d’une licéité spirituelle mais principalement du respect des interdits majeurs religieux rappelés dans les directives halal du codex alimentarius).

En matière de sécurité sanitaire et de santé publique, le client le plus exigeant est en droit d’accorder sa confiance aux préconisations d’un organisme comme l’Afnor.

Ce guide pratique a donc une visée prescriptive, il indique à l’industriel ce qu’il doit faire, mais ne certifie en aucun cas le produit fini, en bout de chaîne.

Vers le début d’un halal « Made in France » ?

C’est une initiative inédite, faite à la demande des industriels de l’agro-alimentaire français, à la recherche d’un outil leur permettant de pénétrer les marchés de pays majoritairement musulmans, parmi lesquels l’Indonésie et la Malaisie, qui imposent des normes très strictes à l’importation des produits manufacturés. C’est par ailleurs dans une optique de « diplomatie économique », que s’explique, selon l’Afnor, le suivi du projet par le Ministère des Affaires étrangères à cette initiative par des industriels français, aux portes d’un marché de près de 1,6 milliard de personnes.

Le but de la norme Afnor est de permettre aux entreprises françaises d’être en conformité avec les attentes de leurs clients, qui procéderont eux, s’ils le souhaitent, à la certification ou à la labellisation halal du produit, selon leurs propres standards. Comme dans tout marché, la norme devra faire ses preuves, ou pourra être modifiée pour s’adapter aux demandes des clients, confirmée, mise à jour ou retirée. 

 

* Auteur du Marché de l’ethnique, un modèle d’intégration ? Halal, casher, beauté noire…. (Michalon, 2011)

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