Print this page

Faire face à l'érosion du littoral

Face à l’érosion qui, d’année en année, « grignote » peu à peu les 7500 km de côtes françaises, une proposition de loi socialiste cherche à anticiper le phénomène, attribué au changement climatique. Ce texte technique, adopté en première lecture à l’Assemblée et au Sénat, vient compléter les mesures déjà prises pour faire face aux inondations et submersions marines.

Il n’y a plus de doutes à avoir, et les dernières études du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) l’attestent, en 2025, en Nouvelle-Aquitaine notamment, le trait de côte – la limite entre terre et mer -, devrait reculer de 20 mètres sur la côte sableuse et de 9 mètres sur la côte rocheuse. A ces chiffres déjà inquiétants, se superposent, comme le rappelle la rapporteure Pascale Got, le souvenir de la tempête Xynthia de 2010 « et son lourd tribut payé en vies humaines » (47 morts dont 29 dans des lotissements de la Faute-sur-Mer). « Comment oublier la menace qui pèse d’ores-et-déjà sur de nombreux territoires et sur leurs populations qui sont en prise immédiate avec les conséquences de l’érosion côtière et un recul du trait de côte ? » se demande l’élue de Gironde qui veut que l’on se saisisse sérieusement du problème et que l’on « arrête de finasser ». Prenant acte des efforts accomplis dans le domaine des inondations et des submersions marines, Pascale Got regrette toutefois que l’érosion ait été si longtemps « délaissée », en raison de sa temporalité particulière. Or, le « laxisme débouche immanquablement sur la mise en danger des territoires, des biens et des personnes ».

Un recul équivalant à 3100 terrains de rugby

La prise de conscience « récente » à la suite notamment de la tempête Xynthia a amené les pouvoirs publics à adopter en 2012 une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a toutefois tenu à rappeler en séance, la Ministre du Logement et de l’Habitat durable, Emmanuelle Cosse. Une première stratégie qui prévoyait un programme d’actions portant sur les années 2012 à 2015. Aujourd’hui, poursuit la Ministre, avec ses 7500 km de côtes, dont 1650 km en Outre-mer, « la France est particulièrement concernée par les risques littoraux. Aucun département côtier n’est épargné par les phénomènes d’érosion. En métropole, plus de 650 km de côtes sont en recul, la surface perdue en cinquante ans équivalant à 3100 terrains de rugby » se désole l’écologiste Emmanuelle Cosse qui se félicite alors de cette initiative parlementaire.

Justement, le texte de loi présenté par la députée de Gironde reprend tout ou partie des 40 propositions d’un récent rapport du Comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte dont Pascale Got et Chantal Berthelot sont les vice-présidentes.

Développer la culture du risque

L’objectif de ce texte, explique Pascale Got, est de permettre aux territoires littoraux de mieux anticiper pour mieux se protéger, d’apporter des réponses aux élus qui sont souvent dans une impasse juridique lorsqu’ils commencent à relocaliser, de maintenir l’activité, d’aménager en conséquence et d’informer. « En un mot de développer la culture du risque qui manque tant en France ».

Ce texte commence donc par procéder à la reconnaissance juridique de la définition du recul du trait de côte dans le code de l’environnement, dans les plans de prévention des risques et des documents d’urbanisme. Il prévoit ensuite la création d’une zone d’activité résiliente et temporaire appelée « ZART » au sein de laquelle des constructions, des aménagements et des exploitations pourront être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque. « Elle ouvrira des possibilités de préemption, de délaissement et de décote pour risques qui seront autant d’outils mis à la disposition des acteurs de terrain pour imaginer le littoral dans dix, cinquante, soixante ou cent ans » explique la rapporteure.

Création d’une zone d’activité résiliente et temporaire (ZART)

La proposition de loi prévoit aussi la création d’un bail réel immobilier littoral, appelé BRILi, spécifique à la ZART qui présente, selon son auteur « deux vertus » : la commune peut louer les biens acquis et bénéficier d’un retour sur investissement, les propriétaires peuvent vendre leurs biens à la collectivité tout en continuant à y résider en contractant un bail avec la commune. « La spécificité de ce contrat réside dans la mention de la réalisation du risque et de la démolition du bien » précise-t-elle.

Mais cet ensemble de mesures suscite néanmoins quelques inquiétudes chez Yannick Moreau qui parle de ce texte comme « d’une nouvelle manifestation du génie administratif français dont les technocrates de nos ministères sont les thuriféraires ». Le député LR de la Vendée littorale dénonce la « complexité » d’un texte qui, selon lui, fait que « ni les préfets, ni les élus locaux ne seront capables de mettre en œuvre », un texte qui « empile contraintes sur contraintes »

 

2639 K2_VIEWS