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Le Ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, auditionné au Sénat

La Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a entendu le 22 juin dernier, le Ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à l’occasion de sa visite officielle en France. Au menu des discussions, la levée des sanctions après l’accord nucléaire de Vienne, la crise syrienne, les récentes élections législatives iraniennes, les droits de l’Homme et le développement des relations franco-iraniennes.

Nul doute que le Ministre iranien des Affaires étrangères sait manier le langage diplomatique. Si les propos sont mesurés et millimétrés, les sénateurs ont toutefois pu, à chaque fois, obtenir des éléments de réponses à leurs interrogations légitimes. Sur l’accord nucléaire de Vienne du 14 juillet 2015, Mohammad Javad Zarif, après avoir regretté la lenteur du rythme de la levée des sanctions, s’est montré résolu à obtenir qu’il soit appliqué « dans sa totalité ». Cela veut dire, argue-t-il, que l’on mette fin au concept « tout à fait inadmissible et illégal » de sanctions extraterritoriales américaines. « La vision de l’époque des embargos, qui empêchait de travailler avec l’Iran, demeure présente dans les banques françaises, Pour nous, c’est un climat « psychologique », « virtuel », car il n’existe aucune limitation pour les coopérations avec l’Iran » regrette le Ministre. « Avec l’accord pour le nucléaire, les Américains se sont engagés à ce qu’il n’y ait pas de sanction. Il faut donc briser ce climat « virtuel » dans l’intérêt de tous » insiste-t-il.

Justement, Hélène Conway-Mouret s’est étonnée que l’accord de vente de 118 Airbus, signé lors de la visite du président Hassan Rohani en janvier dernier se soit accompagné peu de temps après par l’achat de 100 Boeing. « La « peur du gendarme » est forte de votre côté et du nôtre et seulement trois banques françaises assurent les flux financiers entre nos deux pays. Si rien ne bouge, pensez-vous que cet accord voit le jour ? » se demande la sénatrice préoccupée par le Trésor Américain qui n’a toujours pas validé l’accord.

L’accord doit être appliqué « dans sa totalité »

« Pour que l’accord avec Airbus soit finalisé, nous n’avons pas d’autres choix que de conclure un accord avec Boeing, et c’est ce que nous avons fait. Finalement c’est gagnant-gagnant pour tout le monde. […] On peut acheter à la fois des avions de ligne à Airbus et à Boeing car pendant des années, notre industrie aéronautique a été privée d’avions » lui a répondu (diplomatiquement) le Ministre.

L’instrumentalisation des droits de l’Homme

Autre type de réponse diplomatique, celle répondant aux interrogations appuyées de plusieurs sénateurs sur les droits de l’Homme. « Les relations économiques ont de l’importance, mais la défense des droits de l’Homme nous paraît capitale » lance Alain Néri demandant à être rassuré sur ce point. « Tous les pays, sans exception, peuvent améliorer la situation des droits de l’Homme. Nous sommes prêts au dialogue pour arriver à des solutions explique Mohammad Javad Zarif, mais nous sommes contre l’instrumentalisation des droits de l’Homme ». Quant aux exécutions capitales en Iran, le Ministre en rejette la faute sur le trafic de drogue - 85 à 90 % des stupéfiants interceptés dans le monde le sont en Iran assure le Ministre. « Si nous arrivons à bloquer ce flux de drogues qui va vers l’Occident et l’entrée sur notre territoire, alors 85 % des exécutions capitales en Iran disparaîtront automatiquement ». Argument imparable.

Un Parlement iranien « modéré et équilibré »

Sur les élections législatives iraniennes qui ont permis, selon lui, d’élire un « Parlement modéré » et « équilibré », le Ministre s’est fait subtil pour répondre à la question du soutien ou pas que les parlementaires pourraient apporter aux réformes lancées par le président Rohani. « Il n’est jamais possible de prévoir la position du Parlement sur tel ou tel point », les coalitions pouvant changer sans préavis. « La malléabilité, la capacité de mouvement sont une caractéristique du système politique iranien […] Donc sur la question de savoir si la composition actuelle du Parlement est favorable à l’accomplissement des réformes la réponse est : tout dépend des circonstances, et des constatations sur ces circonstances que peuvent effectuer les parlementaires iraniens ». En clair : nul ne le sait.

En Syrie, « la solution militaire n’aboutira jamais à rien »

Enfin, sur les crises régionales en générale et syrienne en particulier, Mohammad Javad Zarif a réaffirmé la position iranienne sur le sujet qui privilégie la solution politique à la solution militaire, solution qui verrait « l’un totalement gagnant et l’autre totalement perdant ». « Une telle façon de faire n’aboutira jamais à rien. Rechercher une solution politique c’est au contraire chercher les moyens et les méthodes pour que tout le monde soit gagnant. Nous sommes tous obligés de trouver une solution politique’en Syrie ». Et Bachar el-Assad ? Sans jamais le citer, la réponse fuse : « Si l’on s’interroge sur le rôle et l’avenir d’une seule personne, on ne peut pas trouver de solution ». Pour le Ministre, que ce soit au Yémen, à Bahreïn, au Liban, la solution pour résoudre les crises ne peut donc être que politique, « L’Iran est prêt à travailler avec la France, qui a un passé dans la région et qui est capable d’une compréhension fine des problèmes régionaux. Nous pensons que les questions libanaise, yéménite, de Bahreïn, doivent être résolues par les peuples eux-mêmes. Les pays étrangers peuvent aider à trouver une solution, mais ne peuvent pas la leur dicter, sinon il y aura une résistance de ces peuples, comme cela a été le cas au Liban » conclut-il sur le sujet. 

 

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