Les algues vertes en métropole et les sargasses en Outre-mer sont devenues au fil du temps un vrai souci. Leur prolifération inquiète et suscite nombre de réflexions. Selon les données, ce sont entre 20 à 50 000 tonnes d’algues vertes qui sont ramassées chaque année sur les côtes françaises et entre 30 000 à 50 000 tonnes en Guadeloupe et Martinique. Que faire de ces algues ? Comme le rappelle avec justesse Mickaël Cosson, « valoriser des algues, ce n’est pas sale, ce n’est pas incompatible avec le fait de travailler en amont sur les causes de la prolifération. Or, on a beaucoup travaillé sur l’amont et beaucoup moins sur l’aval » souligne l’ancien maire d’Hillion, une commune particulièrement touchée par les algues vertes. Parler de valorisation « ne veut en aucun cas dire que nous nous désintéressons du fait qu’il faille réduire les incidences néfastes de l’agriculture intensive » enchérit Olivier Serva. L’un comme l’autre ont dû faire face aux critiques d’associations écologistes leur reprochant de ne pas s’attaquer aux causes profondes de cette marée verte. « J’ai l’impression que certains sont enfermés dans un dogme. Quand on leur parle valorisation, ils nous répondent pollution et agriculture intensive. Mais on ne parle pas de la même chose » s’agace le député de Guadeloupe. « Evidemment d’accord pour réduire la pollution mais d’accord aussi pour ne pas passer à côté d’un marché énorme » ajoute Olivier Serva qui précise qu’« il y a un potentiel incroyable qui va doubler en cinq ans ». Or, la production est « assurée à 99,5 % par l’Asie ». Avec 70 000 tonnes d’algues valorisées par an, la France ne représente que « 0,25 % du marché ». « Deuxième zone économique exclusive avec les Outre-mer, on pourrait faire bien plus, sans compter que nos algues sont reconnues de qualité » juge Olivier Serva, « on ne peut pas passer à côté, sinon, ça se fera sans nous ».
Pour les deux rapporteurs, la valorisation des algues a à la fois un intérêt économique indéniable – En France le marché représente 5 Mdse par an avec des prévisions de doublement d’ici à dix ans - mais aussi écologique et sanitaire : en évitant l’échouage, on échappe à la décomposition rapide des algues et aux gaz nocifs mais on limite aussi le ramassage souvent complexe (difficultés d’approche de certaines zones, emport de sable et va-et-vient de camions…).
Quelles sont aujourd’hui les pistes de valorisation ? On utilise déjà des algues dans l’alimentation humaine « on a mangé des crèmes aux algues délicieuses » s’amusent les parlementaires -, dans l’alimentation animale, comme fertilisant et dans le traitement des sols mais aussi dans la cosmétique et la pharmaceutique. Ce « sont des marchés à maturité, qui ne demandent qu’à se développer » insistent les rapporteurs. D’autres pistes où « la recherche n’est pas toujours aboutie et la rentabilité économique reste à prouver » sont encore à explorer comme les biocarburants. La construction est aussi un secteur prometteur assurent les députés : « Les éléments minéraux d’une algue peuvent en effet se combiner avec d’autres matériaux, comme l’argile, pour obtenir une matière composite. Le Mexique fabrique déjà des briques à base de sargasses, mais la question de la dépollution lors de leur transformation se pose ». C’est effectivement une des interrogations soulevée par les élus notamment avec les sargasses qui se gorgent en mer de nombreuses toxines comme « l’arsenic et le chlordécone ». Or « nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que les différentes méthodologies permettent de dégrader l’arsenic » reconnaissent les rapporteurs. Enfin, si l’on récolte les algues en mer avec l’aide des pécheurs « car cela leur apporte un complément de revenu », il faut encore pouvoir disposer d’une flotte de bateaux et « d’un point de débarquement, puis de transfert vers un lieu de conditionnement avant traitement ».
Reste que pour les parlementaires, leur mission « à plusieurs étages » avait pour ambition « d’interpeller d’abord les ministères pour qu’ils lèvent les freins » et ensuite de « solliciter les fonds européens pour que des entreprises puissent se développer non pas ailleurs mais bien sur notre territoire ». Selon eux, le ministère de la Transition écologique semble avoir entendu le message. ■