Eviter la déstabilisation de l’expression démocratique. La proposition de loi « relative au vote par correspondance des personnes détenues » portée par la sénatrice (LR) Laure Darcos et votée le 20 mars dernier a été adoptée le 4 juin par les députés. Elle vise à assurer la libre expression démocratique des détenus sans pour autant leur permettre de bouleverser une élection locale alors même qu’ils n’ont aucun lien avec la commune.
Rappelons que les détenus peuvent exercer leur droit de vote pour autant qu’ils n’aient pas été déchus de leurs droits civiques. 57 000 détenus disposent actuellement du droit de vote.
Pour faciliter le droit de vote des détenus et participer ainsi à leur réinsertion, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique leur a donné la possibilité de voter par correspondance. Jusque-là, les détenus pouvaient voter soit par procuration mais avec des difficultés liées à l’isolement et aux questions administratives, soit après avoir obtenu une permission de sortie, rarement accordée. Aussi, avant 2019, le taux de participation, très faible avoisinait les 2 %. Par vote par correspondance, il faut comprendre que la prison organise un vote par urne en son sein. Une fois scellée, elle est remise au bureau de vote communal auquel la prison est rattachée. La loi place d’autorité ce bureau dans la commune chef-lieu du département où se trouve la prison. Or, lorsque plusieurs établissements pénitentiaires sont dans le même département, cet afflux de votes d’électeurs n’ayant le plus souvent aucune attache avec la commune peut bousculer un scrutin local. Le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs bien souligné dans son avis consultatif trouvant que ce principe conduisait « à rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, ce qui méconnaît la tradition de notre droit électoral ». Citant l’exemple des six communes chefs-lieux de département, où le nombre d’électeurs en prison pouvant être inscrits dépassera les 5 % des inscrits : Tulle, Bar-le-Duc, Arras, Melun, Évry-Courcouronnes et Basse-Terre, le Conseil d’État a estimé que cela pourrait avoir un impact non négligeable sur le corps électoral des communes concernées et le résultat final des élections.
La version initiale de la proposition de loi de Laure Darcos actait le fait que le détenu ne pouvait plus s’inscrire dans la commune chef-lieu de département de la prison mais pouvait s’inscrire sur les listes électorales de sa commune de résidence avant son incarcération ou sur celle d’un membre de sa famille (ascendant ou descendant). Mais le Sénat a choisi de modifier le texte en distinguant les élections nationales et locales. Pour les scrutins locaux, le Sénat revenait au vote par procuration (avec l’ajout de la commune de résidence de leurs descendants pour l’inscription sur les listes électorales) et à l’autorisation de sortie. A l’Assemblée, nouvelle modification et adoption d’un article unique de La France insoumise instaurant « un véritable bureau de vote physique » dans chaque prison. Un autre amendement écologiste, adopté en commission, étendait « à toutes les personnes détenues » le droit à la permission de sortie pour aller voter, « quelle que soit leur situation pénale, sauf en cas de risque de trouble grave à l’ordre public ». Mais en séance, les députés sont revenus prudemment au texte sénatorial : vote par correspondance avec centralisation des votes dans la commune chef-lieu du département pour les scrutins nationaux (présidentielle, européennes et référendum) et pour les autres scrutins, les détenus ne pourront voter que par procuration ou avec une autorisation de sortie. La proposition de loi réserve la possibilité d’inscription des détenues sur les listes électorales de leur commune de domiciliation de leurs ascendants ou descendants.
Au final, la version « conforme » du texte (version identique entre les deux chambres) lui permet d’être adopté définitivement. Après promulgation, il entrera en vigueur pour les prochaines élections municipales. « Les élections municipales sont un moment fort de notre vie démocratique. Ce système permet de concilier la préservation de la sincérité du scrutin, laquelle est fondamentale, et l’exercice par les détenus de leur droit de vote », s’est félicité François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. ■
57 000 détenus disposent actuellement du droit de vote.