Votée d’abord à l’unanimité en première lecture par les députés le 11 mars dernier, la proposition de loi transpartisane portée par Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) et plusieurs de ses collègues a été également adoptée à l’unanimité par le sénat le 5 mai après modification. Le gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ce texte le 10 mars 2025.
Très attendu par la profession, ce texte « doit permettre de concrétiser dans la loi la refonte du métier des quelque 640 000 infirmiers et infirmières » rappelait en séance à l’assemblée le ministre de la Santé Yannick Neuder. Il s’agit de « projeter le métier dans une nouvelle modernité » insistait-il. Alors que l’on demande toujours plus aux infirmiers en actes médicaux (vaccination, réalisation de certificats de décès, suivi de malades chroniques pour les infirmières en pratique avancée…), souvent pour pallier au manque de médecins, « il est temps de faire confiance à ces professionnels de santé et de leur dire haut et fort qu’ils sont essentiels dans la prise en charge des Français » ajoutait pour sa part le président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons).
Le texte redéfinit les missions des infirmiers qui étaient jusque-là encadrées par un décret de 2004, « rarement réactualisé ». Le métier se déclinera désormais autour de cinq « missions socles » : la réalisation de soins infirmiers « curatifs, palliatifs, relationnels et destinés à la surveillance clinique » ; le suivi du parcours de santé des patients et leur « orientation » ; « la prévention », incluant dépistage et éducation thérapeutique ; « la participation à la formation » des pairs ; et la recherche. Il est également proposé aux infirmiers en pratique avancée (IPA) d’investir de nouveaux champs de compétences comme les services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire et d’aide sociale à l’enfance.
Le texte introduit par ailleurs la notion de « consultation infirmière » et de « diagnostic infirmier » permettant aux infirmiers de prescrire certains produits dont la liste sera définie par arrêté et mise à jour tous les trois ans. Une mesure décriée par les syndicats de médecins qui contestent l’utilisation de termes d’habitude réservés aux médecins. Lors de la discussion à l’assemblée, Cyrille Isaac-Sibille (Les Démocrates) a bien tenté de revenir sur l’emploi des mots en demandant via un amendement de remplacer « diagnostic » par « expertise infirmière » mais sans succès. « Poser un diagnostic, c’est un art difficile qui nécessite une connaissance longue » et « nommer une pathologie relève de l’exercice médical » a-t-il tenté de faire comprendre à ses collègues. « Il n’est pas question d’ouvrir un front avec les médecins ou avec les autres professions paramédicales » a alors souligné Yannick Neuder parlant plutôt de « coopération » et de « complémentarité ». Les sénateurs ont alors, dans leur sagesse, précisé par amendement que les infirmiers exercent leur activité « en coordination » avec les autres professionnels de santé.
Les sénateurs ont aussi tenu à ajouter dans le texte la reconnaissance d’autres statuts comme celui d’infirmier coordonnateur en Ehpad et d’infirmiers de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, reconnus comme dotés d’une « spécialité infirmière autonome ».
A l’assemblée comme au sénat, à droite comme à gauche, plusieurs voix se sont faites entendre sur la question de la revalorisation des rémunérations. « Il n’y a rien concernant les rémunérations, la prise en compte dans les retraites, les conditions de travail, donc elle reste à compléter. Travailler plus sans gagner plus, ce n’est pas forcément ce que les infirmières souhaitent » a notamment lancé le député écologiste Hendrik Davi. « Notre vote favorable n’est en rien une approbation des risques qui s’ajoutent à un système de santé qui se dégrade » a pour sa part indiqué Christophe Bentz (RN) jugeant la « reconnaissance » des infirmiers « pas encore à la hauteur ».
A l’issue du vote, le ministre s’est félicité de l’adoption de ce texte qui donnera, selon lui « un nouveau cap » et « de nouvelles perspectives » à tous les infirmiers de France. Il a par ailleurs assuré que des négociations conventionnelles avec les organisations représentatives seraient ouvertes « avant l’été pour traduire, notamment dans les rémunérations, les avancées de cette loi ». ■
Au 1er mars 2025, 565 553 infirmiers étaient inscrits au tableau de l’Ordre (dont 145 000 libéraux). 87 % sont des femmes. 6 338 sont infirmiers de bloc opératoire, 7 479 infirmiers-anesthésistes, 14 462 infirmiers-puéricultrices, et 2 367 infirmiers de pratique avancée (IPA).