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Casinos en France : Les dés sont lancés

Après le Sénat en mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi permettant l’implantation de casinos dans les communes avec un patrimoine équestre.

L’Assemblée nationale a définitivement adopté la proposition de loi permettant l’implantation de casinos dans « des communes sur le territoire desquelles sont implantés, au 1er janvier 2023, le siège d’une société de courses hippiques ainsi que le site historique du Cadre noir, ou un haras national ». Ces communes devront toutefois avoir organisé « au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023 » pour pouvoir en bénéficier précise le texte qui vient changer une donne historique.

Jusque-là en France, il n’était en effet pas possible d’implanter et de développer une activité de jeux d’argent n’importe où. Le principe : celui de la prohibition avec toutefois des dérogations limitatives et encadrées. Les textes limitaient l’ouverture des casinos aux seules stations thermales, balnéaires ou climatiques, ainsi qu’aux villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles spécifiques, avec une particularité pour la ville de Paris puisqu’il est interdit d’y exploiter un casino à moins de 100 kilomètres, exception faite pour la commune d’Enghien-les-Bains.

Avec ce texte, près d’une douzaine de communes pourront désormais prétendre à l’ouverture d’un casino : Saumur (Maine-et-Loire) et Arnac-Pompadour (Corrèze), mais aussi Saint-Lô, Lamballe, le Pin, Hennebont... Le texte autorise également l’ouverture d’un casino par département frontalier, dans une ville classée commune touristique, membre d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants et actuellement dépourvue de casinos. Sedan (Ardennes) et Nancy (Lorraine) sont sur les rangs.

Pour ces communes l’enjeu est clairement financier. Une fois les critères légaux permettant l’implantation d’un casino satisfaits, et après accord du conseil municipal, la commune pourra compter sur le prélèvement de plusieurs redevances opérées sur le produit brut des jeux des casinos qu’elles accueillent. La commune percevra d’une part un revenu fiscal direct représentant jusqu’à 15 % du PBJ (1), « ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public ». Elle percevra d’autre part, un reversement de 10 % du prélèvement opéré par l’Etat sur le PBJ. Pour ces communes, l’ouverture d’un casino est également source importante d’emplois. Incontestablement, elle contribue au développement économique, touristique et culturel du territoire, participant à son attractivité. « Les casinos sont souvent parmi les premiers contributeurs du budget des communes qui les accueillent » expliquaient en mai dernier les sénateurs LR Catherine Deroche, Stéphane Piednoir et Claude Nougein, à l’initiative de cette proposition de loi. En 2021, la Cour des comptes soulignait que dans certains cas cette « rente de situation » - pouvait être « déterminante pour le budget communal ». Auditionnée par les sénateurs, la mairie de Saumur mise sur la venue de 1,5 à 1,6 million de touristes par an d’ici 2026 (contre 1,3 million actuellement). Elle table également sur la création de 100 emplois directs ou 50 indirects – « soit 0,6 point de chômage en moins pour Saumur » précise son maire Jackie Goulet -, et des recettes fiscales annuelles de l’ordre de 1 à 1,5 million d’euros. Quant aux casinotiers, ils restent prudents tout en se réjouissant de cette opportunité qui leur met un peu de baume au cœur après la période covid difficile et la concurrence des jeux en ligne.

En face, les associations de lutte contre les addictions sont pour leur part inquiètes. « Plus on offre la possibilité de jouer, plus on augmente le nombre de joueurs problématiques » soupirait en mai dernier Bernard Basset, président de France Addictions, interrogé par le Figaro. « Le texte met en avant une exception pour les centres équestres, mais c’est toujours comme ça qu’on procède pour détricoter une loi... On trouvera toujours des exceptions, c’est une spirale sans fin visant à déréglementer l’ouverture des casinos » s’alarmait-il.

La proposition de loi a été adoptée par 145 voix pour et 48 contre. Ecologistes et LFI ont notamment voté contre, rappelant que la France concentre déjà 40 % des casinos de l’UE. Sans s’y opposer, le gouvernement a émis un « avis de sagesse »


1. Le produit brut des jeux (PBJ) se définit comme la différence entre le montant des mises initiales des joueurs et les gains versés par le casino sur leurs différents jeux. Ce montant représente à la fois ce qui reste aux opérateurs après redistribution des gains et la somme que les joueurs ont effectivement dépensé, c’est-à-dire perdue. En d’autres termes, il s’agit du chiffre d’affaires du casino.

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