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Application des lois : Bien mais peut mieux faire

Comme chaque année, le Sénat dresse un bilan de l’application des lois. Le taux global d’application des lois est en progrès mais il est très variable selon le périmètre retenu et l’origine des textes.

“Entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, 64 lois ont été adoptées ; 18 étaient d’application directe, et 46 nécessitaient 649 mesures d’application. Le taux global s’améliore, avec 65 % d’application contre 57 % l’an dernier. Le délai de parution passe sous la limite de six mois fixée par la circulaire de février 2008, réaffirmée par celle de 2022 : 5 mois et 20 jours, contre 6 mois et 9 jours l’an dernier. Enfin, le taux de remise des rapports au Parlement passe de 21 % à 36 %”. En séance publique, la vice-présidente du Sénat Pascale Gruny, présidente de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances présentait ce 31 mai le bilan annuel de l’application des lois.

Si ce bilan est « en amélioration » reconnaît la sénatrice, il cache toutefois « de grandes disparités ». Et comme elle l’a même dit en séance, « le diable se cache dans les détails ». Le taux global d’application des lois « enraye » certes sa baisse - 65 % contre 57 % pour 2020-2021 – « cette amélioration reste cependant relative », le taux global d’application des lois pour 2020-2021 « est de plus de 10 points inférieurs au niveau de la session 2017-2018 (65 % contre 78 %) ».

Le rapport pointe surtout de « grandes disparités » : le taux d’application de la loi 3DS n’était par exemple que de 52 % en mars 2023, plus d’un an après sa promulgation, avec 42 mesures manquantes sur les 90 mesures d’application prévues. Autre exemple, celui de la loi sur la protection de l’enfance du 7 février 2022 : plus d’un an après sa promulgation, le taux d’application n’est que de 37 %.

Un brin agacée, la vice-présidente du Sénat note également que les lois d’origine parlementaire ont un taux d’application « bien plus faible », de 56 % contre 65 % toutes lois confondues, « alors qu’elles contiennent moins de mesures réglementaires ». « Ainsi, la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France du 15 novembre 2021 n’était appliquée qu’à 33 %, alors qu’elle ne nécessitait que six mesures » déplore l’élue. « Ce faible taux de 33 % apparaît particulièrement insatisfaisant dans le contexte actuel qui impose des efforts accrus pour faire face à la crise climatique » insiste-t-elle. Présent lors de ce débat, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement Franck Riester a tenu à lui répondre. « L’écart entre projets et propositions de loi s’explique par une moindre anticipation des textes d’origine parlementaire a-t-il justifié. N’y voyez pas un signe de mauvaise volonté ! J’ai demandé aux directeurs de cabinet de tous les ministres de réduire cet écart ».

Pascale Gruny a aussi souhaité attirer l’attention de ses collègues sur l’application des mesures issues d’amendements sénatoriaux. « Alors que le Sénat est raisonnable dans ses propositions pour ne pas augmenter l’inflation législative, ces mesures ne sont appliquées qu’à 57 %, contre 67 % pour les amendements du Gouvernement et 70 % pour ceux de l’Assemblée nationale - qui certes émanent souvent du Gouvernement. Cela pose la question du respect de la volonté du législateur, lorsqu’il siège au Palais du Luxembourg » a-t-elle alors déclaré dans l’hémicycle. Et d’ajouter : « Aucune des 21 demandes de rapport émises par le Sénat n’a été suivie d’effet, alors que les commissions se montrent parcimonieuses : la réserve sénatoriale n’est pas récompensée ! »

La sénatrice a souhaité mettre l’accent sur une généralisation de la procédure accélérée qu’elle regrette et juge en contradiction avec le temps de mise en application de la loi. « Le Gouvernement recourt toujours massivement à la procédure accélérée, pour 45 des 62 lois adoptées. Pourtant, le délai moyen de publication des textes d’application n’en est pas accéléré - 6 mois et 8 jours, contre 5 mois et 20 jours toutes lois confondues. Le Gouvernement ne s’astreint donc pas à sa propre célérité » a-t-elle lancé. « L’engagement de la procédure accélérée vise surtout à obtenir une CMP dès la fin de la première lecture. Le Gouvernement s’efforce de limiter l’impact, modéré, sur les délais d’examen » a précisé le ministre délégué. Une réponse qui n’a pas eu l’air de satisfaire le sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche : « Le nombre de recours à la procédure accélérée est toujours aussi élevé : l’exceptionnel est devenu la norme. Pourtant, les lois adoptées selon cette procédure ne sont pas celles qui sont appliquées le plus rapidement - en moyenne, c’est même le contraire. Benoîtement, je demande donc : puisque ces textes ne répondent pas à une situation d’urgence, pourquoi utiliser la procédure accélérée avec aussi peu de discernement ? Serait-ce pour réduire le temps de débat au Sénat ? » a-t-il ironisé. 


65 % - Taux global d’application des lois

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