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Airbnb : une proposition de loi renvoyée

Une proposition de loi transpartisane sur la régulation en zone touristique des locations courte durée portée par Annaïg le Meur (RE, Bretagne) et Iñaki Echaniz (Soc., Pyrénées-Atlantiques) a été déprogrammée de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

La proposition de loi devait être débattue en commission le 31 mai et discutée en séance le 12 juin. Le 25 mai dernier en conférence des présidents, elle a finalement été reportée sine die suite à l’action de la « majorité relative » ou « quand le lobbying de certains et les caprices d’autres priment sur l’intérêt général… » s’agace le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz, co-rapporteur d’un texte visant à réguler en zone touristique des locations courte durée.

Hausse significative et régulière des loyers, manque criant de logements disponibles dans les communes les plus attractives, et depuis plusieurs années, l’essor des meublés de tourisme dans les zones plus particulièrement touristiques, comme les zones de montagne ou littorales, les co-rapporteurs ont fait le constat, avec d’autres, que les Français avaient de plus en plus de mal à se loger à l’année à proximité de leur emploi, les obligeant à « s’éloigner des cœurs de ville pour vivre en périphérie de leurs zones d’activité ou de leurs attaches familiales » créant un sentiment de déclassement « pour les ménages les plus pauvres ».

Longtemps, la France, première destination touristique mondiale, a eu du mal à répondre aux demandes mais avec l’essor de plateformes de mise en location de logements touristiques, la donne s’est inversée. Au point même que cela est venu perturber le marché de la location. « En France, on estime le nombre de logements mis en location touristique de courte durée à 800 000 pour l’année 2021, contre 300 000 pour 2016 » indiquent les élus qui poursuivent : « Entre 2008 et 2018, la part relative des résidences principales au sein de l’ensemble du parc a diminué dans certaines zones touristiques, comme la Bretagne, le littoral méditerranéen, la Corse et dans une moindre mesure en montagne ». « Ce phénomène va parfois jusqu’à modifier la physionomie de certaines communes » s’inquiètent-ils : en juin 2021, 30 % des logements du centre-ville ancien de Saint-Malo avaient été placés sur le marché de la location touristique de longue durée. Pour les co-rapporteurs, « sans réglementation, l’essor de ce type d’offre peut avoir pour effet collatéral la raréfaction de l’offre de logements en location de moyenne ou de longue durée et l’augmentation des coûts moyens du loyer ».

Plusieurs villes ont cherché la parade pour lutter contre cette situation. A Saint-Malo, la municipalité a mis en place un système de quotas par quartier. Le Grand Annecy va bientôt mettre en place le même système de seuils. Ailleurs, comme à Paris, Bayonne, Bordeaux ou Marseille, nul ne peut louer sans avoir obtenu une autorisation de changement d’usage (de logement à local commercial). Pour les bailleurs, il est aussi parfois demandé un numéro d’enregistrement permettant de contrôler le respect du nombre de nuitées autorisées (120 jours maximum pour la résidence principale). Tout est fait pour tenter d’endiguer un phénomène qui en agace plus d’un, riverains comme hôteliers. Mais visiblement pas assez aux yeux des deux députés. Dans leur texte, ils souhaitaient doter les élus de compétences élargies pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique et leur permettre de garder un œil sur les changements d’usage d’un local. La mesure visait tout particulièrement les villes de moins de 200 000 habitants dans les zones tendues jusque-là pas concernées (art. 2). La proposition de loi entendait soumettre la mise en location d’un meublé de tourisme à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique (DPE), « ce qui entraîne sa subordination aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements ». « Le conseil municipal pourra dès lors soumettre la mise en location des meublés de tourisme à un régime d’autorisation préalable fondé sur la présentation d’un DPE. Dans le cas où un tel régime ne serait pas mis en place, le maire pourra toujours mettre en demeure un bailleur de lui transmettre un diagnostic de performance énergétique attestant de la performance du meublé, et sanctionner les manquements d’une amende administrative » précisait Annaïg le Meur. Enfin, le texte souhaitait frapper au portefeuille des bailleurs en réorganisant la fiscalité des logements meublés en faisant passer de 71 % à 50 % l’abattement pour les meublés touristiques.

« En cette période d’inflation, Airbnb permet aux familles françaises de louer leur logement - généralement leur plus grande dépense - pour générer un complément de revenus, ce qui les aide bien souvent à payer leurs charges et à faire face à l’augmentation du coût de la vie » avait réagi la plateforme américaine à l’annonce du dépôt de la proposition de loi. Le texte n’avait évidemment pas fait plaisir aux bailleurs qui en louant leurs biens peuvent arrondir - et même plus que ça - leurs fins de mois. Les communes, lorsqu’elles ne sont pas dépassées, profitent également de la manne touristique en touchant une taxe de séjour.

« Nous ne voulons pas interdire Airbnb, ni le tourisme. Nous voulons simplement que les gens puissent habiter là où ils travaillent » a toutefois tenu à rappeler Iñaki Echaniz qui espère bien représenter la proposition de loi en octobre prochain avec la loi de finances 2024. 

« Ce qui m’interroge aujourd’hui c’est que nous gardions une fiscalité favorable pour le Airbnb ». Le 9 juin dernier sur BFMTV, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire a admis que la réforme de la fiscalité pour les Airbnb était une « question de justice ». Il s’est dit ouvert à « une réforme de la fiscalité » pour que celle-ci « soit équivalente à celle d’autres logements ». « À partir du moment où il y a des effets d’aubaine qui sont trop importants et une fiscalité qui est trop favorable, il n’y a pas de raison de garder cette fiscalité qui conduit à des excès » a déclaré le ministre qui a annoncé qu’il ferait prochainement des propositions à la première ministre et au président de la République.

800 000 - le nombre de logements mis en location touristique de courte durée pour l’année 2021 contre 300 000 en 2016.

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“Il est indispensable que le gouvernement et la majorité relative se saisissent du sujet du logement, pour freiner la crise, notamment celle qui touche nos territoires touristiques” - Entretien avec Iñaki Echaniz, Député des Pyrénées-Atlantiques

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