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Loi immigration : un pas en avant, deux pas en arrière, trois pas sur le côté

Après avoir renoncé à présenter avant l’été son projet de loi Immigration, « faute de majorité » et « pour ne pas diviser le pays », l’exécutif a finalement déclaré vouloir reprendre ses consultations. La suite au prochain épisode.

Décidemment, la loi immigration n’aura été qu’une suite de revirements et de renoncements. Texte présenté comme majeur pour le quinquennat, il a d’abord été une première fois repoussé après l’épisode calamiteux du vote de la réforme des retraites avant d’être reproposé « saucissonné » en « plusieurs textes », selon la volonté du président de la République. Finalement, nouveau virage mi-avril, le projet de loi revient en version « un seul texte ». Mais attention, ce n’est pas fini. Lors de la présentation de sa « feuille de route », Elisabeth Borne annonce finalement son report. Emmanuel Macron tenait pourtant à son texte, les ministres Darmanin et Dussopt aussi. « Si les textes immigration et travail ne passent pas en première lecture avant l’été à l’Assemblée nationale, ils ne passeront jamais » estimait le chef de l’Etat le 17 avril. Des propos qui résonnent différemment aujourd’hui avec ce nouveau virage à 180° du gouvernement qui a annoncé vouloir reprendre les concertations pour présenter un texte d’ici l’été.

Avant cet énième revirement, faute de majorité et « pour ne pas diviser le pays », le projet de loi immigration avait été repoussé à l’automne. « Aujourd’hui, il n’existe pas de majorité pour voter un tel texte, comme j’ai pu le vérifier [… ] en m’entretenant avec les responsables des Républicains » confessait il y a encore peu la première ministre. « Ils doivent encore dégager une ligne commune entre le Sénat et l’Assemblée [...] autour d’un texte nécessairement équilibré [… ] Aujourd’hui, ils n’y sont manifestement pas » avait alors pointé Elisabeth Borne, désignant les LR comme les seuls responsables de cette reculade. Dans le même temps, elle assurait vouloir « continuer les échanges pour trouver un chemin autour du projet de loi ». L’objectif était alors de présenter un texte de compromis à l’automne. La reculade et la mise en accusation des LR n’avait pas plu aux principaux intéressés. « L’excuse avancée - il n’y a pas de majorité ! - est un terrible aveu d’impuissance, et même de résignation à cette impuissance, ce qui me paraît très grave. Avec ce raisonnement, le gouvernement aurait dû retirer aussi la réforme des retraites le mois dernier, puisqu’elle n’avait pas non plus de majorité à l’Assemblée nationale » dénonçait Philippe Bas, le questeur LR du Sénat.

Finalement, à l’issue d’une réunion mardi 9 mai, Elisabeth Borne a donné un mois au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin « pour proposer une stratégie permettant de faire adopter des mesures efficaces et pouvant rassembler la majorité présidentielle ». Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran a tenu à préciser qu’il n’y avait pas de « revirement » du gouvernement, juste « une précision sur la méthode et le timing ». « Il y a la recherche de consensus, la recherche de voies de passage, d’accords avec les groupes de la majorité et d’opposition » a-t-il ajouté tout sourire.

Si ce nouveau calendrier est respecté avec une présentation en conseil des ministres en juillet, le projet de loi ne sera pas examiné avant la rentrée.

Alors que l’on parlait encore de report, à droite, les initiatives s’enchaînaient, obligeant sans nul doute le gouvernement à trouver la parade. Les LR se sont accordés sur deux propositions de loi. Une première proposition de loi ordinaire devrait revoir l’attractivité sociale de la France et une seconde loi constitutionnelle visant à renforcer la souveraineté de la France en matière migratoire. « Nous devons retrouver une souveraineté nationale absolue déclarait Eric Ciotti, le président des Républicains. Aucun traité ne doit être supérieur à la Constitution française pour décider de qui nous devons accueillir ou pas. C’est au peuple français de décider quelle politique il souhaite ». « Face au chaos migratoire actuel, nos textes proposeront de reprendre le contrôle de la situation » a complété le patron des sénateurs LR, le Vendéens Bruno Retailleau.

De leur côté, dénonçant le report comme « une démission politique majeure », les députés LR Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont proposaient dans le JDD du 7 mai de lancer un référendum d’initiative partagée sur le sujet de l’immigration. 

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