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Comment financer “l’économie de guerre” ?

Le rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission défense, Christophe Plassard (Horizons et apparentés, Charente-Maritime) préconise la mobilisation de l’épargne des Français pour financer l’économie de guerre voulue par le Chef de l’Etat.

Partant du constat qui a déjà été fait et qui reste d’actualité que « les entreprises de la BITD (1) ont du mal à se financer », le député Horizon Christophe Plassard énumère dans son rapport (2) plusieurs propositions pour faciliter l’accès à l’investissement de ces entreprises qui se trouvent souvent confrontées à « une fermeture des robinets » dès lors qu’elles affichent leur présence dans le secteur de la défense. « On ne met pas de kaki dans nos plaquettes » a raconté en audition une entreprise du secteur préférant mettre en avant son activité civile. Alors même que l’économie de guerre exige de « produire plus et plus vite », « le manque d’accès des petites entreprises aux financements privés demeure un obstacle majeur » à leur développement insiste le rapporteur spécial.

Christophe Plassard s’est alors demandé pourquoi les banques et institutions financières étaient aussi « réticentes à financer l’industrie de défense ». « Il faut bien voir les pressions qu’elle subissent » reconnaît le rapporteur spécial qui pointe notamment les ONG qui au-delà de la volonté louable de transparence peuvent aussi être le faux nez d’intérêts souhaitant que « notre BITD ne se développe pas trop et pas trop vite ». « N’oublions pas que nous sommes là sur des sujets de souveraineté ».

Autre frein au financement : la peur de voir la « réputation entachée » par des investissements dans un secteur « considéré comme non éthique ». Les banques gérant un portefeuille d’actifs dont une part peut être des actifs de la défense « ne veulent pas mettre en danger le reste de leurs actifs » explique le député. « Elles le font souvent par excès de précaution pour éviter de s’exposer au name and shame » ajoute-t-il.

Pour trouver le moyen de remédier à la frilosité des banques et établissements bancaires, le rapporteur suggère avec insistance de « mobiliser l’épargne des Français ». « Nous sommes sur des enjeux de souveraineté, il faut faire appel à la fibre patriotique de nos compatriotes » s’enflamme l’élu de la nation, « alors que le volume d’épargne des Français n’a jamais été aussi haut, on pourrait très bien imaginer flécher cette épargne vers la BITD ».

Sans vouloir s’aventurer à faire de l’ingénierie financière dit-il, le rapporteur propose pourtant plusieurs pistes comme la création d’un produit de type livret A ou un plan d’épargne réglementée orientés « souveraineté », « plus que défense d’ailleurs pour permettre une activité duale ». « On peut aussi créer des fonds spécialisés dans la défense et pourquoi pas un emprunt d’Etat » enchaîne-t-il.

Pour protéger l’épargne qui leur a été confiée, Christophe Plassard émet aussi l’idée de créer sous le contrôle de l’Etat, « un pool bancaire regroupant les grandes banques françaises, destiné au financement des petites entreprises de la BITD, et dont une partie des prêts seraient garantis par l’Etat ».

Fourmillant décidemment d’idées, le rapporteur spécial imagine encore d’identifier les entreprises de défense par « un label », ce qui permettrait de flécher l’épargne vers ces entreprises stratégiques. Il propose enfin que soit envisagé par Bercy une défiscalisation « pour inciter les entreprises à se doter de stocks de matières premières et de composants critiques et pour inciter les particuliers à investir dans les petites entreprises du secteur de la défense ».

« Je n’ai pas le sentiment aujourd’hui qu’on manque d’épargne ou de capitaux, la difficulté aujourd’hui c’est plutôt de faire en sorte que les banques soient moins exposées à la compliance, à la norme, à tout ce qui bloque l’investissement » conclut avec optimisme le rapporteur qui entend inscrire son rapport dans la discussion autour de la LPM. 


1. BITD : base industrielle et technologique de défense

2. « Mission flash » sur l’économie de guerre


Les principaux obstacles à l’économie de guerre
• Un besoin de visibilité des industriels
• Une accélération de la production limitée par des goulets d’étranglement
• Des chaînes de valeur dépendantes d’approvisionnements extérieurs
• Des cahiers des charges à alléger
• Des normes et des procédures à adapter
• Un manque de main d’oeuvre qualifiée
• Des difficultés d’accès aux financements privés qui entravent le développement de petites entreprises
© Mission Flash

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