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Energies renouvelables, le texte (enfin) adopté

Premier texte de la législature portant sur l’enjeu climatique, le projet de loi Energies renouvelables a été définitivement adopté par le Parlement. Non sans mal.

L’examen et le vote du projet de loi visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables ont été tout sauf un long fleuve tranquille. Après des semaines d’examen et de débats parfois houleux, le texte a finalement été adopté par l’Assemblée (31 janvier) et le Sénat (7 février) après un vote en commission mixte paritaire. A l’Assemblée le texte a été adopté par 217 voix contre 169, avec le soutien des socialistes et d’élus Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT). Une configuration identique au premier tour (286 voix pour et 238 contre). Les Ecologistes déçus de ne « pas avoir été associés » aux discussions lors de la CMP ont choisi la voix de l’abstention tandis que Communistes et LR votaient contre dénonçant un projet de loi « mal ficelé, idéologique et totalement décalé [… ] par rapport à la hauteur des enjeux » comme l’a exprimé le LR Jérôme Nury. « Sans vent sans soleil, ces sources ne fonctionnent pas » a tranché le député RN Nicolas Meizonnet dénonçant « un texte visant à accélérer la déconstruction du modèle énergétique français ». Au Sénat, le texte a été adopté par 300 voix « pour » et 13 « contre » (10 sénateurs LR et 3 centristes). La ministre de la Transition écologique s’est félicitée de cette adoption qui, a-t-elle déclaré vise à « lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets » alors que la France est « le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs » en matière d’éolien et de solaire. En CMP, des compromis ont dû être fait entre députés et sénateurs, notamment sur la question de la planification des zones d’accélération, là où implanter les énergies renouvelables et sur l’accord des autorités locales. « Les élus locaux proposent et ont le dernier mot sur le zonage » a réaffirmé la ministre. En face, Socialistes et ONG environnementales disent toutefois craindre un « veto » local.

Autre point d’achoppement, la définition de l’agrivoltaïsme, combinant agriculture et production d’énergie. Sur cette question, le gouvernement se veut rassurant, certain que son texte permet d’encadrer cette pratique tout en veillant à ne pas empiéter sur l’aspect souveraineté alimentaire.

L’opposition a été aussi particulièrement vive lorsqu’il a fallu évoquer les « nuisances » des éoliennes.

Débats animés qui ont aussi été victimes de la technique. On se souvient que le vote du 10 janvier dernier à l’Assemblée n’a pas été de tout repos. Au-delà de l’incertitude qui a régné sur le sort de ce texte tout au long de la soirée, l’hémicycle a dû faire face à un incident de vote électronique quasi inédit. C’est au moment du vote, qu’une panne du système de votation électronique est venue paralyser la séance. Il était alors impossible pour les services de l’Assemblée de comptabiliser correctement les députés votants, plus nombreux à vue d’œil que le nombre affiché sur les écrans. Trois tentatives de scrutin se sont succédées tant bien que mal pour aboutir à un vote de 260 voix pour et 213 contre… juste avant que plusieurs députés n’alertent la présidente sur le fait qu’ils n’avaient pas pu participer au vote. Contestation avant la proposition du député RN Emeric Salmon de procéder par un vote à bulletin secret… en papier. Trois heures durant, les services de l’Assemblée se sont affairés pour imprimer 577 bulletins nominatifs pendant que les députés s’impatientaient. Finalement, ouf de soulagement quand la présidente Yaël Braun-Pivet a pu lancer du perchoir à 21h30 : « Nous y sommes parvenus ! ». A l’annonce de ce résultat, Agnès Pannier-Runacher la ministre de la transition énergétique s’est alors réjouie de cette première étape se félicitant de la « construction inédite » qui s’est faite autour du projet de loi. « Nous pouvons collectivement être fiers de cet exercice de démocratie parlementaire. Ce texte est votre texte » a -t-elle lancé dans un hémicycle au trois quart vide et ce juste avant d’être prise d’une énorme quinte de toux. « On aura eu des rebondissements jusqu’au bout » a-t-elle conclu sous les rires.

Ce projet de loi est le premier texte du grand chantier énergétique du gouvernement. Il sera suivi au printemps d’un texte sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, voté au Sénat en janvier puis de la loi de programmation pluriannuelle sur l’énergie, fixant la part de chaque énergie (nucléaire, renouvelables) arrivera quant à elle au Parlement d’ici l’été. 


Saisine du Conseil constitutionnel
Le 9 février, les députés du Rassemblement national (RN) puis ceux des Républicains (LR), opposés au projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables ont saisi le Conseil constitutionnel deux jours après son adoption par le Parlement. Dénonçant avec force les nuisances des éoliennes, les élus RN estiment que la loi crée une « rupture d’égalité » entre les producteurs d’énergies renouvelables et les autres énergéticiens. Ils s’attaquent notamment au mécanisme de modulation tarifaire qui pourrait être mis en place pour soutenir des projets d’énergies renouvelables dans des zones moins favorables sur le plan météorologique (article 3 bis B). Est encore visé le « fonds de garantie destiné à compenser une partie des pertes financières qui résulteraient d’une annulation par le juge administratif d’une autorisation environnementale » (article 5 bis) et la reconnaissance de raisons impératives d’intérêt public majeur (RIIPM) pour certains projets renouvelables (article 4). Cette mesure destinée à limiter certains contentieux « constitue de facto et de jure un avantage injustifié déséquilibrant significativement les armes du procès au profit de l’opérateur énergétique ».
La saisine des députés LR pointe entre autre, la rupture d’égalité entre producteurs d’énergie ainsi qu’une « atteinte au droit à un procès équitable » avec l’article 4 sur la raison impérative d’intérêt public majeur mais aussi la violation de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel a un mois pour statuer.

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