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Tenues correctes exigées

Le Bureau de l’Assemblée s’est prononcé en faveur du port obligatoire de la veste pour les députés et encourage le port de la cravate.

Réuni le 9 novembre dernier, le Bureau de l’Assemblée nationale, la plus haute instance collégiale du Palais Bourbon s’est penché sur la question de la tenue vestimentaire des députés en séance. Déjà en juillet dernier, cette question avait fait l’objet d’une interpellation d’Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes) agacé par l’attitude de plusieurs de ses collègues. Le questeur de l’Assemblée s’était ému auprès de la présidente de l’Assemblée d’« une forme de relâchement vestimentaire et comportemental d’un nombre de plus en plus important de députés, notamment de LFI ». Il avait alors plaidé pour « une obligation du port de la cravate pour les hommes ». Ceci n’avait évidemment pas manque de susciter une réaction des députés de la Nupes. Directement visé, Louis Boyard, 22 ans, député Insoumis dont la tenue vestimentaire dans l’hémicycle laissait parfois à désirer aux yeux d’Eric Ciotti lui avait alors répondu en le parodiant dénonçant « une forme d’arrogance vestimentaire et comportementale d’un nombre de plus en plus important de députés en particulier chez LREM, LR et RN ». Mais cela n’a visiblement pas suffit et une forme d’abus a donc contraint le Bureau de l’Assemblée à intervenir afin « d’adopter des aménagements aux disposition figurant à l’article 9 de l’Instruction générale du Bureau ». Cet article 9 dispose notamment que « la tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l’hémicycle doit rester neutre et s’apparenter à une tenue de ville ».

Après avoir examiné ce qui pouvait se faire au sein de parlements étrangers, le collège des Questeurs a souhaité préciser la qualification des tenus admissibles. Est ainsi supprimé à l’article 9, la notion de « tenue de ville », terme un peu « suranné » au profit « d’une tenue en adéquation avec la solennité des lieux ». Il est également précisé que cette tenue doit à ce tire « rester convenable et non détendue ni, a fortiori, négligée ». Initialement recommandé, le caractère obligatoire a été adopté après un vote à la majorité des 22 membres du Bureau. « Le port de la veste est rendu obligatoire pour les hommes et le port d la cravate est recommandé » est-il désormais écrit, tout comme « le port du bermuda et du short est prohibé ». Ces consignes qui sont entrées en application le 14 novembre s’appliquent également aux personnes circulant dans le périmètre sacré quand l’Assemblée tient séance, aux personnels et aux collaborateurs, à l’exception des visiteurs.

A l’annonce de ce nouveau code vestimentaire, l’Insoumise Clémentine Autain s’est empressée de dénoncer le retour d’« police sexiste du vêtement » tandis que son collègue Damien Maudet ironisait sur Twiter : « Le bureau de l’Assemblée vient de voter le port de la veste obligatoire pour les députés. Incroyable sens des priorités. Heureusement qu’on n’a pas 10 millions de pauvres dans notre pays ».

Mais depuis longtemps si ce n’est toujours, la tenue vestimentaire a provoqué des remous comme le rappellent les journalistes Gaëtane Morin et Elizabeth Pineau dans leur livre « Le vestiaire des politiques » : « Au début des années 1980 par exemple, un certain laisser-aller est constaté au point de voir le Bureau de l’Assemblée nationale mentionner l’exigence d’une « tenue correcte », qui suppose le port d’une cravate et d’un veston ». La mise en garde est réitérée dans une note du 9 juillet 2008 rappelant le « port obligatoire de la cravate dans l’hémicycle » et la « nécessité jusque-là observée d’avoir en toutes circonstances une tenue respectueuse des lieux ». Le livre raconte encore l’anecdote du communiste Patrice Carvalho, « seul député d’origine ouvrière à l’Assemblée nationale », qui avait revêtu pour sa première journée au Palais Bourbon un bleu de chauffe. A l’entrée de l’hémicycle, un huissier s’interpose : « Monsieur le député, vous ne pouvez pas entrer ainsi ». L’élu ne se démonte pas, raconte les journalistes, argumente qu’il porte une veste, d’ouvrier certes, mais accompagnée d’une chemise et d’une cravate. « Je suis un élu du peuple et j’entends siéger dans cette tenue. Et hop, j’ai lancé mes cent kilos et ils n’ont rien empêché ».. On pense aussi, en 2017 à la chemise à fleurs, short et sandales du député polynésien Moetai Brotherson en 2017.

Rappelons pour finir que si l’habit ne fait pas le député, il y contribue toutefois. 

Page d'Histoire : Christophe Thivrier, le député en blouse
« Cette blouse, si vous me nommez, je jure de la conserver quand je serai député et de ne pas porter d’autre habit » : telle est la promesse que fait le candidat Thivrier à ses concitoyens de l’Allier, au scrutin de 1889. Démagogue mais honnête, il tiendra parole. Le jour de la rentrée parlementaire, se présente un drôle de bonhomme qu’on prend d’abord pour un livreur : face hirsute, manières brusques, et sur les épaules la blouse démocratique, la vieille biaude auvergnate des ouvriers et des bougnats. Il faudra toute la diplomatie de ses amis du groupe socialiste pour que le chef des huissiers laisse entrer ce prolétaire dans l’enceinte du Palais Bourbon.
« Eh bien quoi ? Mes électeurs ne veulent pas que je me déguise en monsieur. J’arrive ici dans mon costume des dimanches, ma belle blouse bleue par dessus mon paletot ».
Tout juste l’individu a-t-il accepté de quitter ses habituels sabots pour endurer des bottines, « mais je ne promets pas qu’elles seront à bout pointu et à talons larges », fait-il savoir.
Extraits de « La Chambre ardente. Utopistes et aventuriers du Palais-Bourbon » - Bruno Fuligni - CNRS Editions

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