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Quelle égalité des territoires ?

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a auditionné la Commissaire générale à l’égalité des territoires, Marie-Caroline Bonnet Galzy et Marc-Etienne Pinauldt, directeur du développement de la capacité des territoires. L’occasion d’évoquer les suites du comité interministériel sur les ruralités du 13 mars dernier.

 

Pas facile pour la Commissaire générale à l’égalité des territoires de se retrouver face à un auditoire de députés plutôt dubitatifs sur la réalité de ce « vocable encore nouveau dans l’organigramme du gouvernement » comme l’a opportunément rappelé Alain Calmette (SRC, Cantal). Et ce n’est pas les propos de la Commissaire générale, elle-même, « nous en savons pas tout à fait ce que cette notion recouvre » qui allait les rassurer. Quoi qu’il en soit, la Commissaire générale s’est empressée de rappeler le contexte de sa mission et son rôle. De création récente, le commissariat général à l’égalité des territoires, d’abord cheville ouvrière des comités interministériels « ruralités » et « égalité et citoyenneté » a ensuite été chargé par le Premier ministre de suivre et de coordonner les mesures qui en sont issues. Mais le chantier est grand reconnaît-elle : « Il faut faire en sorte que nos propositions ne restent pas au stade de la réflexion dans les ministères ».

“Sans couverture numérique, inutile de travailler sur la performance”

Si les thématiques du comité interministériel sur les ruralités ont touché trois axes : garantir à tous l’accès aux services publics, amplifier les capacités de développement des territoires ruraux et assurer la mise en réseau des territoires, devant les députés. Marc-Etienne Pinauldt a souhaité, lors de cette audition, mettre l’accent sur quatre secteurs principaux pouvant les intéresser au premier chef. « Sans couverture numérique, inutile de travailler sur la performance » a-til lancé sous des murmures d’approbation. Au-delà des travaux engagés sur la révision du cahier des charges de la Mission France Très Haut-Débit pour anticiper l’aboutissement de la couverture en très haut débit, prévue en 2022, Marc- Etienne Pinauldt insiste sur une première étape qui est d’avoir une couverture 2G sur l’ensemble du territoire et en 3G pour l’accès à Internet. Il rappelle alors que dès le 21 mai, deux mois seulement après le comité interministériel, un accord a été passé entre le ministre en charge du numérique, Emmanuel Macron, et les quatre opérateurs mobile nationaux. Un engagement qui consiste à couvrir l’ensemble des centres-bourgs et des communes qui n’ont pour le moment aucun service de téléphonie mobile avant la fin 2016 – soit 160 communes – et d’aller au -delà du plan de résorption des zones blanches en apportant, avant mai 2017, un service d’accès mobile internet, et donc la 3G, aux 2 200 communes qui ne sont pas couvertes. « Il est exact que s’il n’y a pas déjà une bonne couverture numérique, les dispositions sur la compétitivité et l’attractivité de ces territoires seront inopérantes. Une bonne couverture favorise, notamment, le télétravail et le développement de la télémédecine » clôt-il sur ce point.

Egalité des territoires : objectif louable mais des incohérences

La santé est le deuxième secteur abordé par Marc-Etienne Pinauldt, notamment avec la question des Maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) qui font l’objet d’un déploiement. 300 sont déjà ouvertes avec un objectif de 1000. A ces MSP, il faut encore ajouter les aides à l’installation des jeunes médecins accordées sous forme de bourse. Les étudiants en médecins s’engagent à rejoindre un « désert médical » pour une durée équivalente à celle de leur bourse. (881 contrats en 2014, objectif de 1500 en 2017). Tout cela est très beau semble dire Suzanne Tallard (SRC, Charente-Maritime) mais si « l’égalité des territoires est un objectif louable, dont tout le monde ressent bien la nécessité, on constate cependant des incohérences qui aboutissent à l’inverse du but recherché ». « Par exemple, on souhaite que des jeunes médecins s’installent dans les territoires ruraux, mais on ferme les écoles, les collèges sont très éloignés, et les lycées encore plus. Certains élèves doivent faire des déplacements de plus d’une heure, matin et soir » déplore-t-elle.

Un objectif de 1000 Maisons de services au public

Troisième secteur : les services au public. Le Gouvernement s’était engagé à créer 1 000 maisons de services au public (MSAP) à l’horizon de 2017. D’ores et déjà, 363 ont été créées à l’initiative des collectivités territoriales. « L’objectif est d’atteindre 1 000 maisons de services au public un an plus tôt, c’est-à-dire en 2016 » espère-t-il. Le service au public, un sujet sensible pour les élus, car « c’est du quotidien de nos concitoyens » dont il s ‘agit » s’exclame Stéphane Demilly (UDI, Somme). Pour Patrice Carvalho (GDR, Oise), c’est même épidermique. « Les conditions d’accès au service public se dégradent » juge l’élu communiste citant l’exemple de La Poste qui ne cesse de fermer des bureaux un peu partout en France. Alors, c’est sans enthousiasme que Patrice Carvalho prend acte de l’annonce de l’ouverture de 1000 MSAP d’ici en 2016 avec le partenariat de La Poste. « Je crains que nous n’encouragions ainsi le mouvement en cours, en transférant certaines compétences aux collectivités alors qu’elles ont déjà de plus en plus de mal à boucler leur budget en raison de la baisse des aides de l’État » soupire-t-il.

Eviter le conflit rural/urbain

Alors même que les fractures territoriales semblent s’accentuer depuis que le phénomène de métropolisation s’est imposé et que le sentiment de relégation, supposé ou effectif existe dans les territoires, le commissariat général entend y répondre en développant « tout ce qui permet d’éviter l’isolement et la rupture, comme le conflit rural/urbain ». Et cela passe par la mise en réseau des territoires. « L’idée est de ne plus séparer l’urbain et le rural, mais de travailler sur leur complémentarité » explique Marc-Etienne Pinauldt. La mesure « peut-être la plus emblématique de cette mise en réseau a été inspirée par Alain Calmette » poursuit le directeur est celle des contrats de réciprocité entre la ville et la campagne. « L’idée est que la campagne contribue au développement de la ville, tout comme la ville contribue au développement de la campagne. Il y a une vraie réciprocité à établir ». Quatre sites expérimentaux permettront de faire le point : le parc naturel régional du Morvan, avec la communauté urbaine du Creusot- Montceau-les-Mines ; Brest et l’arrièrepays brestois, dans le Centre Bretagne ; la métropole de Lyon et le pays d’Aurillac ; la métropole de Toulouse et le massif des Pyrénées.
En dépit de ces nombreuses explications et perspectives encourageantes, le doute persiste chez certains députés. « Malgré vos efforts méritoires, la montée en puissance des métropoles va inéluctablement consacrer cette France à deux vitesses » regrette Philippe Plisson (SRC, Gironde) qui, plutôt que de petites communes sans moyen, mise « sur la montée en puissance, dans le monde rural, d’entités intercommunales fortes, intégrées, dotées de moyens proportionnellement identiques à ceux des métropoles ». Plus sévère est encore Patrice Carvalho qui craint que « le catalogue des bonnes intentions du comité interministériel ne demeure lettre morte ». Quant à Sophie Rohfritsch (Les Républicains, Bas-Rhin), elle constate que le commissariat général est certes beaucoup écouté mais elle se demande, s’il arrive à se faire entendre. C’est bien la question.

Le CGET
Issu du regroupement de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SGCIV) et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) est rattaché au Premier ministre. Il est chargé de concevoir et de mettre en oeuvre la politique nationale d’égalité des territoires et d’en assurer le suivi et la coordination interministérielle. Le commissariat est organisé en trois grands pôles La direction de la ville et de la cohésion urbaine : Elle élabore et met en oeuvre la politique de la ville et en exécute les crédits sur l'ensemble du territoire. La direction des stratégies territoriales : Elle élabore la stratégie d’égalité des territoires à partir de l’observation et de la capitalisation des données produites et recueillies. La direction du développement des capacités des territoires : Elle pilote la politique d’égalité des territoires pour les territoires à enjeux, les territoires fragiles, en mutation, en s’appuyant sur des outils de contractualisation.

Trois missions transversales
• Affaires européennes
• Contractualisation des partenariats territoriaux
• Coordination de l’action interministérielle et sectorielle

 

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