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Vous n’aurez pas l’Alsace…

Le sénateur Jean-Louis Masson (NI, Moselle) a déposé une proposition de loi tendant à réduire l’étendue de la région Grand-Est et à rétablir l’Alsace comme région de plein exercice*.

Jean-Louis Masson n’est pas content. Le sénateur de Moselle ne digère toujours pas la création de la Région Grand-Est et la « disparition » de l’Alsace intégrée dans ce vaste ensemble. A ses yeux, l’augmentation de la taille des régions « repose sur une erreur fondamentale qui consiste à croire que plus on fait grand, plus il y a d’économies d’échelles ». Or, en terme d’organisation territoriale, il y a une taille optimale au-delà de laquelle « les pesanteurs administratives et le manque de proximité de la gestion entraînent des surcoûts et des dysfonctionnements ». Une taille optimale largement dépassée dans ce cas précis de la Région Grand-Est estime le sénateur. Un avis qu’il dit partager avec la Cour des comptes qui dans un rapport de 2017 soulignait que la création des grandes régions « n’a pas remédié à la complexité du paysage institutionnel local ».

Dès que l’on parle de ce cas « emblématique » qu’est la Région Grand-Est et de l’ancienne région Alsace « dont l’identité très forte est progressivement étouffée », Jean-Louis Masson s’agace. Le sénateur est cependant loin d’être sans arguments. Le premier concerne la démesure de cette Région Grand Est, « deux fois plus grande que toute la Belgique, pourtant divisée en trois (Flandre, Wallonie, Bruxelles) ». « Pour aller de Troyes au Chef-lieu Strasbourg, il faut 3h34 en voiture et environ 4h00 en train alors que de Troyes à Paris, ces trajets sont respectivement de 1h58 et 1h23 » ironise l’élu.

Des temps de parcours qui n’ont pas non plus échappé à L’Alsace qui dans son édition du 18 juillet 2018 révélait une augmentation de 51 % des frais de déplacement et de mission de la Région Grand-Est (2017) par rapport au total des trois anciennes régions (2015). Jean-Louis Masson rappelle aussi combien les Alsaciens sont « très attachés à leur territoire et à leur identité » fruits de la géographie, d’une longue histoire et de spécificités aussi bien linguistiques que religieuses. Une adhésion forte d’ailleurs confirmée par un sondage IFOP qui a montré que 83 % des Alsaciens souhaitaient le rétablissement d’une Région Alsace de plein exercice (DNA, 21 févier 2018).

Mais Jean-Louis Masson, fidèle à sa liberté de ton, va plus loin. Sans prendre de gants, il dénonce « les calculs politiciens et les intérêts personnels » qui ont « pris le pas sur l’intérêt général ». Tout le monde en prend pour son grade : les socialistes, « peu nombreux » qui « ne veulent pas désavouer une réforme emblématique du Gouvernement Valls » ; les élus LREM et MoDem qui « s’alignent sur la position de l’actuel Gouvernement » et Les Républicains « fracturés » avec d’un côté le président Jean Rottner, actuel président de la Région Grand-Est et son équipe qui s’opposent aux conseillers départementaux et parlementaires partisans d’une région Alsace de plein exercice. Quant au Président Emmanuel Macron et son Gouvernement, « parfaitement conscients de l’attachement des Alsaciens à leur région historique », « ils partagent la pensée dominante des cercles parisiens selon lesquels plus une région est étendue, mieux elle fonctionne ».

Aussi, pour le Gouvernement prendre en compte la demande alsacienne risquerait « d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications territoriales d’autres régions » pense Jean-Louis Masson, non sans raison.

Mais alors, la création d’une grande collectivité réunissant Haut et Bas-Rhin proposée par le Gouvernement ne pourrait-elle pas être la réponse aux revendications des Alsaciens ? Certainement pas s’emporte Jean-Louis Masson qui voit dans cette future « collectivité européenne d’Alsace » qu’« un leurre permettant au Gouvernement de gagner du temps ». « En fait avec cette proposition, l’Alsace resterait inféodée au Grand-Est sans pouvoir maîtriser son destin et, en plus, elle perdrait un département. Quant au territoire des deux autres anciennes régions, ils continueraient à être englués dans une région Grand-Est démesurément étendue, sans aucun espoir de gestion de proximité ». « Manifestement, seuls le Gouvernement et le président du Grand-Est se satisfont d’une telle réforme » assène-t-il. Pour Jean-Louis Masson, fort de ces constats, il n’y a donc qu’une « seule vraie solution » : remplacer la région Grand-Est par deux régions de plein exercice : d’une part la région Alsace et d’autre part, une région Est qui correspondrait au territoire des anciennes régions Champagne-Ardenne et Lorraine. 


* Proposition de loi n° 272 tendant à réduire l’étendue de la région Grand Est et à rétablir l’Alsace comme région de plein exercice, enregistrée à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2019

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