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Accès aux services publics : Non mais allo quoi !

L’Institut national de la consommation (INC) et le Défenseur des droits ont réalisé une enquête auprès de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), Pôle emploi et la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAMTS) afin d’évaluer la qualité des services téléphoniques de ces trois grands organismes. L’enquête montre que l’accueil téléphonique n’est pas toujours à la hauteur.

Si l’usage du numérique est désormais incontournable et facilite la vie de millions d’usagers (1) se félicite le Défenseur des droits, cette avancée interroge néanmoins le principe d’égalité d’accès aux services publics, en particulier pour les publics « moins connectés » qui représentent une partie non négligeable de la population (2). Dans ce contexte de dématérialisation progressive des services publics, « la place et le rôle de l’accueil téléphonique, mode classique de relation avec les services publics, s’en trouvent renouvelés et doivent être interrogés ». Pour s’assurer de la qualité d’accueil de plateformes téléphoniques des trois organismes et donc l’effectivité de l’accès aux droits, plus de 1 400 appels ont été passés entre mars et avril 2016 sur tout le territoire. Plusieurs profils d’usagers avaient été choisis : une personne malentendante, une personne avec un accent étranger, une autre ne disposant pas d’Internet et un « usager lambda ». Les demandes de renseignements concernaient à chaque fois une prestation spécifique (l’allocation de logement social, l’allocation chômage et l’aide au paiement d’une complémentaire santé). Pour quels résultats ?

Pour l’Assurance maladie, seul un tiers des appelants a obtenu des informations sur les démarches à effectuer, les conseillers renvoyant la moitié des appels vers Internet. « A la question « Ai-je droit à l’ACS ? » personne avec un accent étranger a été renvoyée vers Internet dans plus de la moitié des cas et n’a pas eu l’information sur le plafond de ressource à ne pas dépasser pour bénéficier de la prestation. Le profil malentendant a bénéficié d’une attention particulière, dans près de deux tiers des cas » précise le communiqué.

Tout se passe comme si les conseillers présupposaient que chacun a accès à Internet

Concernant Pôle emploi, 40 % des conseillers de la plateforme téléphonique fournissent des réponses succinctes et 36 % d’entre eux renvoient directement vers Internet lorsqu’il s’agit de connaître les démarches à effectuer pour bénéficier de l’allocation chômage.

S’agissant des CAF, les conditions d’obtention d’une allocation logement (ALS) sont rarement précisées, les appelants étant le plus souvent directement renvoyés vers le simulateur en ligne. Un appelant sur 5 a obtenu une réponse précise sur les démarches à effectuer, en particulier pour les profils « usager lambda » et « malentendant ». Les personnes avec un accent étranger ont été renvoyées vers Internet plus d’une fois sur deux contre 39 % en moyenne.

48 % des appelants à la CPAM ont eu l’impression de ne pas avoir eu une réponse à leur question, 57 % à Pôle emploi et à 81 % à la CAF. L’enquête montre clairement des différences de réponses en fonction des profils avec ou sans accent étranger. « Ce qui ne manque pas d’interroger » souligne le Défenseur des droits. Plus globalement, l’enquête montre un renvoi « sans doute trop rapide et systématique » vers Internet pour des personnes qui n’en disposent pas toujours et qui, lorsqu’elles se voient conseiller de se rendre dans un lieu d’accueil physique, ne se voit pas préciser sa localisation ou ses horaires d’ouverture… qu’il faudra donc sans doute trouver sur Internet.

Si pour le Défenseur des droits, Jacques Toubon « Internet facilite l’accès aux droits mais pas pour tous. La fracture numérique éloigne encore davantage un public vulnérable de son accès à l’information, c’est pourquoi il faut offrir des modalités d’information variées et conserver des lieux d’accueil physique ». Pour Nathalie Bajos, directrice de la promotion de l’égalité du Défenseur des droits, « tout se passe comme si les conseillers présupposaient que chacun a accès à Internet alors que c’est loin d’être le cas et que justement les personnes appellent pour ne pas passer par le site », conclut-elle. « C’est d’autant plus dommage que ces trois organismes ont tous mis en œuvre des solutions alternatives à Internet. Mais encore faut-il que les conseillers des plates-formes mentionnent ces possibilités »

1. La France est ainsi devenue en 2014 la première nation européenne en matière d’administration numérique et la 4ème dans le monde en matière d’administration numérique - OCDE
2. 16 % des Français n’ont pas internet chez eux et 21 % des personnes qui ont internet ne se sentent pas à l’aise pour l’utiliser.

 

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