Print this page

Le patrimoine religieux français est-il vraiment en danger ?

La Conférence des Evêques de France vient de publier un état des lieux des églises de France. Si la note se veut rassurante, elle en appelle toutefois à « une vigilance particulière » tout en prônant le dialogue avec les élus, les acteurs de l’art et les associations de défense du patrimoine

Assez régulièrement les médias locaux se font l’écho de la démolition d’une église ici ou là, sans trop de réactions. A Paris, la démolition programmée de l’Eglise Sainte-Rita dans le XVème arrondissement a pour sa part suscité quelques remous cet été. Ailleurs, on nous annonce la vente d’une église ou sa reconversion en lieu culturel, voire en logements ou en centre d’affaires. Mises bout à bout ces démolitions ou réaffectations finissent par en inquiéter plus d’un. Pas d’affolement répond en substance la Conférence des Evêques de France (CEF) qui a publié le 12 septembre dernier un état des lieux du patrimoine religieux en France. Selon le Département Art sacré du Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle de la CEF, en charge de cette étude, la France compte 42 258 églises et chapelles paroissiales (40 307 églises et chapelles de propriété communale et 1951 églises de propriété diocésaine). Depuis 1905 et la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce sont, poursuit l’étude, 1886 églises qui ont été construites dans les diocèses, 1242 églises entre 1905 et 1965 et 544 entre 1965 à nos jours.

En ce qui concerne les églises démolies puis reconstruites, l’étude en comptabilise 2047 sur la période 1905-1965 et 143 entre 1965 et 2015. Ce qui nous donne un total de 2130 églises démolies puis reconstruites depuis 1905. Une différence qui se comprend par les deux Guerres mondiales qui ont provoqué de nombreuses destructions d’églises et du même coup plus de reconstructions entre 1905 et 1965. « On fait souvent état des destructions d’églises mais l’on oublie de préciser que beaucoup d’églises de propriété communale sont reconstruites ! Ces démarches de reconstruction témoignent du souci de mémoire mais également de l’importance de ces édifices patrimoniaux aux yeux des communes propriétaires qui sont elles-mêmes garantes de leur conservation » se félicite la CEF. Toutefois, chose curieuse, la CEF se garde bien d’évoquer les églises détruites et non reconstruites et les édifices menacés. Il faut aller sur « Patrimoine et blog » du journaliste Benoît de Sagazan pour en avoir une petite idée. Selon, ses dernières estimations, depuis l’an 2000, 35 églises ont été démolies et 317 églises sont en souffrance (dont 14 à Paris).

Une situation pas aussi dramatique que certains voudraient le faire croire

L’étude montre encore que depuis 1905, seules 255 églises ont été vendues ou désaffectées, « ce qui au regard des 42 285 églises et chapelles existantes, représente un chiffre de 0,60 % » souligne la CEF qui explique cette situation par un phénomène de désaffection de certaines zones géographiques notamment rurales et par un phénomène de regroupement paroissial des églises ou par une qualité architecturale moindre. « A la lecture de ces chiffres on voit bien que globalement la situation n’est pas aussi dramatique que certains la décrivent notamment lorsqu’ils proclament que nos églises sont en danger » notent les Evêques de France, « néanmoins, admettent-ils, une véritable vigilance est nécessaire au regard de ces dernières années qui sont plus difficiles ».

Les églises : un enjeu pour tous !

Se pose alors la question des moyens de sauvegarde de ces édifices. Si de nombreuses associations et communes militent pour « un usage partagé » de l’espace intérieur de l’église, les Evêques entendent rester fermes sur l’utilisation de certains termes et principes. : « Accueillir des manifestations culturelles et artistiques de qualité bien sûr, mais l’Eglise n’est en revanche pas favorable à l’utilisation pérenne du lieu à des fins autres que cultuelles » précise la CEF. L’accueil et l’organisation de manifestations culturelles dans les églises n’est pas nouveau, cela existe même depuis de nombreuses années. « Accueillir ces évènements est une richesse pour l’Église et permet de faire vivre autrement ce patrimoine religieux. Culte et culture s’enrichissent alors dans un dialogue bienveillant entre les différentes parties prenantes de la manifestation. Ces évènements doivent toujours avoir l’accord du curé affectataire » insiste le porte-parole des Evêques de France.

Depuis deux ans, un groupe de travail mène une réflexion sur le sujet en invitant différents interlocuteurs à s’exprimer : élus, acteurs du monde de l’art et de la culture et associations du patrimoine. Le 10 mars prochain, un colloque rendra compte des travaux au Collège des Bernardins. 

 

Financer la restauration des églises par la publicité
Depuis fin septembre et pour une durée de 14 mois, une imposante bâche publicitaire recouvre 1500 m2 de l’échafaudage posé contre la façade de l’Eglise Saint Augustin à Paris (VIIIe). L’installation de cette bâche vantant un téléphone permettra de financer une partie de la restauration de l’édifice religieux datant du XIXème siècle et dont l’entrée nécessite des travaux. Le choix de recourir à ce moyen pour financer la restauration d’un édifice cultuel à Paris avait provoqué en juillet dernier un vif débat en Conseil de Paris, les Ecologistes et les Radicaux de gauche s’y opposant, redoutant que la publicité n’envahisse le patrimoine de Paris. C’est grâce à une dérogation au règlement local de publicité qui interdit cette dernière sur les monuments historiques ou protégés que cette installation a été finalement rendue possible. Saint Augustin est ainsi la première église de Paris a bénéficier d’une telle convention d’occupation du domaine public. La recette publicitaire engrangée par la pose de la bâche représente 1,370 million d’euros sur un budget total de travaux de 4,2 millions d’euros. L’Eglise de la Madeleine (VIIIe), 7 millions d’euros de travaux, 780 000 de recette de publicité et Saint Eustache (Ier), 2,4 millions d’euros de travaux, 750 000 de recette publicitaire suivront en novembre. « Chaque visuel a été validé par les services culturels de l’Etat, la Ville, le diocèse, la paroisse et la mairie d’arrondissement » insiste la Ville de Paris qui est propriétaire de 96 édifices cultuels dont 85 églises. En 2014, Paris a lancé pour la période 2014-2020, « un plan églises » de 80 millions d’euros. L’Etat a pour sa part promis, via la DRAC, une enveloppe de 11 millions d’euros.

 

« Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique », les Evêques de France parlent aux Français
“Si nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation”. A l’aube de cette année électorale, le Conseil permanent de la Conférence des Evêques de France (CEF) a décidé de s’adresser aux « habitants de France » dans un court fascicule. « Nous ne sommes pas des spécialistes de la vie politique, mais nous partageons la vie de nos concitoyens écrivent les évêques. Nous les écoutons et les voyons vivre » écrivent-ils en introduction. Mais ce qu’ils voient les inquiètent. « Il faudrait être sourds ou aveugles pour ne pas nous rendre compte de la lassitude, des frustrations, parfois des peurs et même de la colère, intensifiés par les attentats et les agressions, qui habitent une part importante des habitants de notre pays, et qui expriment ainsi des attentes et de profonds désirs de changements. Il faudrait être indifférents et insensibles pour ne pas être touchés par les situations de précarité et d’exclusion que vivent beaucoup sur le territoire national ». Sentant « plus que jamais, que le vivre ensemble est fragilisé, fracturé, attaqué » et que « ce qui fonde la vie en société est remis en cause. Les notions traditionnelles et fondamentales de Nation, Patrie, République sont bousculées et ne représentent plus la même chose pour tous », les évêques en appellent à « un travail de refondation auquel il nous faut, ensemble, nous atteler ». Alors que le fossé ne cesse de se creuser entre les citoyens et leurs représentants, ils souhaitent « retrouver le politique » et voir « relégitimer la parole politique ». Mais « entre le ras-le-bol de ceux qui ne croient plus et se désintéressent de la vie publique et ceux qui plein de colère veulent renverser la table et se tourner vers les extrêmes, la marge de manœuvre est des plus étroite » concèdent-ils. Aussi en cette période électorale, les évêques aimeraient qu’émerge « un véritable débat qui échappe aux postures, aux « petites phrases » et aux ambitions personnelles » expliquaient-ils déjà dans un document publié en juin dernier et titré « 2017 année électorale ». Le message a été à nouveau martelé par Monseigneur Vingt-Trois dans son homélie à la messe des parlementaires, le 9 octobre dernier. « La captation médiatique de la campagne électorale s’accompagne de sa réduction à un “combat des chefs” où les facteurs personnels priment sur la présentation des programmes. Les candidats éventuels sont réduits dans leurs prestations publiques à prendre position sur telles ou telles affirmations des autres candidats, comme si leur seul apport spécifique était de se démarquer des autres. ».
Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique  – Conseil permanent de la Conférence des évêques de France  – Bayard  – Cerf - Mame - 90 pages

 

1434 K2_VIEWS