Print this page

Opex : Plus d'un milliard d'euros en 2016

La France, en guerre, est présente sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures en Afrique et au Levant. Au cours d’un débat sans vote organisé au Parlement, le 19 octobre, le chef du Gouvernement a indiqué que ces Opex ont coûté plus d’un milliard d’euros en 2016.

“En 2016, le surcoût des opérations extérieures dépassera le milliard d’euros pour le budget de la défense et il sera compensé conformément au mécanisme prévu, par la Loi de Programmation Militaire” a expliqué Manuel Valls. Le Premier ministre s’exprimait devant les députés en vertu de l’article 4 de la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 actualisée qui prévoit un débat sans vote sur les opérations extérieures. « Dans un monde marqué par l’instabilité, les menaces, la France, parce qu’elle est une grande puissance, assume ses responsabilités, notamment militaires, en engageant ses forces armées » a-t-il poursuivi rappelant que la France était présente sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures, au Levant, dans la bande sahélo-saharienne, en Centrafrique mais aussi dans le Golfe de Guinée avec l’action de la marine nationale pour lutter contre la piraterie maritime… À trois reprises au cours des trois dernières années, le Parlement a ainsi approuvé le déploiement des forces françaises à l’extérieur : En avril 2013, déploiement de la force Serval au Mali ; après les attaques terroristes de janvier 2015, poursuite de l’intervention française en Irak contre l’État islamique, une intervention décidée en septembre 2014 par le Président de la République, à la demande du gouvernement irakien ; et enfin, en novembre dernier, au lendemain des attentats de Saint-Denis et de Paris, extension de nos opérations aériennes à la Syrie. Cela représente « plus de 4.000 hommes au Sahel, plus de 4.000 hommes au Levant, issus de toutes nos armées, de terre, de l’air, de la marine » a encore précisé le Premier ministre.

Dans un rapport d’information de la Commission des Finances du Sénat, le rapporteur spécial de la Mission « Défense », Dominique de Legge, (LR, Ille-et-Vilaine) souligne pour sa part l’accélération du rythme et du niveau des engagements français à l’étranger depuis 2011. Ainsi, depuis les années 1990, l’armée française a été engagée dans plus d’une centaine d’opérations extérieures.

Mais un tel déploiement de force, dans un contexte déjà tendu sur le territoire national a un coût. En 2016, le coût des opérations extérieures devraient s’élever entre 1,1 et 1,2 milliard d’euros. Un surcoût quasi identique à celui de l’an dernier. Depuis la guerre en Libye (1,25 milliards) lancée par Nicolas Sarkozy, la tendance a toujours été la même, un surcoût par rapport à la budgétisation prévue dans le projet de loi de finances. Ainsi, en 2016, seuls 450 millions d’euros avaient été initialement prévus dans le projet de loi de finances. Comme en 2015. Une fâcheuse habitude taclée à l’époque par la Cour des comptes qui déplorait cette sous-estimation systématique « alors que les dépenses ont toujours été supérieures à ce montant au cours des dix dernières années et que les engagements de la France dans des opérations de maintien de la paix ne semblent pas devoir diminuer dans les prochains mois ». En dépit de l’avertissement des Sages, le projet de loi de finances pour 2017 a une fois encore prévu une la dotation prévisionnelle des Opex de 450 millions d’euros, alors même qu’en septembre dernier, le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian avait annoncé une hausse du budget de la Défense en 2017 de plus de 600 millions d’euros le portant ainsi à 32,7 milliards d’euros. Quoiqu’il en soit, pour le plan de finances 2017 ce montant est « cohérent avec les contrats opérationnels et les priorités stratégiques établies dans le Livre blanc. Le financement des éventuels surcoûts non couverts par cette dotation initiale de 450 millions d’euros est garanti par la clause de sauvegarde de la Loi de Programmation Militaire (LPM) qui prévoit le financement interministériel préservant ainsi les crédits d’équipements du ministère ».

Pas de conséquences opérationnelles

Pour expliquer cette sous-budgétisation, la version officielle est de dire qu’il est difficile d’estimer par avance le nombre et la durée des Opex. « Au regard de l’instabilité mondiale, il est quand même compliqué d’avoir une idée précise lors du projet de loi de finances » juge Romain Colas, le député socialiste et rapporteur spécial du budget opérationnel de la Défense dans les Echos. Au Ministère des Finances, on ajoute que cette dotation de 450 millions correspond aux coûts fixes de nos bases militaires à l’étranger, « ce qui permet de ne pas dévoiler notre stratégie militaire ». Mais au fond chacun sait que cette sous-budgétisation permet surtout de réduire la prévision de déficit lors de la présentation du budget. Toute la question est de savoir si cette façon de procéder n’est pas un risque pour nos forces armées qui sont obligées de faire avec et parfois même sont contraintes de faire des économies d’anticipation. Pour Romain Colas, aucun risque, « à chaque fois, ce sont des crédits interministériels qui sont ponctionnés pour rétablir les comptes, si bien qu’il n’y a pas de conséquences opérationnelles ».

Pour autant, si ce surcoût (1 116,5 millions d’euros en 2015) englobe bien les dépenses de personnel, de fonctionnement courant, de transport stratégique mais aussi l’entretien programmé des matériels et du personnel comme le carburant, les munitions, pour Dominique de Legge ce montant ne « reflète qu’une partie des surcoûts engendrés par les Opex ». Et de pointer du doigt l’usure prématurée des matériels liée aux phénomènes de surintensité et de suractivité « imparfaitement comptabilisé » et la dépréciation du capital humain résultant du transfert de l’indisponibilité des matériels vers la métropole et du déficit d’entraînement qui « n’est pas comptabilisé ». Aussi, pour Dominique de Legge, « l’écart croissant entre les prévisions et les exécutions du surcoût Opex est contraire au principe de sincérité budgétaire posé par la LOLF » d’où la nécessité d’inscrire une provision « Opex » « plus juste et plus sincère ». Pourquoi ne pas s’inspirer du Royaume-Uni avec la création d’une ligne budgétaire spécifique consacrée au financement des Opex suggère le sénateur. 

 

2487 K2_VIEWS