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“L'Académie de France à Rome est souvent critiquée par méconnaissance”

Par Muriel Mayette-Holtz, Directrice de l’Académie de France à Rome

Depuis la création de l’Académie de France à Rome en 1666, des interrogations quant à la pertinence de son existence ont été périodiquement formulées, et ce dès le XVIIème siècle (1). L’Académie de France à Rome fascine toujours, elle est mondialement reconnue et est souvent critiquée par méconnaissance. La variété des solfèges de la création que l’Académie de France à Rome accueille et promeut, sa triple mission et la densité de son activité sont souvent ignorés du grand public.

En définitive, si la nécessaire spécificité de cette institution explique nombre des regards partiaux qui s’y arrêtent, cela ne doit aucunement masquer l’indispensable évolution de certains aspects de son fonctionnement. Porter un regard lucide à la fois sur les forces et les faiblesses de l’Académie de France permet de la perfectionner, et faire vivre au mieux ses trois missions (accueil des artistes – mission « Colbert », patrimoine, programmation culturelle – mission « Malraux »).

C’est pourquoi j’accueille avec gratitude et intérêt le rapport d’évaluation budgétaire sur la Villa Médicis du Sénateur André Gattolin. Ce document a le mérite de constater l’ampleur des efforts récemment accomplis pour moderniser l’institution et les grands chantiers qui l’attendent encore. Il faut souligner d’emblée que nous avions déjà étudié les pistes de mutation proposées par le rapport sénatorial et initié les réformes qui y sont esquissées.

Ainsi, je partage le questionnement quant à l’équilibre des bourses d’artistes pensionnaires au cours de leur résidence, abordé par le rapport. Dans le document de stratégie que j’ai présenté au Conseil d’Administration en septembre 2016 figure l’explication de cette situation et la volonté d’y remédier : La bourse dans sa version actuelle a été conçue comme l’amorce d’un traitement de fonctionnaire versée à un artiste officiel : cela ne peut plus être le cas aujourd’hui. L’institution a donc déjà exprimé ce constat et le souhait d’ajustement que recommande le rapport parlementaire : Un réexamen en profondeur en est évidemment nécessaire, afin d’aboutir à un nouveau statut actuel, clair, unifié et au final plus juste. Par ailleurs, une réflexion sur l’implication des pensionnaires dans la vie de la Villa Médicis a été menée. Cela est illustré par le rapprochement entre la mission Malraux, la programmation culturelle, et la Mission Colbert, celle d’accueil des artistes. Dès à présent ces derniers contribuent directement à la conception des évènements hebdomadaires, les « Jeudis de la Villa », et disposent d’une exposition – le Teatro delle Esposizioni – qui leur permet d’aller à la rencontre du public romain.

De plus, un regard critique est également porté sur l’éloignement entre la France et l’Académie, et l’absence de visibilité de son action pour le grand public français qui en découle. Partageant ce diagnostic, j’ai dès mon arrivée conçu le festival ¡Viva Villa ! dont la première édition s’est tenue au Palais Royal et à l’Ecole du Louvre du 15 au 18 septembre 2016. Je me réjouis de son succès auprès public, plus de sept mille visiteurs ! Cette initiative a pour but de présenter au public français les œuvres des artistes résidant dans trois grandes académies de France à l’étranger (Villa Médicis, Villa Kujoyama et Casa de Velázquez). Elle sera reconduite et amplifiée chaque année afin de rendre visible à tous les aboutissements des artistes et chercheurs accueillis par ces résidences et d’effectuer un état des lieux de la création contemporaine française.

Enfin, l’institution a posé les jalons de son autonomisation financière. Le financement privé s’est affirmé grâce à de solides et fidèles mécènes, prenant à leur charge une partie des activités de la Villa Médicis, à l’instar de certains programmes de résidence courte. J’ai particulièrement insisté pour que le financement privé se développe et se diversifie : j’ai constitué un réseau de donateurs particuliers – le Cercle des Bienfaiteurs – témoignant de notre attention à l’égard des techniques innovantes de financement des acteurs culturels publics. 

 

(1) Comme en témoigne le travail de Christian Michel, « Les relations artistiques entre l’Italie et la France (1680-1750) : la contradiction des discours et de la pratique », Sudiolo 1, Coédition Académie de France à Rome - Villa Médicis / Somogy éditions d’Art, 2002

 

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