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Contre le terrorisme : un combat politique

Par Kader Arif, Ancien ministre, Député de la Haute-Garonne

“La France est en guerre”, tels sont les mots du Président de la République le 16 novembre dernier devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Issu des travaux de la mission d’information et de la commission d’enquête dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, le rapport relatif aux moyens de DAECH vise à comprendre qui est DAECH – c’est-à-dire une organisation politique qui utilise le terrorisme dans sa conquête du pouvoir – et quels sont ses moyens. Cette étude s’intéresse donc aussi bien aux moyens matériels (pétrole, contrebande d’objets d’art, trafic d’armes et d’êtres humains, extorsions, pillages, etc.) qu’au moyens immatériels (idéologie, propagande, radicalisation, discours complotiste, etc.).

DAECH est le fruit de la faiblesse démocratique des Etats et de leur démantèlement dans la région du Moyen-Orient et plus particulièrement de la Syrie et de l’Irak. La déficience des services publics dans cette zone explique aussi l’essor de l’organisation terroriste pseudo-étatique qu’est DAECH. Nous avons constaté qu’à la suite de ses victoires militaires, DAECH fournissait des services publics aux civils et organisait la gestion de certains territoires afin de s’assurer le soutien des citoyens déçus par l’Etat préexistant. Il appartient donc à la communauté internationale de trouver une solution diplomatique de sortie de crise. En effet, sans le retour d’un Etat fort, DAECH continuera de prospérer dans cette région du monde.

Contrairement à d’autres organisations terroristes, DAECH dispose de ressources importantes qui lui permettent d’être autosuffisant sur le plan financier (on estime ses actifs à 2 000 milliards de dollars fin 2015). Ainsi, le défi politique posé consiste à réduire la possibilité pour DAECH d’exploiter les ressources locales mais aussi de réaliser des importations en empêchant la vente de marchandises. Le Conseil de sécurité des Nations-Unies et le Conseil européen ont donc adopté des mesures visant à couper les circuits d’approvisionnement de DAECH (dont le pétrole syrien). Cette pression doit être maintenue.

L’autosuffisance économique offre également à DAECH la possibilité d’une autonomie politique, religieuse et idéologique qui est alimentée par une propagande redoutable. Aussi, la réponse des Etats doit permettre de stopper la circulation de cette propagande djihadiste, mais surtout de diffuser un contre-projet en mesure de contrecarrer le discours de DAECH. Ce contre-projet n’est pas quelque chose d’abstrait ou étranger à la France. En effet, en raison de son histoire et de sa capacité à dialoguer avec tous les acteurs régionaux, la France a un rôle primordial dans ce combat politique. Il est certain qu’on ne pourra pas lutter efficacement contre DEACH si nous ne sommes pas prêts à comprendre ce qui pousse des jeunes passés par l’école de la République à commettre l’innommable.

A ce titre, l’éducation doit occuper une place centrale dans la lutte contre la radicalisation et dans l’attachement à la République et à ses valeurs. Il convient, dès le primaire, d’enseigner aux élèves à avoir un regard critique face aux contenus en libre accès sur internet et dans les médias. L’apprentissage de la complexité constitue certainement l’arme la plus efficace et la plus enthousiasmante. Il faut également accorder une place privilégiée au contre-discours sur le djihadisme et permettre à des djihadistes et des extrémistes repentis de prendre la parole publiquement.

Enfin, l’angle mort de la lutte contre DAECH reste internet. Pour Al-Qaïda comme pour DAECH, internet n’est pas seulement un moyen de propagande, c’est une vraie plateforme opérationnelle permettant également la diffusion des grandes orientations stratégiques, la levée de fond ou le recrutement. En outre, les réseaux sociaux permettent l’élaboration d’une communication diffuse pour DAECH. Il est donc nécessaire de renforcer la lutte contre les contenus djihadistes sur les réseaux sociaux qui ne jouent pas suffisamment le jeu. Cela pourrait notamment passer par la création d’une contribution financière obligatoire pesant sur les différents réseaux sociaux et visant à financer directement les structures publiques dédiées à la surveillance sur internet et organiser ainsi un contrôle public des contenus en ligne. Il est également urgent d’augmenter les moyens consacrés à la police pénale et à la procédure judiciaire sur internet pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme 2.0. 

 

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