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Une épopée française en Amérique du sud

A l’extrême sud de l’Amérique du sud, la Patagonie, territoire encore relativement préservé fascine pour ses paysages grandioses. On sait moins qu’elle a aussi été le théâtre d’une incroyable aventure, celle du Français Antoine de Tounens, élu roi d’Araucanie - Patagonie en 1860 par les indiens mapuches. Cette épopée étonnante, vraie mais oubliée est racontée par Jean-François Gareyte qui n’hésite pas à parler d’une « occasion manquée » pour la France.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la Patagonie et l’Araucanie auraient pu être françaises. Si et seulement si le gouvernement de Napoléon III avait osé, et marqué un peu plus d’intérêt à l’initiative de ce Périgourdin qui, en 1860, réussira l’exploit de se faire élire roi par les belliqueux indiens mapuches sous le nom Orélie-Antoine 1er. Mais cet épisode français en Amérique du sud tombe mal. A la même époque, la déroute de Maximilien d’Autriche installé (puis abandonné) sur le trône mexicain par Napoléon III occupe tous les esprits. Pourtant, à en croire Jean-François Gareyte qui a épluché les archives civiles et militaires du Chili et de l’Argentine, Antoine de Tounens aurait pu réussir (1).

Né en 1825 dans une famille paysanne à Chourgnac d’Ans (Périgord), Antoine est très tôt persuadé de son destin. Il sera quelqu’un. Après ses études de droit, le voilà avoué à Périgueux. A la même période, il s’acoquine à la franc-maçonnerie. Tout semble sourire au futur souverain. « Le fils de paysan, devenu un bourgeois puis un noble (2) n’a cependant pas achevé sa course aux honneurs et, en ce siècle de grands bouleversements, il caresse depuis longtemps un projet grandiose » écrit Bruno Fuligni (3). En 1858, Antoine de Tounens s’embarque pour le Chili avec l’intention d’y faire fortune. L’épopée commence. Il veut créer une compagnie maritime, se lancer dans la presse et organiser des courses de chevaux, c’est à chaque fois un échec. A ce moment-là, « il ne s’imaginait sans doute pas devenir roi, assure Jean-François Gareyte. Il a juste profité d’un enchaînement de circonstances ». La plus incroyable est sans doute ce rêve d’un grand sorcier mapuche qui prédit la venue d’un roi, un blanc pour les défendre contre l’envahisseur. Au même moment justement, la jeune république chilienne qui cherche à s’étendre au sud mène de meurtrières incursions en territoire mapuche, libre et indépendant depuis la Conquista espagnole. L’occasion est trop belle pour Tounens qui franchit le Bio-Bio, la fleuve-frontière. Accueilli et accepté par les guerriers mapuches, ralliés à son étendard bleu-blanc-vert, il leur promet la victoire, et des armes venues de France. Les Mapuches s’accrochent aux promesses de cet homme charismatique. Proclamé roi le 17 novembre 1860 et sûr de son bon droit, Orélie-Antoine 1er s’empresse d’écrire au président chilien pour lui annoncer son accession au trône d’Araucanie auquel la Patagonie est rattachée deux jours plus tard. Et la France ? Dans son livre, Jean-François Gareyte montre qu’Antoine de Tounens avait l’oreille d’un ministre du gouvernement français, un compatriote périgourdin, Pierre Magne qui aurait évoqué « l’affaire » avec Napoléon III. Sans le convaincre malheureusement. Le rêve d’un empire français en Amérique du sud s’évapore. Tounens, traqué par les Chiliens qui redoutent son emprise sur les indiens est emprisonné, déclaré fou et renvoyé en France. Après plusieurs tentatives de retour dans ses Etats, il meurt moqué et malade dans son Périgord natal en 1878. Aujourd’hui encore le mythe du royaume de Patagonie perdure. En France et en « exil », un « prince d’Araucanie » successeur assumé d’Orélie-Antoine 1er entend servir la cause des Mapuches opprimés. De-ci, de-là, des « Patagons de cœur », rassemblés autour de l’écrivain Jean Raspail, auto-proclamé Consul général de Patagonie (4), défendent l’idée d’une seconde patrie à travers ce royaume éphémère et idéalisé. Son cosas de Patagonia. 

(1) « Le rêve du sorcier » – Tome 1 - Editions Lalauze – avril 2016
(2) Il fait reconnaître par les tribunaux sa particule mais pas son titre de prince.
(3) « Royaumes d’aventure – ils ont fondé leur propre état » - Les arènes - mai 2016
(4) « Moi Antoine de Tounens, roi de Patagonie » Albin Michel Grand Prix du roman de l’Académie française (1981)

 

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