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Panama : le canal qui voit grand

Le 26 juin dernier, le nouveau canal de Panama était inauguré en grande pompe. Vieux de 102 ans, et après dix années de travaux pharaoniques, le canal élargi a de grandes ambitions. En permettant le passage de plus gros navires, il entend profiter de la multiplication des échanges entre l’Asie et l’Amérique et ainsi damer le pion à son concurrent égyptien. Un Canal Plus.

En 2014, Panama célébrait, dans la discrétion, le centenaire de son canal. Deux ans plus tard, c’est un nouveau canal élargi qui est inauguré. En 2006, les Panaméens approuvent par voie référendaire le projet d’élargissement de leur canal, projet décidé six mois plus tôt par leur président. Les premiers coups de pioche sont donnés en 2009 et ont abouti tout récemment, non sans péripéties d’ailleurs. Mais il faut se rappeler que l’histoire du canal n’a jamais été de tout repos. Imaginé par le Français Ferdinand de Lesseps, le père du canal de Suez, après le scandale du même nom et de nombreuses avanies, le canal sera finalement construit par les Américains entre 1904 et 1914. Après avoir « invité » le Panama, alors province colombienne, à prendre son indépendance, les Etats-Unis, pour services rendus, se voient attribuer la pleine souveraineté d’une bande de terre de 5 km de large tout le long du canal. C’est de là que partiront en 1989 les forces armées US venues renverser le Général Noriega, une opération perçue comme une véritable atteinte à leur souveraineté. Le 31 décembre 1999, le canal est définitivement restitué au Panama. Fin d’une histoire et début d’une autre.

Pour Panama, élargir le canal est très vite apparue comme une nécessité face à la montée en puissance du commerce international par voie maritime. Les travaux d’élargissement et la pose de nouvelles écluses ont été confiés à un consortium multinational de trois pays (Espagne, Italie et Panama) qui a remporté l’appel d’offres pour lequel concourraient, avant de renoncer le français Bouygues et l’américain Bechtel. Mais alors que l’on annonçait un budget de 3,1 milliards de dollars, sept ans plus tard, la facture s’est très nettement alourdie pour atteindre la somme de 5,4 milliards de dollars. Le jeu en valait-il la chandelle ? De nombreuses voix se sont élevées contre un projet jugé trop ambitieux et les critiques n’ont pas manqué (problème de confection, écluses mal dimensionnées, remorqueurs pas adaptés, niveau d’eau insuffisant, etc.). Sans compter que le trafic maritime attendu ne sera peut-être pas aussi prometteur qu’annoncé. Déjà seule une partie du trafic du canal de Suez sera reporté sur le canal de Panama (gain de temps pour certains trajets et pas pour d’autres) et le passage du Nord-Ouest, au nord du Canada de plus en plus pratiqué en raison du réchauffement climatique pourrait à terme menacer le trafic panaméen. Reste tout de même que le canal agrandi voit sa capacité multipliée par trois. Jusqu’à maintenant les 12 000 à 14 000 navires qui empruntaient le canal annuellement, les « Panamax » avaient jusque-là une capacité d’emport de 4 000 TEU (Twenty Fact Equivalent Unit, unité de mesure équivalent à un conteneur de 6 mètres de long), les « Neo-Panamax » passeront à une capacité de 14 000 TEU. « Cela représente un potentiel de croissance important pour le Panama. Et le fait que les travaux aient été pour la première fois menée par le Panama est symboliquement très important » souligne fièrement dans le Figaro (édition du 24 juin 2016) Guillermo Chapman, ex-ministre panaméen de l’Economie. Avec un prix du passage des navires compris entre 300 000 et 500 000 euros, plus de bateaux, c’est aussi plus de revenus. « Les revenus du canal représentent environ 15 % du budget de l’Etat, rappelle Guillermo Chapman, sans compter les retombées indirectes sur l’économie »

 

Le canal de Panama en chiffres
• 77 km
• 6 écluses (3 côté Pacifique et 3 côté Atlantique)
• 14 000 navires par an
• 300 tonnes de cargaison
• 5 % de la valeur du trafic maritime mondial
• Passent par le canal :
• 5 % des conteneurs
• 10,6 % du blé mondial
• 5,8 % des produits chimiques
• 144 routes maritimes desservies reliant 160 pays
• Plus de 1700 ports atteints
• 16 % du trafic maritime des ports des Etats-Unis passent par le canal
Avec le nouveau canal, Panama espère attirer au moins 25 % du trafic entre l’Asie et l’Atlantique et tripler son chiffre d’affaires (1 Mds$ aujourd’hui)

 

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