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Pollution en France : l'association Robin des Bois décoche ses flèches

Dans son Atlas de la France toxique (Arthaud), l’association de défense de l’environnement Robin des Bois dresse un panorama « violent mais réaliste » des pollutions sur notre territoire tout en déclinant les risques sanitaires associés à chaque type de polluant. Objectif : alerter le public pour qu’il interpelle ses responsables.

En 40 cartes, l’Atlas de la France toxique aux Editions Arthaud recense par région, département ou quartier, les sources de pollution de l’environnement en France : déchets de guerre, PCB, amiante, glyphosates, algues vertes, etc. avec les risques inhérents pour la santé et l’environnement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce constat est effrayant. En ville ou à la campagne, au centre du pays ou sur le littoral, tout le monde est touché par une pollution, un risque de pollution visible ou invisible. « Il n’y a pas de zones épargnées, chaque territoire est concerné par des typologies différentes de pollution selon son passé industriel et ses activités économiques » rapporte Charlotte Nithart, co-auteur de l’Atlas et membre de Robin des Bois. Au palmarès des villes polluées, trois villes se disputent la tête du classement des villes les plus peuplées mais aussi les plus polluées : Marseille, Lyon, Paris suivies ensuite par Toulouse et Strasbourg. Grand soleil ne veut pas dire absence de pollution. L’Institut de Veille sanitaire (InVS) a ainsi calculé que Marseille avait la plus forte concentration de particules fines des villes françaises (31,8µg/m3). « Malgré son ouverture sur la mer, Marseille est la ville la plus polluée. Cette pollution vient surtout des rejets de l’industrie pétrochimique autour de l’Etang de Berre, des transports - autoroute sud qui se déverse dans la ville notamment - et de l’activité des ports. Ce problème s’est aggravé ces dernières années à cause des escales des grands paquebots » précise Jacky Bonnemain, co-auteur et président de l’association.

Marseille, Lyon, Paris : Les villes les plus polluées

La Cité phocéenne devance Lyon, capitale de la pétrochimie et ses deux millions de mètres carrés de friches industrielles fortes en présence de plomb, chrome et hydrocarbures et Paris qui vit sous la menace de déchets radioactifs provenant essentiellement des laboratoires médicaux nombreux sur son territoire. La capitale française connaît aussi le plus grand nombre de pics de pollution aux particules fines – en moyenne une quinzaine par an - dues aux véhicules diesel, aux routes recouvertes d’amiante, les activités agricoles et le chauffage au bois autour de Paris.

L’amiante notamment utilisée à Paris pour enrober les routes parce qu’elle était censée les rendre plus résistantes à l’abrasion des roues des véhicules a aussi été longtemps usitée en France dans les hôpitaux, les écoles, les usines… Interdite en France en 1997, elle est encore très largement présente comme le rappelle Charlotte Nithart : « vingt millions de tonnes de produits amiantés sont encore en place sur le territoire national ». La militante raconte aussi que les travaux du tunnel Lyon-Turin sous les Alpes pourrait mettre à jour un gisement d’amiante encore inconnu. Une catastrophe écologique et des retards industriels à prévoir puisqu’il faudrait traiter les déblais comme des produits toxiques tout en s’assurant de la protection des ouvriers. Plus globalement, les auteurs chiffrent entre 100 000 et 200 000 le nombre de personnes qui pourront mourir dans les quarante prochaines années en raison de l’amiante.

Les déchets de guerre, une pollution sous-estimée

Plus curieusement et moins connus, l’Atlas met aussi en lumière les risques de pollutions liés aux déchets de guerre. Alors que la France commémore le centenaire de la Première Guerre mondiale, les munitions en tous genres pullulent sur le sol meurtri contaminant sols, sous-sols et nappes phréatiques. Autour de Verdun, dans la Somme, sur et autour des lignes de front, il n’y a pas un jour où les services de déminage ne sont pas appelés pour désamorcer un obus. Les guerres de 14-18 mais aussi de 1870 et de 39-45 ont laissé leurs empreintes polluantes. On estime que sur plus d’un milliard d’obus tirés lors du premier conflit mondial, 25 % n’ont pas explosé ! Dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, plus de 500 communes recommandent aux femmes enceintes et aux jeunes mères de ne pas boire ni utiliser pour les biberons l’eau du robinet contaminée par des sels de perchlorate, des composés chimiques toxiques présents dans les explosifs. Dans la Meuse, plusieurs agriculteurs se sont vus interdire de vendre leur lait ou leurs céréales en raison des risques de pollution ; leur exploitation se trouvant sur une ancienne zone qui a abrité dans les années 1920 d’importants stocks de munitions chimiques. Toutes ces munitions plus ou moins inertes ont par méconnaissance souvent été enfouies sous quelques mètres de terre ou dans des cavités souterraines sans plus de précaution que cela. Or, sous l’effet du temps, de la corrosion, ces déchets de guerre représentent aujourd’hui un vrai danger pour le sous-sol et les nappes phréatiques dénonce l’Atlas. A terre mais aussi en mer. « Toute la façade atlantique mais aussi la Méditerranée sont concernées » par ces munitions de guerre conventionnelles et chimiques souligne Charlotte Nithart.

700 ans pour sécuriser le sol français

« La mer était une poubelle car on estimait alors que c’était pratique et sécurisé d’immerger les munitions non utilisées ». Mais « avec l’érosion du temps, les munitions se délitent peu à peu en libérant des polluants, de l’arsenic par exemple » explique-t-elle (la vitesse de corrosion est d’environ 1mm par an). Il faut aussi se souvenir de ce jeune homme qui est mort en 2014 sur une plage à Groix lors d’un feu de camp, victime d’un obus de 1915 remonté à la surface. Sans oublier, les risques pour les pêcheurs qui remontent dans leurs filets ces munitions. Citant un rapport sénatorial de 2001, l’association, les équipes de déminages « auront fini de sécuriser le sol français dans 700 ans » ! L’association demande alors « plus de moyens » pour les démineurs mais aussi des « recherches plus systématiques » des produits toxiques sur les lignes de front et « davantage d’informations à destination du grand public, pour mettre fin aux comportements dangereux » comme celui de ce jeune homme qui totalement inconscient avait remonté dans le train un obus non désamorcé trouvé dans une cave à Marseille. 

Atlas de la France toxique- Association Robin des Bois - Arthaud

 

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