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Finances des collectivités : l'Etat fossoyeur

Par Cédric Perrin, Sénateur du Territoire de Belfort, Maire de Beaucourt

“Ça va mieux”. Si l’on écoute le Gouvernement, ça ne va même pas mieux, mais « ça va bien ». A un an de l’élection présidentielle, le nouveau leitmotiv inventé par les communicants de l’Elysée s’apparente davantage à la méthode Coué qu’à un bilan sincère de la situation financière de nos communes et intercommunalités. Cette présentation tronquée et fallacieuse ne trompe personne et surtout pas les élus locaux.

L’amélioration du solde des administrations publiques locales en 2015 est essentiellement due à la fois à la baisse massive de leurs dépenses d’investissement (- 4,6 milliards en un an) et à la hausse de leur endettement (+ 9 milliards d’euros), consécutives à la baisse de leurs dotations.

En outre, le Gouvernement omet de tenir compte du coût pour le solde public induit par les effets récessifs de la baisse des investissements. Ce coût relativise en conséquence le bénéfice de cette amélioration du solde des collectivités. Par exemple, dans le secteur économique des travaux publics, 75 % de l’investissement est réalisé par les collectivités. En 2015, son chiffre d’affaires a ainsi diminué de 8 % et 15 000 emplois ont été détruits dans le secteur.

Il n’y a de surcroît aucune surprise à ce que les dépenses de fonctionnement diminuent si les dotations de l’Etat diminuent : c’est automatique puisque, selon la « règle d’or », le budget de fonctionnement des collectivités (a contrario de celui de l’Etat) doit être obligatoirement à l’équilibre.

La nécessité pour les collectivités de fournir un effort sur leurs dépenses de fonctionnement et notamment de personnel est incontestable et nécessaire. Cela appelle toutefois deux commentaires.

Premièrement, que la baisse des dotations entraîne une baisse des dépenses de fonctionnement est plutôt vertueux, mais qu’elle entraîne également une baisse des investissements, prouve bien qu’elle est d’une ampleur trop importante. Nul ne contexte la nécessité d’une baisse des dotations, ce qui est critiqué est son ampleur et son rythme.

Deuxièmement, le discours du Gouvernement se félicitant de la baisse en 2015 des dépenses de personnel est totalement incohérent avec la politique qu’il engage sur d’autres fronts.

Incohérent avec sa réforme des rythmes scolaires - imposée aux communes - dont les frais de personnel constituent le premier poste de dépenses lié à la réforme et dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros.

Incohérent avec sa mesure de revalorisation des dispositions indiciaires applicables aux agents de la catégorie C et de la catégorie B de la fonction publique territoriale, qui fait augmenter de 2,9 milliards d’euros par an la masse salariale des collectivités locales depuis 2014.

Incohérent également avec la signature en 2015 d’un protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, qui va accroître de 350 millions d’euros les dépenses de personnel des collectivités territoriales en 2016 (avec une montée en charge progressive jusqu’en 2020).

Incohérent enfin avec sa mesure de revalorisation en 2016 et 2017 de 1,2 % du point d’indice des fonctionnaires territoriaux, qui va augmenter les dépenses de personnel de 300 millions d’euros en 2016 et 1,2 milliard d’euros en cumulé en 2017.

Le Gouvernement fait également preuve de mauvaise foi en ne donnant pas l’explication de la hausse des recettes de fonctionnement. Ces dernières sont constituées des concours financiers de l’Etat et des recettes fiscales : si les dotations diminuent, cela signifie que la hausse des recettes provient d’une hausse de la fiscalité locale. Les taux des impôts locaux ont augmenté de 1,6 % en moyenne en 2015, ce qui a engendré une croissance de 2,9 % des recettes fiscales, contre + 0,9 % en 2014.

Les communes n’ont en effet eu d’autre choix, pour leur plus grande part, que d’augmenter la fiscalité pour pouvoir assurer le fonctionnement de leur collectivité et un minimum d’investissements. Il s’agit là d’un transfert déguisé de l’impopularité fiscale de l’Etat vers le bloc communal !

Dans de nombreux cas, les communes ont dû également faire face à une diminution de leurs subventions d’investissement par les conseils départementaux, confrontés à l’effet ciseau de la baisse de leurs dotations et de l’explosion de leurs dépenses sociales. Les communes ont davantage été contraintes de recourir à l’emprunt.

Le Gouvernement commet une grave erreur d’analyse en se basant uniquement sur la situation de 2015 pour présager d’une relance en 2016. Il omet - consciemment - la nouvelle baisse de dotations en 2016 (d’un montant équivalent à 2015) ainsi que les mesures catégorielles qu’il a décidé d’engager et qui vont fortement accroître les dépenses de personnel des communes, à un niveau au moins équivalent à l’impact de la baisse des dotations.

Si la situation en 2015 était au vert (ce qui est faux), la nouvelle baisse des dotations et les mesures catégorielles feront passer les voyants à l’orange en 2016 et si une nouvelle baisse des dotations survient en 2017, tous les feux seront au rouge pour le bloc communal. Il est urgent de desserrer le nœud coulant qui depuis 2014 étouffe les collectivités locales et leur promet une mort certaine. La majorité des maires ne peuvent plus faire d’économie de fonctionnement, cette marge est épuisée. La situation n’est plus tenable. Il est impératif de stopper l’hémorragie et de laisser le malade agonisant respirer.