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Le vivre ensemble à l'épreuve des finances locales

Par Caroline Cayeux, sénateur-maire de Beauvais, présidente de Villes de France

Les attentats qui ont marqué notre territoire et le climat d’insécurité qui a suivi sont effectivement une atteinte à notre art de vivre, à notre culture, et plus globalement à notre vouloir-vivre ensemble. Ils nous imposent de repenser nos leviers d’action pour préserver notre modèle démocratique.

Bien vivre ensemble, objectif partagé par tous les élus locaux qui œuvrent au quotidien pour le bien commun, c’est assurer à chacun un niveau de services publics locaux de qualité : un habitat digne, un bon niveau d’éducation et de formation, un accès à la santé ; c’est permettre à chacun de vivre de son travail, d’occuper sa place dans la société et d’exercer sa citoyenneté ; les nombreuses politiques publiques locales contribuant à renforcer ce lien social.

Les six cents Villes de France qui avec leurs agglomérations maillent le territoire national, sont des points de repère pour tous les habitants ; elles constituent un atout irremplaçable pour faire obstacle aux fractures territoriales qui se creusent entre les métropoles et les territoires ruraux… Pour les maires et présidents d’agglomérations réunis au sein de Villes de France*, qui se sont engagés pour relever ce défi de la cohésion sociale, le sujet est d’importance. Le mandat que nous exerçons est avant tout celui de la proximité. Ce sujet du vivre ensemble nous l’approfondirons à l’occasion de notre Congrès annuel de 2016. Il se tiendra à Beauvais, les 23 et 24 juin, et je vous invite vivement à y participer. Nous avons souhaité traiter du vivre ensemble dans un contexte de très fortes contraintes budgétaires, en particulier sur les politiques culturelles et sportives, qui constituent des axes forts et qui seront au cœur des échanges de cette grande réunion annuelle.

Le mandat de maire c’est aussi celui des exigences en direct. Nos villes constituent un trait d’union indispensable entre les territoires. Mais pour apporter les services attendus par la population, il faut des moyens en rapport avec ces attentes. Nous sommes arrivés à la limite supportable de la baisse des dotations, pour pouvoir maintenir les investissements publics. Contrairement à ce que disent certains, ce n’est pas le train de vie de nos administrations qui est en question, car nous avons réduit autant que possible nos dépenses de fonctionnement. Défendre les finances locales est plus que jamais indispensable pour renforcer le rayonnement local et préserver la cohésion sociale.

En avril dernier, avec l’ensemble des associations d’élus qui forment le bloc local (communes et intercommunalités), nous avons co-signé une Résolution commune réaffirmant les conditions préalables et les propositions pour la réussite de la réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement.

Ce texte qui est le fruit d’un consensus entre associations, demande l’arrêt des ponctions de l’Etat sur les collectivités locales. Nous avons en effet demandé au Gouvernement l’abandon de la dernière tranche de baisse des dotations prévue en 2017. Il s’agit d’une priorité nationale pour stopper la chute de l’investissement local.

Ainsi, sur les années 2013-2017, les concours financiers de l’Etat aux collectivités locales sont en effet appelés à diminuer de 12,5 milliards d’euros, soit une baisse cumulée de 28 milliards d’euros entre 2013 et 2017 dont 15,7 milliards d’euros (56 %) pour le seul bloc communal.

Le double mouvement de baisse des dotations et de transfert unilatéral de dépenses par l’Etat conduit au bord du déséquilibre budgétaire un nombre de plus en plus important de collectivités. Après 10 milliards de baisse des investissements depuis 2013, le bloc communal est contraint de réduire les services à la population ou d’augmenter les tarifs, et de limiter à nouveau les investissements locaux.

Les associations du bloc communal, qui ont accepté le principe d’une contribution des collectivités locales à la réduction des déficits des comptes publics, ont alerté sur le caractère insoutenable et inéquitable de ce plan triennal et ont demandé à l’Etat d’entendre l’exaspération des élus locaux contraints désormais de réduire leur soutien à la cohésion sociale et au développement économique.

Pour bien vivre ensemble, nous affirmons que la culture et le sport sont essentiels, malgré les contraintes financières du secteur local. Les Villes de France l’ont bien compris car elles mettent en œuvre des politiques volontaristes et dynamiques et mobilisent des moyens importants (près de 20 % de leurs budgets). Il est donc nécessaire de promouvoir auprès de la population, une grande qualité et une véritable diversité de l’offre culturelle et sportive. Celle-ci contribue à développer les capacités et les attitudes nécessaires à la vie en société.

Faire vivre son territoire par la culture et le sport implique donc de construire une offre accessible et diversifiée, permettant l’épanouissement personnel et la performance, et une meilleure promotion du territoire. Le but des politiques locales est de faciliter l’accès de tous les publics aux infrastructures et aux pratiques.

En ce qui concerne le sport, les villes doivent assumer les « contraintes » nées de la notoriété et des performances de leurs clubs sportifs, tout en répondant aux aspirations de tous les publics à la pratique sportive, et en développant l’activité physique, gage d’une bonne santé des habitants.

Comme le sport, la culture est réaffirmée par la loi NOtre comme compétence partagée. Les politiques territoriales doivent donc être construites collectivement, tant dans leur contenu que dans leur financement. Il nous faut désormais collaborer avec les autres collectivités dans les conférences territoriales de l’action publique pour faciliter le dialogue. Cette concertation menée au niveau régional avec l’ensemble des collectivités, est déjà engagée pour la région à laquelle j’appartiens, la région « Hauts de France ».

Les politiques culturelles et sportives impliquent aussi de mettre en place des stratégies pour renforcer le rayonnement et l’attractivité du territoire. Si la vie locale est rythmée par les animations culturelles et sportives, son rayonnement implique également d’organiser de grandes manifestations permettant de se démarquer et de renforcer l’identité du territoire. Les retombées économiques attendues sont importantes pour le développement local.

Mais en dépit d’une offre de qualité, culture et sport font également partie des politiques locales qui doivent passer par le tamis de la réduction de la dépense publique. Avec la baisse drastique des concours de l’État, les Villes de France et leurs agglomérations, risquent d’être de surcroît pénalisées par la réforme de la DGF, si aucun correctif n’est pris, jusqu’à mettre en péril les équilibres sociaux des Villes de France. Les décideurs locaux risquent de ne pas avoir d’autres choix que de procéder à des arbitrages douloureux en rationnalisant d’une part les équipements (transferts, mutualisations, privatisations), mais aussi en baissant les subventions aux associations et en adaptant les politiques tarifaires.

Mais, je vous donne rendez-vous à Beauvais, car l’ensemble de ces questions fera l’objet d’un débat intense lors du Congrès de Villes de France, en présence de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, d’Estelle Grelier, secrétaire d’Etat aux Collectivités locales ainsi que de très nombreux maires et présidents d’agglomérations. 

* Villes de France

Forte de 28 ans d’action Villes de France (anciennement Fédération des villes moyennes) rassemble les villes et les intercommunalités françaises de 15 000 à 250 000 habitants, dont les bassins de vie sont caractérisés par une réelle qualité de vie et un dynamisme jamais démenti.

Plus que la taille, c’est la fonction urbaine dans toutes ses dimensions qui fait des villes et agglomérations un ensemble cohérent, qui partage les mêmes enjeux de développement. Défendre et valoriser ces pôles d’équilibre entre les métropoles et les territoires ruraux et faire mieux reconnaître leur vocation d’armature urbaine incontournable, au service de la population, sont les objectifs premiers de Villes de France.