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La Mer est l'avenir de la Terre

Par Yannick Moreau, Député de la Vendée Littorale (LR), Secrétaire national à la Mer et à la pêche

“Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée”. Ces mots du Cardinal de Richelieu, résonnent à nos oreilles avec une triste actualité trois siècles plus tard. Parce que ses dirigeants n’ont jamais voulu s’y atteler réellement, la France n’a pas pu se doter d’un corpus stratégique sur la question maritime et son corollaire, l’élaboration d’une véritable politique maritime. Pourtant, nous possédons le deuxième espace maritime mondial ainsi que quatre façades maritimes en métropole. Sans compter nos Outre-Mer. Le potentiel est immense mais si peu, ou si mal exploité. Ne serait-ce que dans l’aquaculture, l’économie portuaire et la marine marchande, les énergies marines renouvelables, l’exploitation des minerais et la construction navale qui ont un potentiel largement sous-exploité comme le démontre une étude de la Fondation Concorde de juillet 2013.

Il y a bien eu des initiatives politiques récentes pour redonner au sujet la place centrale qu’il devrait avoir : ainsi la proposition de Loi « croissance bleue » du député Arnaud Leroy a tenté d’améliorer la compétitivité des entreprises concernées et de simplifier l’ensemble du dispositif législatif concernant les activités maritimes. Mais il s’agit d’une initiative qui reste encore timide au regard des enjeux entourant ces questions.

L’affirmation de notre souveraineté constitue la première d’entre elles. Nos moyens militaires, scientifiques et diplomatiques devraient être mobilisés en permanence. Or la police et la Marine nationale ne disposent pas aujourd’hui des équipements nécessaires à cette mission, alors que de nombreux pêcheurs, profitant de ce laxisme, pillent allègrement les ressources françaises. A cela s’ajoute la croissance de trafics en tous genres qui fragilisent la sécurité et le respect de notre souveraineté. Les frégates ou les escorteurs chargés de prévenir ces vols et d’assurer, par une surveillance effective, la maîtrise de nos territoires, sont pour la plupart des bâtiments vétustes et leur nombre est d’ailleurs largement insuffisant.

Outre la sauvegarde de notre souveraineté, il est nécessaire d’assurer la durabilité de nos océans, condition préliminaire à toute ambition maritime. Nos priorités doivent se tourner vers une protection raisonnée de la biodiversité afin de conserver durablement l’identité et le potentiel stratégique que représentent nos territoires marins (qualité de l’eau, gestion des déchets, énergies propres, respect des cycles de reproduction des espèces marines, défense des zones côtières…). Mais cette préservation ne passera qu’en y associant les acteurs marins, en particulier les marins-pêcheurs qui, jusqu’à présent, sont plus traités comme des braconniers plutôt que comme des entrepreneurs responsables.

Ces deux grandes questions illustrent bien la nécessité absolue de développer une véritable politique maritime française qui reposerait, non pas sur un hypothétique Ministère de la Mer, et encore moins sur le Ministère de l’Ecologie, mais bien sur des actions transversales : par exemple en renforçant le Secrétariat général de la Mer par une association plus poussée avec le Ministère de l’Economie. Ces actions doivent s’appuyer sur l’autorité du Chef du gouvernement pour pouvoir se déployer avec efficacité et cohérence dans toutes ses composantes.

En effet, l’économie maritime représente 500 000 emplois répartis sur l’ensemble du territoire et dans l’ensemble des secteurs d’activités : commerce, énergie, recherches scientifiques, environnement, loisirs, tourisme et bien sûr le sport. Rien n’est plus représentatif de cette multitude de branches que le Vendée Globe qui allie identité, esprit d’aventure et de dépassement de soi, exigence technologique et défi sportif.

On ne peut laisser ainsi un tel vivier d’emplois et de richesses dépérir : car à l’heure où la France est l’un des derniers pays à ne pas voir son économie reprendre, la question du chômage reste préoccupante. La filière industrielle maritime à elle seule pourrait proposer un très grand nombre d’emplois à long et à court terme. Mais elle souffre pour l’instant d’un manque de financement et de fonds-propres, empêchant par-là la constitution d’une nouvelle flotte. De plus, la flotte actuelle ne séduit plus puisque le nombre de navires de transport français sous pavillon français est passé en cinq ans de 210 à moins de 180. Il faut donc valoriser le pavillon français. De la même manière, l’excellence scientifique doit être mieux valorisée. L’IFREMER doit bénéficier d’un soutien plus grand permettant un développement de la croissance scientifique.

Bien sûr, la mer n’est pas qu’un sujet franco-français et l’on aurait tort d’envisager la question maritime uniquement dans un cadre national. Mais sur ces questions, l’Union Européenne constitue autant un allié qu’un prédateur. Certes il existe des fonds d’aide et de modernisation utiles, comme le FEAMP par exemple, mais la vision technocratique et normative demeure trop persistante. Quel secteur économique accepterait de voir la taille de son marché être remise en cause ainsi chaque année de manière aussi brutale ? Quand les totaux admissibles de capture sont décidés par la seule « roulette bruxelloise », il devient impossible de prévoir les investissements nécessaires pour les années à venir, ce qui produit naturellement une crispation des pêcheurs. Le bon sens voudrait, pour laisser à ces derniers une certaine flexibilité, que l’on favorise des quotas pluriannuels de 2 à 5 ans, plus à même de s’inscrire dans une perspective à long terme. Il serait également judicieux que les pêcheurs soient associés à leur définition.

Malgré ces obstacles, il y a pourtant des choses à mettre en œuvre, en transposant par exemple la réussite du Cluster maritime France au niveau européen, permettant ainsi de réaliser des études approfondies sur ces enjeux. Mais les parlementaires nationaux sont actuellement trop éloignés : les groupes de travail spécialisés du Sénat et de l’Assemblée nationale ne se connaissent pas et ne travaillent pas ensemble. Il y aurait là matière à amélioration si l’on veut appliquer le principe de transversalité évoqué précédemment. On peut également prendre l’exemple de la Vendée, véritable laboratoire de la « croissance bleue », avec un potentiel de développement considérable qui concilie pêche, construction navale et plaisance.

Mais cette croissance ne sera possible que si l’on dope la compétitivité de notre industrie et du pavillon français par la simplification des normes et l’adaptation du droit du travail. D’ailleurs, cette adaptation est nécessaire également au niveau des ports français qui souffrent d’une absence de complémentarité et qui ne parviennent pas à constituer un vivier d’emplois compétitifs. Il leur faut plus d’autonomie en les basculant vers un statut de droit privé et en assurant une meilleure connexion entre les ports et leur Hinterland. Enfin, il paraît essentiel de ne plus négliger les départements et territoires d’Outre-Mer qui représentent 90 % des espaces maritimes sous juridiction nationale. Leur rôle dans la croissance et la redistribution de ses bénéfices futures constitue un avantage inouï et sans doute encore inexploité. Il est temps de mettre fin à cette distorsion entre leur contribution à cette « croissance bleue » et le peu de considération dont on fait preuve envers eux.

Tout ceci nécessite l’élaboration d’une stratégie claire déployant une ambition à long terme. Mais peut-être faudrait-il avant toute chose encourager la conversion de nos dirigeants à la cause maritime, pour aboutir à une convergence des volontés politiques sur ce sujet. Dans tous les cas, le temps presse car si nous ne faisons rien, nous en paierons le prix rapidement.