Les papes d’Avignon et le vin. Quelle drôle d’association. Et pourtant. Les souverains pontifes – les 7 papes et les deux anti-papes - qui régnèrent en Avignon de 1309 à 1403 ont eu une véritable influence sur l’essor de la viticulture dans les Etats Pontificaux du Rhône (Etat d’Avignon et Comtat Venaissin), devenus le Vaucluse après leur rattachement – annexion diront certains – à la France en 1791 (1).

A la table de la cour pontificale, la consommation de vin est importante (2,5 litres par jour et par personne), une cour qui compte non seulement le pape, les cardinaux, les évêques, les prêtres mais aussi les courtisans et sujets de la cour romaine, sans oublier leurs familles (de 500 à 650 personnes selon les époques). Au Moyen-Âge, le vin est aussi utilisé en cuisine (marinade, sauce, vinaigre, conservation des fruits et légumes) ; et très largement consommé en raison de la piètre qualité de l’eau. Il sert aussi de base à la médecine médiévale. Le vin a enfin un usage liturgique, en devenant lors de l’Eucharistie, sang du Christ. Ce qui fait dire à Jean-Pierre Saltarelli (2) que « la viticulture doit beaucoup à la religion catholique ». « Dans le Comtat venaissin, ajoute-il, il est certain que le passage des papes a été d’un grand bénéfice » en faisant venir du sud-ouest des viticulteurs et des pratiques, en important de nouveaux cépages et en généralisant la consommation journalière , « et cela se mesure encore 700 ans plus tard : la vigne et le vin sont la principale richesse agricole du Vaucluse ».

Les 7 papes et 2 anti-papes avignonnais appréciaient le vin, chacun à leur manière et pas forcément les mêmes. Clément V, le premier d’entre eux était propriétaire d’un vignoble à Pessac lorsqu’il était archevêque de Bordeaux. Il fera planter la première vigne pontificale à Malaucène. Jean XXII appréciait pour sa part les vins de Tournon (Hermitage) mais aussi des costières de Nîmes, des environs d’Aix et bien sûr du Comtat. La légende dit qu’il acheta la ville de Valréas (enclave des papes) pour son vin. « Ce pape, précise Jean-Pierre Saltarelli, est à l’origine du vignoble pontifical de Châteauneuf-du-Pape qu’il fit planter par des viticulteurs venus de Cahors, sa ville natale ». Quant à Benoît XII, initiateur du Palais des Papes, Pétrarque qui ne l’aimait pas parlait de lui comme « d’un ivrogne invétéré ». Clément VI jette son dévolu sur le muscat de Beaume-de-Venise qu’il réserve à la Cour pontificale. Le vin blanc et rouge de Châteauneuf fait le bonheur d’Innocent VI. Sous son pontificat les surfaces consacrées à la vigne augmentent, notamment à Apt. Urbain V, au-delà des vignes plantées au pied du Palais, développe le vignoble de Châteauneuf avec du raisin muscat. Grégoire XI, fidèle au muscat de Beaume acquiert tout de même en 1374, 25 ha près de l’Isle-sur-Sorgues. Mais l’heure est au Grand schisme et aux pontificats de Clément VII et de Benoît XIII (3). Ce dernier contraint de s’exiler à Peniscola, et pour se procurer des liquidités, vend en 1414 quelques muscadières, dont celle de Beaume-de-Venise. Le retour à Rome de la papeauté n’empêchera pas toutefois les souverains pontifes de continuer à apprécier le vin de l’Altera Roma. Aujourd’hui des vins d’Avignon, il ne reste qu’une vigne au Jardin des Doms (photo). Voilà très résumée l’histoire des vins de ces papes à revivre grâce au livre « Les vins des papes d’Avignon » et à l’exposition présentée par l’Association Européenne de Formation à l’oenotourisme (4). L’AEFO entend aussi créer très prochainement une route des vignobles des pontifes : « Iter vitis pontificum © ». Une belle idée qui a notamment reçu le soutien de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin (ANEV). ■

(1) Le Comtat venaissin, capitale Carpentras, est terre pontificales depuis 1229. La cité d’Avignon achetée par Clément VI en 1348 est une ville Etat
(2) Auteur de « Les vins des papes d’Avignon »
(3) Lire à son sujet le très beau livre de Jean Raspail : « L’Anneau du pêcheur ». Prix Maison de la Presse 1995 – Albin-Michel
(4) En savoir plus sur : http://levindespapes.blogspot.fr