Print this page

Projet de loi Travail : une occasion manquée pour le pays !

Par Alain Chrétien, Député de la Haute-Saône, Membre de la Commission des Finances

Le projet de loi Travail est devenu un condensé de ce qui rend l’action publique inefficace : il n’y a rien de plus contre-productif que de créer de l’espoir pour reculer aussitôt. L’avant-projet de loi allait dans le bon sens, finalement, nous allons déboucher sur un texte vidé de sa substance.

Si le gouvernement cherchait à décourager la droite et le centre de soutenir le texte, il ne s’y prendrait pas autrement. Une preuve s’il en est que Manuel Valls n’est pas un réformateur car réformer ce n’est pas céder à toutes les revendications à la première mobilisation, pourtant clairsemée.

L’intention de départ était louable, il s’agissait d’assouplir les rigidités du Code du travail pour favoriser l’embauche. La réforme du droit du travail part d’un constat simple, partagé par tous : le Code du travail – avec 8000 articles – est devenu illisible.

Si le constat est partagé, le diagnostic n’est pas le même. Certains vont même jusqu’à dire que si la croissance française est atone et ne crée pas ou peu d’emplois, c’est en raison d’un déficit de la demande. Ils prônent une relance à l’ancienne avec hausse des salaires et des dépenses publiques. Ils oublient que la France est – avec la Finlande – championne de la dépense publique dans l’OCDE. Ils oublient le peu de résultat des trente dernières années de relance par la demande, avec un chômage essentiellement structurel qu’une action sur la demande n’a jamais permis d’endiguer.

Pourquoi ne pas tout simplement essayer ce qui marche ? Les pays dont le chômage structurel a reculé sont ceux qui ont su libérer et simplifier leur marché du travail, comme le Royaume-Uni dans les années 80, l’Allemagne dans les années 2000 et plus récemment l’Italie, où la politique de Matteo Renzi commence à porter ses fruits.

Au lieu d’essayer ce qui marche, on en revient aux vieilles recettes. Le texte est subitement devenu plus favorable aux syndicats qu’aux PME, avec plus de contraintes que de souplesse. Une occasion manquée. Le texte n’allait déjà pas assez loin, maintenant il recule. Et ce recul en prépare d’autres. L’entrepreneur et le professionnel sont une fois de plus mis à l’écart d’une pensée économique décidée dans le huis clos d’un conseil des ministres trusté par la promotion Voltaire.

Alors que nos PME sont engagées dans une concurrence accrue dans un monde globalisé, Manuel Valls, pour satisfaire les syndicats, a apporté plusieurs corrections au projet de loi. Qu’on en juge plutôt :

La barèmisation des indemnités prud’homales en cas de licenciement sera seulement indicative alors qu’il aurait fallu les plafonner à 15 mois. Cela aurait pourtant permis de dissiper la peur de l’embauche pour les PME.

Recul sur le forfait jour. Le texte initial proposait de permettre aux entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord collectif de conclure des forfaits jours en négociant salarié par salarié. Finalement, les employeurs devront passer par un accord collectif ou négocier avec un salarié mandaté par un syndicat.

Recul sur les heures de délégation syndicales qui seront portées à 20 % d’heures supplémentaires. Recul également sur le fait d’accorder plus de souplesse aux entreprises sur le temps de travail des apprentis.

Recul enfin sur la modulation du temps de travail. Elle pourra relever en partie de l’employeur mais sur deux mois alors que le texte de projet de loi ne prévoyait pas de limite et une décision unilatérale de l’employeur.

Quant à la garantie jeune, ce n’est pas une nouveauté. Lancée en 2013, la mesure devait permettre aux 18-25 ans non diplômés de toucher 461 euros par mois pendant un an, en échange de l’obligation de suivre un parcours de formation. Mais la cible n’est pas définie. Calibrée pour 100 000 jeunes par an, 900 000 seraient en fait concernés soit un coût de 4.1 milliards sans qu’aucun financement n’ait été prévu.

Seule mesure positive qui subsiste, celle sur la notion de licenciement économique. Le système actuel empêche les groupes internationaux de pouvoir restructurer une filiale française déficitaire s’ils sont profitables au niveau global, de quoi dissuader les investissements étrangers en France ! C’est donc une bonne chose de limiter au seul champ hexagonal l’examen de l’opportunité de licenciements économiques. Le seul bémol c’est le rôle accru du juge. On voudrait illustrer la défiance dont font l’objet les chefs d’entreprises que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

Enfin, le compte personnel d’activité, porterait dès 2017 les droits des actifs tout au long de leur vie professionnelle. Le droit à la formation annuelle passerait de 24h à 40h. Sur ce point, le texte va suggérer aux partenaires sociaux d’élargir aux demandeurs d’emploi, ce que je trouve une bonne chose et cela permettra de mieux orienter les fonds de la formation professionnelle mais avec le risque que ce dispositif ne se transforme en nouveau zinzin dans lequel chacun veut y mettre ce qu’il souhaite, le rendant inefficace. Et comment ce nouveau dispositif va-t-il s’articuler avec le compte personnel de formation, entré en vigueur en janvier 2015 ? Nul ne le sait.

L’un des principaux paramètres de la compétitivité étant le temps de travail, il faudrait aller encore plus loin en supprimant la durée légale unique du travail et prévoir la fixation de cette durée dans des accords de branche ou d’entreprise.

Les syndicats ont une rhétorique datant de l’économie de production avec des schémas de type plein emploi, où chacun reste au même poste pendant 40 ans : ils disent vouloir défendre le salarié, mais que font-ils du demandeur d’emploi ? que font-ils du salarié qui veut se reconvertir ? Tout est fait pour décourager la mobilité, l’initiative et l’embauche.

Il faudrait accorder la possibilité aux employeurs de pouvoir déclencher un referendum d’entreprise (afin qu’il ne soit pas uniquement réservé aux organisations syndicales) et élargir le champ du référendum au niveau des TPE-PME dans lesquelles les syndicats sont très peu représentés.

La prochaine majorité devra plafonner la barèmisation des indemnités prud’homales, permettre aux entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord collectif de conclure des forfaits jours en négociant salarié par salarié, plafonner le nombre d’heures de délégation syndicales et réformer l’inspection du travail.

Mais le vrai défi de la prochaine majorité sera de redonner aux Français le goût du risque et leur rendre la liberté d’entreprendre que l’État providence a confisquée au nom d’une égalité niveleuse.

En France, on a tout essayé sauf ce qui marche ! Qu’attendons-nous ?