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Un « nouveau logiciel républicain »

L'Assemblée nationale a adopté très largement, par 356 voix contre une, en première lecture, le projet de loi « pour une République numérique », qui vise à accroître l'ouverture des données publiques, mieux protéger les internautes et améliorer l'accès à Internet.

Cadeau de naissance avant l'heure pour Axelle Lemaire, alors enceinte de huit mois, qui portait le projet de loi « pour une République numérique » et qui a de quoi se réjouir : son texte destiné à actualiser « le logiciel républicain » a été adopté par 356 voix contre une (et 187 abstentions), en première lecture à l'Assemblée. Il doit maintenant passer au Sénat dans le cadre de la procédure accélérée (une seule lecture par Chambre). A l'Assemblée, Philippe Gosselin, pour les députés LR qui ont choisi « l'abstention vigilante » a parlé d'un « ensemble cohérent mais malheureusement très insuffisant ». Selon le député, le texte « ne contient pas, loin s'en faut, les promesses de son titre ». « De larges pans du numérique sont oubliés ou mis de côté » regrette-t-il. Mais au-delà de certaines « avancées », Philippe Gosselin redoute, avec ce texte « une vraie fracture » entre « le numérique des villes et le numérique des champs ». Même son de cloche à l'UDI. Bertrand Plancher qui salue « l'esprit général » du texte craint à son tour de voir la fracture numérique s'installer et grandir en France avec un tel texte. Les Ecologistes et les députés du Front de Gauche ont pour leur part regretté le rejet des amendements visant à créer un statut pour les « domaines communs », des contenus librement accessibles. « En adoptant à une large majorité ce projet de loi, les députés ont fait leur le projet d'une République numérique visionnaire, ambitieuse, et solidaire, voulu par le gouvernement. Au fil des débats d'une grande qualité qui nous ont réuni, en commission, puis en première lecture l'Assemblée nationale, les parlementaires ont enrichi, complété, renforcé ce texte, qui est désormais aussi le leur. La République numérique sera grâce à leur travail plus transparente et plus ouverte, plus protectrice des droits de chacune et chacun, mais aussi solidaire et accessible au plus grand nombre » s'est félicitée Axelle Lemaire dans un communiqué, absente lors du vote et qui avait été remplacée par sa collègue Martine Pinville

La participation d'internautes

Le projet de loi, qui a bénéficié, pour la première fois d'une participation d'internautes grâce à une vaste consultation en ligne, rassemble différentes mesures. Certaines d'entre elles, très concrètes concernent directement les internautes. Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, Axelle Lemaire avait d'ailleurs longuement insisté sur le fait que ce texte était « une loi du quotidien qui confère de nouveaux droits aux utilisateurs ». On peut notamment citer, le « droit à l'oubli » pour les mineurs, le droit à la « mort numérique ». Désormais, la loi autorise l'internaute à prendre des dispositions concernant l'utilisation de ses comptes Internet après sa mort et de préciser le devenir des informations personnelles le concernant. Les députés ont également voté pour une mesure intitulée « liberté de panorama » ; une exception au droit d'auteur qui permet aux particuliers de prendre en photo des monuments ou sculptures protégées par le droit d'auteur, à des fins non lucratives.

Le “revenge porn” sanctionné

Le « revenge porn » ou le fait de diffuser des photos ou vidéos intimes sans le consentement de la personne concernée est désormais pénalement répréhensible et passible de deux ans d'emprisonnement et de 60 000 euros d'amende. Autre mesure, le maintien de l'accès Internet « pour les foyers les plus fragilisés ». Le non-paiement d'une facture ne suffira pas à justifier une coupure d'Internet. La mesure sera financée par les opérateurs de téléphonie et d'Internet. L'Assemblée a également adopté le droit « à la portabilité des données ». Il s'agit par ce biais, et comme cela se fait déjà dans la téléphonie de favoriser le transfert des mails, données et contenus d'un internaute vers un autre fournisseur. Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux devront rendre plus lisibles leurs conditions d'utilisation. La CNIL, voit pour sa part, le montant de ses sanctions financières maximales largement augmentées, passant de 150 000 à 20 millions d'euros.

L'Assemblée a voté pour le raccourcissement des délais avant le libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique. Saluée comme « une avancée majeure » par la Conférence des Présidents d'Universités, cette mesure est dans le même temps décriée par les éditeurs de publications scientifiques.

Dans la ligne de mire des députés et contre l'avis de la Secrétaire d'Etat, les adeptes d'Airbnb. un amendement oblige les propriétaires ou locataires qui louent ponctuellement leur logement via des sites de partage comme Airbnb devront prouver qu'ils en ont l'autorisation, ceci afin d'éviter des sous-locations illégales.

Les adeptes d'Airbnb dans le colimateur

Tout au long de la préparation et de la discussion du texte, plusieurs associations du secteur comme Acsel qui regroupe Google, Paypal ou Showroomprive.com ont dénoncé un projet de loi avec « des mesures réglementaires contre-compétitives pour les entreprises françaises » qui pourraient « fragiliser » le secteur. Pour Axelle Lemaire, il n'en est rien. Bien au contraire, ce texte est là pour « protéger de la concurrence »

 

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