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Face aux soubresauts de l'économie chinoise, restons sereins

Par Philippe Delalande, Economiste, membre d'Asie 21- Futuribles

Quatre faits récents ont inquiété l'Asie, l'Occident puis le monde entier.

1. La baisse de la croissance chinoise dont dépend pour partie celle de l'Asie et du monde
2. Les mesures gouvernementales de soutien à l'économie laissant supposer que l'économie était en panne
3. La forte baisse de la bourse de Shanghai-Shenzhen depuis le 21 décembre qui faillit déclencher une panique.
4. L'élargissement de la marge de fluctuation du yuan, les 6 et 7 janvier, dévaluant le yuan de 1,5%.

Qu'en est-il au juste ?

1. En 2012, Xi Jinping avait fait adopter par le Parti un taux de croissance objectif de 7 à 8% après la croissance folle du mandat Hu Jintao, 10,63% en moyenne de 2002 à 2011, qui avait causé une forte dégradation de l'environnement. La Banque mondiale, le FMI et l'OCDE estiment en janvier 2016 le taux de croissance 2015 de la Chine à 6,8%, assez proche finalement du taux objectif mais après de forts doutes au cours de l'année. Le plénum d'octobre 2015 a fixé un taux objectif de 6,5% pour le 13e plan 2016-2020, difficile à tenir sur les cinq ans

2. Il y eut depuis novembre 2014 sept mesures successives de soutien à l'économie, des baisses du taux d'intérêt et des réserves obligatoires des banques, visant à rendre plus abondant et moins coûteux le crédit bancaire. Mais il n'y eut pas de création monétaire par « quantitative easing » comme la FED et la BCE l'ont pratiqué, ni d'injection de crédits budgétaires comme cela avait été le cas dans le plan de relance chinois de 2008.

3. La baisse du cours de la bourse Shanghai-Shenzhen fin décembre 2015 n'est pas la première. Il y en eut une de 32% en un mois stoppée net le 8 juillet 2015 par achat massif d'actions par le Fonds d'Etat CSF, « China securities finance corporation », alimenté par les courtiers en bourse sur injonction du gouvernement sous peine du retrait de leur licence, une façon fort peu libérale de redresser un cours de bourse qui sidéra les financiers occidentaux. Une légère rechute eut lieu fin août. La 3e baisse, fin décembre, s'est poursuivie en plongeon de 7% le 4 janvier.

La bourse de Shanghai-Shenzhen est très isolée du reste du monde par le contrôle des changes qui interdit les mouvements de capitaux en devises sans contrepartie commerciale ou d'investissement dans un projet agréé. Les « actions A » qui constituent plus de 95% de la capitalisation boursière sont libellées en yuans et donc réservées aux résidents chinois ou aux détenteurs de yuans domiciliés en Chine. Les actions B, H, Red chips, en US $ ou HK $ ont très peu de place à la bourse de Shanghai-Shenzhen. Enfin depuis dix ans les entreprises publiques sont autorisées à introduire en bourse une minorité de leur capital. Elles constituent actuellement une fraction majeure de la capitalisation boursière. Le cours de ce « flottant » des entreprises publiques a peu d'influence sur leur activité. L'isolement de la bourse chinoise et la place qu'y tiennent les entreprises publiques en font essentiellement un lieu de spéculation pour les Chinois qui de tout temps aiment défier le destin par les jeux d'argent. Mais la bourse a jusqu'à maintenant un rôle modeste sur l'économie nationale. La forte hausse spéculative de décembre laissait prévoir une baisse en janvier. Elle s'est produite. Les suspensions de cotation d'un quart d'heure ou d'une journée n'y purent rien. Le cours de l'indice « Shanghai composite » atteint 3026 le 11 janvier après une nouvelle glissade de 5%. Mais le cours de fin septembre était de 3052, presque identique. Ces fluctuations erratiques ébranlent la confiance en la Chine

4. La dévaluation de 1,5% en janvier fait suite à l'intervention de 100 Mds $ que la Banque centrale, PBOC, a dû faire en décembre pour soutenir le cours du yuan affecté par la perte de confiance en l'économie chinoise. Elle sanctionne cette méfiance envers le yuan. Mais le cours du yuan le 8 janvier est de 1 US $ = 6,58 alors qu'après la dévaluation d'août, 1 US$ = 6,40 yuans. La dépréciation est encore modeste mais peut-être pas terminée !

Il est logique que toute perturbation dans la seconde économie mondiale inquiète le reste du monde. Le manque de transparence des actions des dirigeants, caractéristique d'un régime de parti unique, et la méconnaissance des mécanismes de fonctionnement d'une économie communiste ajoutent à l'inquiétude. Cette inquiétude et ses conséquences internationales confirment la place éminente que tient la Chine dans l'économie mondiale. Les dirigeants communistes ont peu de goût pour la communication financière et économique. Ils devront s'y mettre. Mais l'inquiétude occidentale semble exagérée. Les fondamentaux de l'économie restent solides. La Chine s'efforce depuis l'accession au pouvoir de Xi Jinping de changer son modèle de développement pour ne plus être seulement l'usine du monde mais son foyer d'innovation et son laboratoire, ce qui ne va pas sans perturbations. 

 

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