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A la Lanterne rouge

20 novembre 2015
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Avec son côté nébuleux, ténébreux et sulfureux, le monde de la prostitution a toujours attiré les regards curieux, gourmands, désapprobateurs et /ou avertis. Avec l'exposition « Splendeurs et misères, images de la prostitution », le Musée d'Orsay qui sait attirer le chaland et sans être (trop) racoleur rend « hommage » à ces « filles perdues ».

La prostitution « représente bien la sauvagerie dans la civilisation (…) le beau dans l'horrible » écrivait en 1863 Baudelaire (« Le Peintre de la vie moderne ») qui invitait ses amis artistes à s'intéresser au sujet. Au regard du nombre de toiles accrochées sur les murs du Musée d'Orsay le message a été entendu. Il est vrai que sous le Second Empire et tout au long du XIXème siècle, la prostitution est omniprésente dans la société parisienne. L'inspiration est tentante pour les artistes qui utiliseront alors tous les moyens pour représenter l'amour tarifé, du plus classique, la peinture au plus moderne pour l'époque, la photographie et le cinéma. Le Musée d'Orsay nous fait d'abord pénétrer dans ces maisons closes, univers à la fois secret et ouvert que des peintres comme Constantin Guys, Edgar Degas, Henri de Toulouse-Lautrec ou Emile Bernard magnifient presque « suggérant tantôt l'atmosphère fiévreuse du bordel, tantôt l'intimité des pensionnaires avant l'arrivée du client ». En peinture et en photos, « ces lieux de sociabilité masculine sont régulièrement présentés comme des promesses d'initiation, de volupté et de transgression » décrit le Musée d'Orsay. Mais la prostitution ne se limite pas aux bordels, elle envahit les lieux publics, les Grands Boulevards, les théâtres en passant par les cafés et brasseries. Difficile alors de distinguer la femme honnête de la femme vénale. Une ambiguïté que certaines ont su entretenir et même en jouer. Un « jeu des apparences » qui inspire l'artiste. Et puis, sont arrivées, les « grandes horizontales », ces courtisanes « étoiles de la haute prostitution » dont l'ascension est souvent fulgurante. A l‘époque, elles incarnent pourtant une certaine forme de réussite sociale « qu'elles manifestent à travers la commande et la diffusion de portraits peints, sculptés ou photographiques. Le raffinement de leurs toilettes et les décors luxueux des hôtels particuliers qu'elles font construire ou aménager brouillent les frontières entre monde et demi-monde ». Ces femmes prescriptrices de mode et de goût inspirent aussi. Reste qu'en dépit de la beauté de certaines de ces toiles, derrière la façade, hier comme aujourd'hui, on ressent dans les yeux de ces « filles perdues » de la tristesse et de la misère. Une exposition à voir même s'il faut se munir de patience car la queue est longue. 

Jusqu'au 17 janvier. En savoir plus : www.musee-orsay.fr

 

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