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“Je suis avant tout un entrepreneur, convaincu des vertus du dialogue social”

Entretien avec Patrick Bernasconi, Vice-président du Medef, candidat à la présidence du CESE

L'élection du nouveau Président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) aura lieu début décembre. Sera ensuite constituée la nouvelle assemblée dont les 233 conseillers seront nommés par les organisations et par le gouvernement (qui désigne 40 personnalités). Candidat à sa propre succession, Jean-Paul Delevoye aura face à lui, Patrick Bernasconi qui a annoncé en juin dernier sa candidature à la présidence. Patrick Bernasconi qui a reçu le soutien de 18 organisations (patronat, syndicats, associations) revient pour la Revue parlementaire sur son programme et ses ambitions pour le CESE.

Le CESE a pour mission de prendre du recul par rapport à l'actualité brûlante et aux antagonismes idéologiques. Comment concilier temps de la réflexion et de la concertation avec l'agenda politique ?

Il faut replacer le CESE au cœur des débats qui traversent notre pays, comme le veut la constitution.

Le temps de la réflexion n'est jamais une perte de temps, le CESE doit pouvoir se prononcer sur les sujets difficiles, le plus en amont possible, mais aussi, au moment où les décisions sont en passe d'être prises. Certains des grands débats qui vont parcourir notre pays sont déjà bien connus ! A nous de nous en saisir afin de les préparer et de donner au Parlement, au Gouvernement, des éléments de réflexion venant de la société civile organisée. Nous devons faire évoluer notre fonctionnement, les Pouvoirs Publics, et le Parlement, doivent comprendre que ce temps de la réflexion loin des projecteurs médiatiques est indispensable, moins sujet à la cristallisation des antagonismes.

Le CESE est la 3ème Chambre de la République :

L'Assemblée nationale, représente les citoyens grâce au suffrage universel, avec l'aide des partis politiques qui concourent à la démocratie, Le Sénat, représente les territoires,

Le CESE représente la société civile organisée et qualifiée dans ses dimensions sociales, économiques, environnementales.

Le CESE est critiqué comme émettant des avis intéressants mais rarement suivis. Comment faire pour que les organisations suivent jusqu'au bout leurs représentants ? Finalement, la mise en lumière d'un avis consensuel dans le débat public ne le voue t-elle pas à l'échec ? Que mettrez-vous en place pour que le CESE soit une institution utile et incontournable favorisant un dialogue constructif suivi d'effets ?

A qui la faute ? A ceux qui écrivent ces avis intéressants ou à ceux qui ne s'en saisissent pas ? Cette faute revient aux deux ; à l'avenir, cette prise en compte doit passer par des efforts en direction de différents acteurs :

- des organisations dont les membres siègent au CESE,

- des pouvoirs publics afin de leur démontrer la force et la pertinence des avis du CESE.

Les Pouvoirs Publics et le Parlement doivent attraper le « Réflexe CESE » !

Au CESE siègent des organisations, des associations qui représentent des dizaines de millions de Français. C'est à ces organisations de se saisir de ce qui est produit au CESE; d'en inspirer leurs propositions, leurs actions. Nous avons notre part de responsabilité dans ce qu'il advient des travaux du CESE.

Sur la question du consensus, je sais que des consensus forts sont possibles, nous en avons fait la preuve au CESE par le passé, sur des sujets d'une grande complexité :

L'avis sur la grande pauvreté du Père Wresinski en 1987, sur le Smic et la réduction du temps de travail en 2002, sur la rénovation urbaine en 2011…

Quoi qu'il en soit et pour que l'existence d'une source de désaccord n'altère pas la force et la pertinence globale de nos avis, nous proposons de consolider le concept de « dissensus » à partir du moment où il est porté par une forte minorité. En acceptant que certains points puissent faire débat, nous nous autorisons à donner sur les points centraux un avis affirmé, courageux. Ce serait une réelle nouveauté au CESE.

Dans votre projet de candidature, vous dites avoir construit une "méthode créatrice de convergences" et être attaché à édifier des ponts entre des acteurs trop souvent catalogués comme opposés. C'est en principe le rôle du CESE. Vous affirmez donc qu'aujourd'hui cela ne fonctionne plus ?

Au contraire, nous venons de démontrer que le CESE est le lieu privilégié d'un dialogue constructif puisque nous avons, avec une vingtaine d'organisations de tous horizons, représentant des millions de Français, rendu public un projet commun au service du renouveau démocratique de notre pays. Ce que nous devons faire fonctionner c'est l'appropriation des travaux du CESE par les organisations, les Pouvoirs Publics, le Parlement. Le CESE a une grande utilité, c'est une chambre « d'équilibre »! Il est d'une grande modernité, copié à l'étranger, dupliqué dans les villes, la dernière en date étant Paris, important au niveau européen…Aujourd'hui, nos concitoyens ont soif de débats, pas un mois ne se passe sans que de nouvelles instances de consultation ne se créent à un niveau ou à un autre….et si tout bonnement nous utilisions ce qui existe, à moindre frais, à moindre coût, avec une réelle légitimité ?

Un patron à la tête du CESE. Est-ce-que cela vous paraît important à mettre en valeur dans votre candidature à la présidence ?

Je suis avant tout un entrepreneur, convaincu des vertus du dialogue social que j'ai expérimenté dans mon entreprise. Je suis adhérent du Medef, c'est vrai et, je considère aussi honorable de représenter ce mouvement que tout autre syndicat ou association. Je suis le candidat d'un collectif, qui n'a rien à voir avec un club de patrons. Un collectif qui souhaite, en responsabilité, proposer au CESE de participer au renouveau démocratique.

Voir en moi le représentant d'un grand patronat qui souhaiterait mettre la main sur le CESE est donc parfaitement caricatural et infondé.

C'est engagé dans les organisations de chefs d'entreprise que j'ai essayé, et réussi, à promouvoir le dialogue entre organisations que tout oppose à priori : l'une de mes fiertés ? L'accord entre la fédération des travaux publics et les organisations de défense de l'environnement !

Et puis le CESE a déjà connu des chefs d'entreprise à sa tête, tout comme il connaîtra des représentants d'associations, des syndicalistes; il faut bien un lieu où la société civile puisse être représentée.

La Cour des comptes dans son rapport sur le CESE rendu public en février 2015 dénonce la gestion comptable et le régime des effectifs et des salaires. Réformerez-vous la gestion, les rémunérations et les indemnités ? Serez-vous le président de la "réforme structurelle plus ambitieuse" du régime de retraite des conseillers afin qu'il ne soit plus déficitaire ?

S'agissant de la retraite des conseillers je poursuivrai le travail engagé par le bureau sortant afin d'arriver à équilibrer ce régime.

Pour l'organisation du CESE, plus que de réformes je veux parler de Projet. Avec le projet ambitieux que je désire porter pour cette institution, 150 collaborateurs y seront bien nécessaires pour la mettre en œuvre. L'autre réforme que je souhaite est de leur redonner la fierté de servir une institution utile au renouveau démocratique de notre pays. 

 

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