Depuis huit décennies, la Sécurité sociale est toujours ce pilier de la solidarité nationale et un bien commun transmis de génération en génération. Créée en 1945, la Sécurité sociale (Régime général, Régime agricole et régimes spéciaux) est constituée de 5 branches (Allocations familiales, Assurance maladie et AT-MP, Assurance retraite, Autonomie et Recouvrement). Elle regroupe plus de 300 organismes de droit privé répartis sur l’ensemble du territoire, qui emploient 145 000 collaborateurs et recrutent 10 000 personnes par an. Santé, famille, grand âge, handicap, accidents de travail, à travers ces cinq branches, ce régime de protection sociale couvre un large panel de risques et des besoins des Français tout au long de leur vie avec comme mission essentielle celle de « soigner et donner l’accès aux soins » comme l’a rappelé Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie. Célébrer les 80 ans de la Sécurité sociale, c’est aussi « réaffirmer la force d’un modèle fondé sur la solidarité, l’adaptation et la proximité » et comme le souligne d’ailleurs Dominique Libault, directeur de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S), « la solidarité n’est pas un simple héritage : c’est un choix collectif, qui se renouvelle à chaque époque ».
Depuis sa création en 1945, la Sécurité Sociale a accompagné les grandes transformations économiques, démographiques et sociales de la société française tout en démontrant sa capacité d’adaptation. En garantissant la solidarité nationale, elle a su s’adapter aux enjeux de chaque époque comme le montrent ses quelques dates : 1945, création de la sécurité sociale et de l’assurance maladie obligatoire ; 1946, création des caisses allocations familiales (Caf), intégration des risques professionnelles à la sécurité sociale ; 1956, création du minimum vieillesse ; 1960, création des Urssaf ; 1972, loi sur les accidents et maladies professionnels des salariés agricoles ; 1975, loi Veil sur l’intégration des personnes handicapées ; 1988, instauration du RMI remplacé en 2009 par le RSA ; 1994, lancement du Chèque emploi service universel (Cesu) ; 1995, plan Juppé qui instaure le principe du loi de financement de la Sécurité sociale annuelle (LFSS) ; 1999, création de la carte vitale ; 2007, premières aides financières pour les aidants familiaux ; 2018, le régime social des indépendants est rattaché au régime général de la sécurité sociale ; 2020, mise en place de l’aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales ; 2021, création de la branche Autonomie ; 2023, passage de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Si cette protection sociale est « un héritage », « un pilier de cohésion nationale et un choix collectif renouvelé », ce système de solidarité a aussi un coût pour les finances publiques.
En 2023, les dépenses de protection sociale ont représenté 888 Mde, soit 31,5 % du PIB. Les dépenses des régimes de base de Sécurité sociale représentent environ 69 % des dépenses totales de protection sociale (environ 22 % du PIB). En moyenne, les dépenses sociales représentent 9 714 euros par habitant.
Aujourd’hui, le poids des dépenses de la Sécurité sociale pèse plus particulièrement sur sa branche maladie et sa branche vieillesse. En 2023, la branche maladie représente 243,9 Mdse, soit 38,9 % des dépenses totales de la sécurité sociale et la branche vieillesse, 275,1 Mdse (43,8 %). En 2025, les dépenses de la sécurité sociale pourraient atteindre 666 milliards d’euros. Des sommes qui expliquent en partie le déficit attendu en 2025 de l’ordre de 22 milliards d’euros, soit 0,7 % du PIB.
« Sans action sur la dynamique tendancielle des dépenses ou des recettes, le déficit de la Sécurité sociale pourrait atteindre 3 points de PIB en 2040, et 9 points en 2070 » alerte la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) au Sénat. Depuis 2002, la Sécurité sociale est déficitaire. Depuis sa création, les dépenses de la Sécurité sociale n’ont cessé d’augmenter en raison notamment du nombre de prestataires et de prestations, de l’allongement de la vie, des progrès médicaux, d’une couverture élargie (congé paternité, …) mais aussi de l’inflation.
Après ces huit décennies passées, la Sécurité sociale doit aujourd’hui faire face à de nouveaux défis et réfléchir à son adaptation et à son évolution. Le premier de ces défis est celui de la soutenabilité du système de Sécurité sociale qui représente un enjeu majeur en France, à travers son rôle capital sur les finances publiques et son impact sur la croissance économique de notre pays.
Autre défi et pas des moindres, celui de la démographie. A l’instar de la plupart des autres pays européens, la Sécurité sociale est même face à un double défi : le vieillissement de sa population et la dénatalité. Or, le phénomène de vieillissement de la population a pour corollaire « une croissance des besoins sociaux et de facto, des dépenses de Sécurité sociale, en particulier des deux principales branches en termes de poids financier (retraite et maladie) ». « Dans un contexte de vieillissement de la population, où la dynamique spontanée des prestations l’emporte sur celle de la croissance, il est nécessaire de rappeler aux Français que la création de richesse est essentielle au financement de la redistribution » insiste la sécurité sociale.
A cela s’ajoute une baisse du nombre de naissances : en 2024, on en compte 663 000, avec un taux de fécondité de 1,62 enfant par femme, soit un niveau historiquement bas depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Sans nouvelle réforme le nombre de retraités ne va cesser d’augmenter lors des prochaines décennies tandis que la population active va stagner. Rappelons que 56 % du financement de la Sécurité sociale sont assurés par les cotisations sociales des actifs. Les prévisions de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale ne sont pas très optimistes non plus lorsqu’elles tendent à montrer que le ratio entre cotisants et retraités, qui était de 3,17 en 1975, pourrait passer de 1,77 en 2022 à 1,2 en 2070. Tout cela sans compter que le vieillissement de la population entraînera une hausse du nombre de personnes âgées en perte d’autonomie à laquelle il sera nécessaire de répondre par une offre suffisante de professionnels formés aux métiers du soin et du social (aides à domicile…).
Reste que pour préserver notre modèle, « des réformes ont été et continueront d’être nécessaires » insiste l’Assurance maladie. ■
